L’HÉPATITE DU BRAS GAUCHE…

À six mois de la fin de son traitement, un patient vient me consulter et réaliser le contrôle de sa virémie qui, en cas de négativité, signerait sa guérison.
Je viens de finir mon entretien d’évaluation médicale et cette personne prend place sur le fauteuil pour que l’infirmière réalise le prélèvement sanguin dans une veine qu’elle choisit ce jour là… sur le bras gauche. C’est alors que le patient s’agite et demande avec insistance à ce que le bilan soit fait dans le bras droit. L’infirmière s’exécute mais, curieux de sa réaction, je lui demande pourquoi il ne souhaite pas être prélevé sur l’autre bras.

Conscient du caractère atypique de sa réponse et de l’étonnement qu’elle va provoquer, ce patient se lance alors dans une explication, un peut honteux tout de même.

« Docteur, je sais bien que c’est absurde mais comprenez moi, lorsque l’on m’a dépisté, c’est dans le bras gauche qu’a été fait le prélèvement ; quand on m’a fait le test de confirmation c’était encore dans le bras gauche tout comme à l’occasion du dernier bilan avant la mise en route du traitement. Par contre le premier bilan réalisé après un mois de traitement a été fait dans le bras droit et là pour la première fois, le test était négatif comme tous les tests réalisés depuis. Alors vous comprenez bien que le bilan d’aujourd’hui est tellement important pour moi que j’en deviendrais superstitieux et que je préfère que l’on recherche le virus dans une veine du bras droit ! »

Le prélèvement a été fait selon ses désirs et le patient n’a donc pas été surpris d’apprendre que la virémie était toujours négative. J’ai malgré tout proposé qu’une ultime vérification soit réalisée en prélevant du sang dans son bras gauche pour lui prouver qu’il était bien guéri. Son anxiété semblait à son paroxysme mais il accepta, et nous avons pu lui confirmer sa guérison.

Le patient s’excusa de cette superstition qui n’était pas coutumière chez lui. Nous en avons plaisanté et même ri quand j’ai dit qu’il s’agissait probablement d’un nouvel effet secondaire jusque là inconnu et qu’il fallait très rapidement ouvrir un dossier de pharmacovigilance…

On oublie trop souvent qu’il existe tout un monde entre les soignants et les patients : celui des représentations. À chacun les siennes ; celles des soignants ont été façonnées par des années d’études et d’exercice professionnelle et sont forcément différentes de celles des patients.

À cela viennent s’ajouter des croyances nourries de peurs parfois infondées mais qui perdurent et s’accrochent en chacun de nous. On ose rarement les verbaliser tant on en a honte. Ce serait pourtant le meilleur moyen de leur tordre le cou une bonne fois pour toutes, tout en réduisant le fossé d’incompréhension qui subsiste parfois encore entre professionnels de santé et patients.

LA FOURNÉE DE LA FEMME

Le 8 mars est une journée « hépatante » car les droits des femmes à travers le monde restent un combat pour l’égalité dans lequel SOS hépatites se reconnait toujours.

Sociologiquement il est intéressant de voir que pour le VIH des associations de femmes malades se sont constituées et ont revendiqué des prises en charges spécifiques.

Des colloques centrés sur cette prise en charge se sont même développés. Les malades atteints d’une hépatite virale ont maintenu une cohésion entre hommes et femmes mais au delà de cette union, nous sommes conscients des différences et c’est d’ailleurs ce que nous avons travaillé lors de notre dernier forum 2012 à Rennes. Nous avons réfléchi aux différences hommes femmes dans les contaminations et l’accès aux traitements. Ces différences nous aident à mieux nous retrouver pour porter une parole commune.

L’égalité dans la maladie a ses spécificités mais dans bon nombre de pays les décisions de traitement sont fonction du sexe du patient.

Pour en savoir plus sur nos travaux venez nous rendre visite sur le site de SOS hépatites en juin prochain, date à laquelle nous publierons les actes de notre forum.

LE SALON DE L’AGRICULTURE

Une évolution en sens opposé.

Le salon de l’agriculture 2013 vient de fermer ses portes ce dimanche 3 mars. Le scandale du moment concerne l’affaire de la viande de cheval vendue pour de la viande de bœuf et l’on évoque un défaut de traçabilité de la viande.

