MORT EN TRAVERSANT LE DESERT
Cet homme était hépatant, érudit, acteur, autodidacte, cuisinier, chansonnier, poète, écrivain, amoureux des chats, il a aussi été président de SOS Hépatites en Franche-Comté et président de la Fédération SOS Hépatites.
Le militantisme était le carburant de sa vie et il disait : « ma cirrhose et mon hépatite C m’ont sauvé la vie ! ».
Il a été nourri par la lutte contre le VIH bien que n’étant pas malade et la découverte de son hépatite C a donné sens à la deuxième moitié de sa vie.
Il a bénéficié de plusieurs traitements jusqu’à sa guérison virale. Oui, sa cirrhose l’