Pourtant, j’attire votre attention sur le fait qu’il n’y a qu’un pas entre tradition et traçabilité. En effet, avons-nous la traçabilité du sexe de l’animal ? Chez, les bovins comme chez la plupart des mammifères, les deux sexes sont répartis de façon équitable à la naissance. Il y a donc autant de vaches que de taureaux qui naissent chaque année, ces derniers devenant des bœufs après castration. Ainsi culturellement et par tradition nous mangeons de la viande dite « de bœuf » mais dans bon nombre de cas nous ingérons en fait de la vache ! Cela est certes moins vendeur et pourtant, la langue de bœuf qui arrive dans nos assiettes est régulièrement de la langue de vache. Pas grave me direz-vous, au moins nous mangeons de la viande ce qui n’est pas le cas partout sur la planète !

Passé cet aparté au sujet du dernier scandale ayant animé nos plateaux de télévision, certains articles lus dans la presse ou commentés à la radio au sujet de ce salon de l’agriculture m’ont interpelé et amené à faire certains parallèles avec notre système de santé.

En effet de nouveaux concepts ont vu le jour dans le monde agricole comme le Drive-fermier, le concept des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) ou encore celui des Ruches.

Tous ces concepts qui prônent une consommation locale, visent à favoriser une agriculture paysanne et biologique tout en créant du lien entre agriculteurs et consommateurs.

L’agriculture en 2013 évoluant dans une réflexion de proximité permet ainsi de diminuer les intermédiaires, de favoriser le contact direct entre agriculteurs et consommateurs et d’abaisser le coût en CO2. Il semble donc qu’elle ait entamé le chemin inverse de celui de la médecine qui, malgré tous les efforts politiques, ne cesse de voir grandir les déserts médicaux, les malades devant faire de plus en plus de kilomètres pour accéder à un médecin traitant, un spécialiste ou encore tout simplement à une pharmacie.

Et c’est également ce que nous constatons tous les jours dans la prise en charge des malades atteints d’hépatites virales qui, devant la complexité des traitements ont de moins en moins accès à des centres et des équipes proches de leur lieu d’habitation et doivent parfois faire jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres aller-retour pour se rendre dans les centres experts. Quel est alors le coût en taxe carbone d’une guérison d’hépatite C ?

Même si l’adage populaire nous répète sans cesse que « la santé n’a pas de prix », quel en est son impact écologique ? Se poser une telle question est-il vain ou encore vide de sens ?

Si l’on considère que se nourrir bien et se maintenir en bonne santé ou encore accéder au système de santé sont le vœu de la majorité d’entre-nous, il est surprenant de constater que l’évolution de deux systèmes, l’agriculture et la santé, se fait dans des sens opposés, l’un s’orientant vers des concepts de « proxivore », l’autre vers la création de centre de soins régionalisés hyper performants qui continuent paradoxalement de défendre une médecine de proximité. Il est probablement urgent de nous questionner au sujet du système de santé que nous souhaiterions pour les années à venir. Et c’est là l’essence même du concept de démocratie sanitaire.

Pour terminer, revenons au salon de l’agriculture au cours duquel les éleveurs ont longuement échangés sur les vaccins antiviraux rendus obligatoires pour les animaux traduisant ainsi leur incompréhension à ce sujet puisque ces virus ne peuvent se transmettre à l’homme.
Pourtant, nous devons actuellement faire face à une épidémie d’hépatite E. On vient de découvrir qu’en Corse des cochons sauvages et les sangliers domestiqués seraient porteurs chroniques de ce virus et que des transmissions humaines auraient eu lieu par le biais de saucissons ingérés.

Les virus évoluent, nous le savons depuis longtemps. Faire évoluer une société consumériste reste difficile mais pas impossible au vue de cette agriculture qui se mobilise pour exister. Faire évoluer notre système de santé pour l’améliorer et le conserver est l’enjeu de ces prochaines années.

Peut-être faut-il tout simplement oser entrer dans une réelle démarche de démocratie sanitaire ?

POUR LE VIAGRA, ON VA ATTENDRE ENCORE…

Imaginez une consultation entre un médecin et un malade au cours de laquelle vous pourriez écouter le dialogue suivant :

– Le malade : Bonjour docteur, je ne pense pas être malade mais je dois vous parler de quelque chose de délicat.
– Le médecin : Allez-y, n’ayez pas peur, je suis médecin et tenu au secret médical. Je peux tout entendre.
– Le malade : C’est-à-dire que j’ai parfois des pannes au niveau sexuel et sans vous offenser j’ai lu que le viagra pourrait me guérir et donc me rassurer même si la maladie est plus dans ma tête que dans mon corps.
– Le médecin : Je vois. Effectivement, vous n’êtes pas malade et honnêtement vu les effets indésirables du viagra il vaudrait mieux attendre quelques années car nous aurons bientôt des médicaments tout aussi efficaces, voire plus performants, et donnant moins d’effets secondaires. Et puis comme vous le dites c’est surtout dans votre tête que cela se passe. Alors détendez-vous, vivez normalement et pensez à autre chose.
– Le malade : C’est vous le docteur, merci je vous fais confiance, vous m’avez rassuré.

Je suis persuadé que comme moi, vous trouvez la réponse du médecin inacceptable, ne répondant pas aux attentes du patient.

Pourtant voila ce qu’on pourrait entendre aujourd’hui dans un autre registre :

– Le malade : Bonjour docteur, je ne pense pas être malade mais je dois vous parler de quelque chose de délicat, je voudrais un deuxième avis.
– Le médecin : Allez-y, n’ayez pas peur, je suis médecin et tenu au secret médical. Je peux tout entendre.
– Le malade : C’est-à-dire que j’ai une hépatite C de génotype 1 mais avec des lésions minimes et sans vous offenser, j’ai lu que les nouvelles anti-protéases pourraient me guérir et donc me rassurer même si la maladie est plus dans ma tête que dans mon foie.
– Le médecin : Je vois mais vous n’êtes pas malade et honnêtement vu les effets indésirables des anti-protéases il vaudrait mieux attendre quelques années car nous aurons bientôt des médicaments tout aussi efficaces voire plus performants et donnant moins d’effets secondaires. Et puis comme vous le dites c’est surtout dans votre tête que ca se passe, alors détendez-vous, vivez normalement et pensez à autre chose.
– Le malade : C’est vous le docteur, merci je vous fais confiance, vous m’avez rassuré.

Que pensez-vous de cette dernière consultation ? Vous surprend-t-elle ?

C’est pourtant bien ce qui se passe en ce début d’année 2013.

En effet si pour les malades ayant une hépatite C infecté par un génotype 1, les traitements n’ont jamais été aussi efficaces, il y a pourtant de moins en moins de malades traités.

Êtes-vous vous choqué ? Si comme vous, j’admets que des malades atteints d’hépatite minime peuvent attendre de nouveaux traitements, cette attente est par contre inadmissible pour des malades pré-cirrhotiques ou cirrhotiques.

Pourtant, lors de la conférence de consensus de 2002 n’avait-il pas été convenu que tout malade devait être traité à partir du moment où cela correspondait à son choix après avoir été informé, de façon claire et loyale, au sujet de l’hépatite et de ses traitements ? Ne serait-ce pas ce que l’on appelle le consentement éclairé ?

Alors viagra et anti-protéases même combat, le changement, c’est maintenant !

MERCI À CELUI QUI M’A CONTAMINÉ

« Avant de mourir je voudrais remercier celui qui m’a contaminé ».
Quelle phrase bouleversante ai-je entendu ce jour-là. J’étais en face d’un malade porteur d’une cirrhose due à une hépatite C post-transfusionnelle responsable d’un cancer du foie inopérable et cet homme n’avait pas de colère !
Dans mes représentations, toutes les personnes contaminées par transfusion, même s’il n y avait pas eu « faute » puisque l’on ne connaissait pas le virus de l’hépatite C à cette époque, devaient être en colère.
Et là, en face de moi, se tenait un homme qui non seulement n’éprouvait pas cette colère que j’estimais légitime, mais mieux encore remerciait celui qui l’avait contaminé !
C’était incompréhensible. Je me suis assis tout près de lui et il m’a raconté que 32 ans auparavant, après avoir consommé de l’alcool et repris la route en voiture, il avait eu un violent accident n’impliquant fort heureusement que lui-même. Les pompiers avaient mis plus de deux heures à le sortir de sa voiture et pour le maintenir en vie pendant toute l’intervention de désincarcération, on l’avait transfusé avec plus de 15 poches de sang avant de le transporter moribond au bloc, et de l’opérer en urgence d’une rate rompue responsable de cette hémorragie interne massive.
« Vous comprenez docteur j’aurais du mourir il y a 32 ans… alors oui, je remercie la personne qui a donné son sang, même contaminé, car si aujourd’hui je suis en train de mourir d’un cancer du foie, je ne regrette pas ma vie. J’ai eu 3 beaux enfants, une femme que j’aime et un métier que j’ai adoré ».
Ce « merci » me laissait muet, dubitatif, m’interrogeait sur le sens de ma vie personnelle, de mon engagement professionnel et me bouleversait aussi, comme il me bouleverse encore quand je repense à cet homme pour lequel j’éprouve une certaine admiration en retour de sa leçon d’acceptation et d’humilité de vie, face à ce qu’il y a de plus injuste, telle la maladie.
Quelques semaines plus tard le patient décédait. Le mois suivant, sa femme et sa fille se présentaient à ma consultation pour obtenir un certificat signifiant que leur mari et père était probablement décédé de complications post transfusionnelles. Le droit à réparation est en effet transmissible aux ayants droit. J’ai bien essayé d’expliquer mon point de vue et tenté de les convaincre que demander réparation ne serait peut-être pas sa volonté, j’ai malgré tout écrit et signé ce certificat. En effet je n’étais pas autorisé à raconter ce que cet homme m’avait confié peu avant de décéder et nous n’avions de toute façon jamais abordé ensemble la question de l’indemnisation. Qu’aurait voulu cet homme pour sa femme et ses enfants ? Qu’aurait-il fait à ma place ? Et pour finir, comment m’opposer à ce qui est de toute façon un droit pour la loi française ?
Cette histoire m’a laissé un goût amer car j’ai conservé malgré tout le sentiment d’avoir trahi et bafoué la mémoire de cet homme qui n’avait aucune rancœur d’avoir été contaminé. Mais pour autant, comment juger cette famille et par là même, toutes les autres qui souffrent  probablement à leur manière de la maladie de leur proche et le plus souvent en silence ?
On devrait toujours s’intéresser de près aux familles de ceux que nous prenons en charge et aborder la question de « l’après » avec les patients. Ces temps d’échanges et de paroles manquent souvent à la prise en charge des personnes et contribueraient sans doute à ce que les soignants n’aient pas à jouer au funambule entre éthique, droits des patients et des familles et leur conscience.
Si vous êtes atteints d’une maladie chronique, osez vous exprimer sur ces sujets lorsqu’ils vous tiennent à cœur parce qu’ils vous appartiennent pleinement et exigez que vos décisions soient retranscrites dans le dossier médical à chaque fois que vous le jugerez utile.

INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Le boceprévir et le télaprévir rentrent désormais dans l’histoire de l’hépatologie en tant qu’anti-protéases de première génération.
Néanmoins, ces deux nouvelles molécules auront « marqué » l’accès aux soins eu égard au fait que ces traitements n’ont pas amené une foule de malades dans les consultations spécialisées !
Pourquoi la ruée vers ces anti-protéases n’a-t-elle pas eu lieu ?
Les causes sont probablement multiples mais la peur de la gestion des interactions médicamenteuses a sûrement une grande part de responsabilités dans ce résultat.
Ces deux nouvelles anti-protéases ont en effet une tolérance particulière et cette combinaison thérapeutique à trois molécules (interféron, ribavirine et une anti-protéase), bien que plus efficace pour les patients infectés par un virus de génotype 1, n’en n’est pas moins très difficile à tolérer.
Si l’on s’intéresse aux nombreuses interactions liées à l’association de ces trois molécules, on y retrouve pêle-mêle une baisse d’efficacité des œstroprogestatifs mais aussi des interactions avec les traitements de substitution aux opiacés, les antiépileptiques, les traitements hypocholestérolémiants, certains antidépresseurs, certains antituberculeux, les traitements de la maladie VIH-SIDA.
Actuellement il faut parfois 6 mois de préparation pour modifier les autres traitements d’un patient, avant d’envisager la mise en route de la séquence thérapeutique contre l’hépatite C.
Et ce temps de préparation reste fondamental pour pouvoir envisager un traitement le plus sécurisé possible.
Pour nous aider dans cette recherche, l’université de Liverpool a mis en place un site internet www.hep-druginteractions.org en direction des professionnels de santé.
Mais au fait… à qui revient cette préparation de mise en compatibilité avec les autres thérapeutiques ? À l’hépatologue ? Au médecin traitant ? À l’addictologue ? À l’infirmière ou encore, pourquoi pas, au patient lui-même ?
En effet ne pourrions-nous pas envisager d’impliquer le patient dans ce travail de mise en « compatibilité » de ses traitements ? Ne serait-ce ce pas une façon de responsabiliser les personnes qui le souhaitent tout en aidant à la prise en charge hépatologique ?
En tout cas voici une piste de travail en réseau qui loin de décourager l’accès aux traitements de l’hépatite C devrait au contraire aider à mieux travailler ensemble, malades et professionnels de santé.

UN GUIDE RÉÉDITÉ

À quoi reconnait-on un bon livre ?
Réponse : au fait qu’il est réédité !
Il en est de même pour les guides et c’est le cas du « guide social du médecin ».
Il y a quelques années SOS hépatites avait dénoncé que face aux démarches sociales les médecins et les travailleurs sociaux étaient trop souvent perdus et ne parlaient pas toujours la même langue même s’ils tentaient d’aider la même personne.
Dans nos partenaires, c’est l’ANGREHC (Association Nationale des Généralistes pour la Recherche et l’Etude sur les Hépatopathies Chroniques) qui avait répondu à cette attente, en éditant un guide, avec le soutien de la caisse primaire de l’assurance maladie, du ministère de la santé et les laboratoires Reckitt Benckiser très investi dans  la lutte contre les addictions.
C’est toujours sous la direction de Sibel Bilal que ce guide vient d’être réédité avec toutes les mises à jour nécessaires. On y trouve plein d’adresses utiles mais aussi des lettres types ou des fiches techniques, bref beaucoup de réponses aux problèmes sociaux que les malades (ou pas) peuvent rencontrer, c’est en ayant recours à ce type d’ouvrage que l’on peut réduire le temps insupportable nécessaire pour obtenir une réponse face à un problème social pour lequel on s’adresse à des professionnels de santé.
SOS Hépatites va faire en sorte que ce guide puisse être en accès dans toutes nos associations régionales, mais au-delà de ça il faudrait qu’il puisse être également accessible dans toutes les consultations d’addictologie où d’hépatologie et auprès de toutes les équipes d’éducation thérapeutique.
SOS Hépatites remercie tout ceux qui ont participé à l’élaboration de ce guide et participera à le faire connaitre.

PRENDRE UN TRAITEMENT

Il n’est peut être pas aussi simple de prendre un comprimé tous les jours même si celui-ci a une parfaite tolérance. Si vous en doutez, il suffit d’interroger les femmes qui prennent chaque jour une pilule œstro-progestative.
Dans le VIH depuis plus de dix ans il a été montré que l’observance aux traitements est un facteur majeur de contrôle de l’infection, d’absence de développement de mutation, de résistance ou encore de complications liées à l’infection virale. Un auto-questionnaire a donc été mis au point et publié : Chesney MA et al. AIDS Care. 2000;12:255-66 & Carrieri P et al. J Acquir Immune Defic Syndr. 2001;28:232-9.
 
Une répartition en 3 classes a été ensuite effectué, dérivé également de celui publié pour le VIH (Carrieri P et al. J Acquir Immune Defic Syndr. 2001;28:232-9). Pour résumer : l’observance totale correspondait à une observance à 100 %, l’observance modérée à une observance comprise entre 80 et 100 % et la non-observance à une observance inférieure ou égale à 80 %.
L’équipe du Pr Sogni  a réalisé une enquête du 1 janvier au 15 juillet 2009 en utilisant ce même auto questionnaire validé dans le VIH afin d’évaluer l’observance des patients atteints d’une mono infection liée a l’hépatite B et traités depuis au moins 3 mois par analogues nucléotidiques (un comprimé par jour). Le traitement étant simple et sans effet secondaire la plupart des médecins pensaient que l’observance était proche de 100 %.
Et bien en fait… non !
Dans cette étude 190 patients ont étés suivis pendant une moyenne de 58 mois. Et des résultats assez inattendus ont étés retrouvés. Seule 61% des patients avaient une observance qualifiée de totale, 32 % une observance modérée et 7 % étaient non-observants et avaient de ce fait beaucoup mois de chances de contrôler leur maladie.
Il ne suffit pas qu’un traitement soit simple et bien toléré pour qu’il soit pris parfaitement bien. Depuis 10 ans SOS hépatites milite et réclame le développement de programmes d’éducation thérapeutique pour les traitements de l’hépatite B chronique.
Selon l’OMS, « L’éducation thérapeutique du patient devrait permettre aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui les aident à vivre de manière optimale leur vie avec leur maladie. (…) Elle vise à aider les patients et leurs familles à comprendre la maladie et le traitement, coopérer avec les soignants, vivre plus sainement et maintenir ou améliorer leur qualité de vie. » 
Si l’éducation thérapeutique n’a pas pour finalité l’observance médicamenteuse, elle devrait être un processus intégré aux soins pour accompagner au mieux les personnes dans leur quotidien avec une maladie et de ce fait, faire des patients des partenaires à part entière dans toutes les décisions à prendre les concernant. « Comprendre » c’est mieux gérer son traitement, avoir le sentiment d’être entendu, c’est aussi être en confiance et oser exprimer son mal être et de ce fait, être aussi accompagné dans les rechutes quand on est tenté de baisser les bras devant certaines difficultés dont celle liée à prendre un médicament de façon optimale chaque jour.
Les demandes d’accès à des programmes d’éducation thérapeutique sont encore marginales chez les patients et pas toujours compris par les soignants. Pourtant depuis 2009, l’éducation thérapeutique est inscrite dans la loi HPST…
SOS hépatites va donc s’attaquer à cette nouvelle action et œuvrer pour le développement de tels programmes.

TRISTE OU VIVANT ?

C’est quoi être malade ?  Est-on obligé d’être triste ou perdu ?  Est-il possible d’être heureux avec une maladie ?
Très souvent, je me pose ces questions et la plupart du temps, je suis tenté de dire oui et puis non…
Finalement, je me retiens de répondre par l’affirmative à cette question par peur de choquer mon voisin ou d’affoler mon entourage.
Parfois il m’arrive de dire haut et fort que l’on peut transformer sa vie, « retourner la crêpe » comme disait un mec qui possédait l’art de modeler les faits les plus terribles ou absurdes en des choses acceptables, vivables et parfois même drôles !
Sa préoccupation était de toujours opposer un événement positif et gai quand un autre, triste ou dévastateur se présentait et je ne vous étonnerai donc guère si je vous dis qu’un de ses films préférés était Docteur Patch réalisé par Tom Shadyac, avec Robin William dans le rôle du médecin.
En France, il en existe quelques spécimens de Patch mais en général on ne les prend pas au sérieux, on les prendrait même pour des fous…
Pourtant dans les services de pédiatrie, on fait intervenir des clowns, toutes les semaines. Riez les enfants, c’est vous qui avez raison, d’autant qu’on vous en donne le droit ! Parce que quand on arrive à l’âge adulte, on ne rit plus dans les hôpitaux… le personnel se fait même rudement remonter les bretelles quand des éclats de rire sortent de la tisanerie pour se répandre dans le couloir. Il est même arrivé que l’on remette en cause les décorations de Noël dans certains services au motif qu’une fête comme celle-ci à l’hôpital c’est triste ! Ben voyons… même si c’est un peu vrai ce n’est pas une raison pour la rendre encore plus triste ! Et dans le même registre, on plonge un mourant dans l’obscurité alors qu’il aimerait probablement profiter de la lumière jusqu’au bout de sa vie…
Tout ceci ne résout pas mon questionnement de départ : est-il possible d’être heureux quand on a un problème de santé et pourquoi se sent-on obligé d’être triste même si l’on a envie de ne pas l’être ?
Quelqu’un peut-il répondre à cette question ici maintenant tout de suite ou plus tard ?
Probablement que tout faire pour rester dans la vraie vie, si on la considère comme étant de continuer de travailler, de plaisanter, de voyager, de sortir, de rire, de câliner, d’aimer plus que tout, ou d’être parfois triste comme tout un chacun, nécessite d’être inventif, créatif et « d’oser »,  alors que tout le monde, famille et soignants, insistent pour vous mettre sous cloche.
Oser les challenges et les défis, oser continuer d’avancer coûte que coûte, oser terminer ce que l’on a entrepris, oser aimer encore et toujours sans se poser la question de savoir si l’on en a le droit, oser avancer sans se retourner… même si l’on sait que l’on est en sursis, parce que finalement tout le monde l’est.
Ça fait comment quand on est à deux doigts de mourir ?
Et que se dit-on quand on ne meurt pas, parce que ce jour là on a eu de la chance… C’est quoi la chance au juste ?
Finalement, je vais oser écrire qu’on peut se sentir heureux alors que le pilulier fait parti du décor de la cuisine comme la série de casserole suspendue au dessus de la cuisinière, oser écrire que l’on n’est pas obligé de s’empêcher de vivre, parce que des gens autour de nous ne sont plus là, même quand on a perdu ce que l’on avait de plus précieux près de soi et en soi.
Parce que c’est la vie et qu’on n’en a qu’une.
Parce que parfois, le seul choix qui nous reste c’est de vivre coûte que coûte pour faire un joli pied de nez à tous ceux qui voudraient nous voir triste, à tous ceux que la maladie ou le malheur effraie comme une chose contagieuse.
Et on a aussi le droit de refuser le nom de « malade » qui sonne comme une assignation identitaire, pour plutôt « faire avec », s’en dépatouiller, faire au mieux, faire des choix dans le prendre soin de soi.
Faites comme vous voulez, pensez ce que vous voulez, peut-être vais-je choquer mais… je veux vivre et je vivrai, même avec des genoux bien écorchés…

A.T.U.

ATU pourrait signifier Attendre Toujours Ultérieurement si cela ne voulait pas déjà signifier Autorisation Temporaire d’Utilisation.
Cette disposition sanitaire autorise le corps médical à prescrire une molécule ayant fait la preuve de son efficacité mais en attente d’autorisation de mise sur le marché (AMM) afin de traiter, prévenir ou diagnostiquer des maladies graves ou rares, notamment lorsqu’il n’existe plus de traitement approprié.
Dans l’histoire du SIDA  toutes les nouvelles molécules sont passées par un accès en ATU et ce, le plus souvent à la demande des patients ainsi qu’à grand renfort de communication et de transparence de la part des laboratoires pharmaceutiques.
Actuellement trois molécules, Sofosbuvir, Daclatasvir, Asunéprévir, sont dans la situation de reconnaissance scientifique et dans les arcanes des autorisations administratives.
À ce jour, des patients en échec de traitements conventionnels avec l’interféron et la ribavirine auraient besoin de bénéficier, lorsqu’il existe des lésions graves, d’un accès en ATU à ces molécules.
Certaines ATU ont déjà été demandées mais les prescripteurs ayant sollicité ce dispositif s’entendent dire qu’il y a très peu de demande !
Nous pouvons nous interroger sur les raisons qui font que ce dispositif est peu utilisé alors qu’il a été établi qu’un certain nombre de patients sont en échec thérapeutique.
Les patients seraient-ils trop dociles,  trop « patients » ou tout simplement mal informés ?
Ou bien encore, certains médecins ne connaitraient-ils pas ou mal la possibilité d’accès à certains traitements en ATU ?
Notre législation ne permet pas aux laboratoires pharmaceutiques de communiquer autour de ces molécules tant que celles-ci n’ont pas reçu d’autorisation de mise sur le marché.
N’est-ce pas là le rôle d’une association de patients que de diffuser ces informations ?
Car ces médicaments sont nécessaires dès maintenant et doivent s’accompagner d’une communication la plus large possible au sujet de leur existence, de leurs modalités d’accès et de la nécessité d’imaginer des programmes d’éducation thérapeutiques adéquats les concernant.
N’attendons plus, demandons dès maintenant l’accès à ces nouveaux traitements.
Ne soyons plus seulement patients mais aussi impatients et osons entamer le dialogue à ce sujet avec les médecins qui nous suivent pour que la maladie ne nous rattrape pas.

ÉPIDEMIE COMMUNAUTAIRE D’HÉPATITE A DANS LE DÉPARTEMENT DU NORD, FRANCE, 2008-2009

Épidémie communautaire d’hépatite A dans le département du Nord, France, 2008-2009

Héloïse Lecocq et al. Sylvie Haeghebaert; Cire Nord, Institut de veille sanitaire, Lille, France

En 2008 et 2009, une épidémie communautaire d’hépatite A s’est propagée dans le département du Nord. Un suivi épidémiologique a permis d’identifier les facteurs favorisant la transmission et d’adapter les mesures de contrôle.
Au total, 492 cas confirmés ont été notifiés, dont 157 en 2008 et 335 en 2009. Cinq foyers épidémiques ont été observés. L’âge médian des cas était de 9,5 ans [min – max : 1,5-87] et le taux d’hospitalisation était de 28%.
L’origine de la contamination était liée à une transmission active de personne à personne dans les familles ou l’entourage proche (45%), dans des communautés vivant en situation d’hygiène précaire (26%), au sein de collectivités d’enfants (17%). L’enquête virologique a mis en évidence la circulation intriquée, durant l’épidémie, de souches de génotype IA appartenant à 3 regroupements phylogénétiques.
Outre le renforcement des mesures d’hygiène, le contrôle de l’épidémie a nécessité la mise en oeuvre de stratégies collectives (campagnes de vaccination dans les populations vivant en situation d’hygiène précaire) et individuelles (vaccination de l’entourage familial des cas), suivant les recommandations du Haut Conseil de la santé publique du 13 février 2009.

Cet épisode illustre le risque épidémique du virus et l’intérêt de la vaccination autour des cas.

 

 

FINIR SON TRAITEMENT

Gilles est un patient que j’ai soigné de son hépatite C il y a plusieurs années et il nous est arrivé une aventure qui nous fait rire encore à chaque fois nous nous retrouvons en consultation de suivi…

Gilles est en bithérapie interféron et ribavirine depuis plus de 10 mois. Le traitement est lourd et difficile mais il arrive à son terme dans 3 semaines.

Comme le virus n’a disparu qu’après cinq mois de traitements nous ne savons pas encore si nous nous orientons vers une guérison ou vers une rechute.

Un jour, un médecin du service des urgences m’appelle pour me prévenir que Gilles y a été admis, fatigué, dénutri et que son état nécessite une hospitalisation. Je donne mon accord pour que Gilles soit orienté dans le service où j’interviens avant de me rendre à son chevet.

Arrivé près de lui, je constate sa grande fatigue, une tension artérielle basse, qu’il ne s’alimente plus depuis quelques jours et je comprends très vite que son moral est au plus bas.

Après l’avoir examiné longuement je ne retrouve rien qui puisse expliquer son état : rien à l’examen clinique, les premiers résultats de laboratoire sont normaux et pourtant il n’est vraiment pas en forme le garçon !

Après avoir passé en revue mentalement toutes les complications possibles liées au traitement, j’offre à Gilles ma plus belle réplique dans le rôle du médecin très rassurant en lui expliquant d’une voix qui se veut absolument convaincue, qu’une perfusion va l’aider à passer au mieux les quelques semaines de traitement qui restent.
Je quitte la chambre et retourne en salle de soins prescrire auprès des infirmières la surveillance de paramètres médicaux, les perfusions et son traitement, sans oublier l’interféron et la ribavirine pour quelques jours encore.

Les jours suivant je retrouve Gilles prostré dans son lit, fuyant les échanges. Je renouvelle son traitement jusqu’à ce qu’une infirmière m’interpelle pour m’apprendre que Gilles, fatigué de son traitement, a en fait pris toute la dose des trois semaines restantes ! Je reste stupéfait car c’est la première fois que je suis confronté à une telle situation. Gilles épuisé par la bithérapie a voulu respecter son engagement et aller jusqu’au bout du traitement mais en choisissant de s’en débarrasser plus vite. Je comprends mieux son désarroi quand il a constaté, une fois hospitalisé, que la première prescription que j’avais mise en place était de reprendre la bithérapie !

Je me suis rendu dans la chambre de Gilles pour lui dire que l’infirmière venait de me mettre au courant de la situation et que je comprenais. J’ai donc repris avec lui le concept du « 80×3 » développé et publié par Mac Hutchinson. Selon cette étude qui concerne la bithérapie interféron pégylé et ribavirine il n y a pas de différence entre les personnes ayant pris la totalité de leur traitement et ceux ayant pris 80% de la dose théorique d’interféron avec 80% de la dose théorique de ribavirine, pendant au moins 80% du temps prévu initialement.
À l’issu de cet exposé, nous avons donc conclu ensemble, que le traitement pouvait être arrêté avec trois semaines d’avance sans que cela n’ait d’impact sur son efficacité. Et j’insistais sur le fait que si le virus devait réapparaitre cela n’aurait rien à voir avec la fin du traitement qui même mené à son terme, aurait donné un résultat identique.
Gilles, soulagé de cette décision, s’est redressé dans son lit et le sourire a réapparu sur son visage.

Gilles est encore resté quelques jours en hospitalisation le temps que son organisme élimine les doses colossales prises en une seule fois. L’histoire s’est terminée sans complication, il a quitté le service et j’ai pu constater au fil des consultations, l’amélioration de son état général. Six mois plus tard les résultats des analyses sanguines montraient que « virologiquement », Gilles était guéri.

Depuis  je le vois en consultation chaque année, il va bien et il se demande parfois quel a été l’impact de son geste final. Je l’ai entendu dire en souriant que c’était peut être ce geste qui l’avait guéri.

Cette histoire si elle nous fait rire tous les deux maintenant nous a fait progresser dans notre rapport médecin-malade à travers l’interprétation différente de la notion d’engagement, le respect de chacun, la volonté de communiquer efficacement ensemble…

Les livres et mes maitres ont bien tenté de m’enseigner tout cela mais ce sont les malades qui me font comprendre à quel point tout ceci est essentiel.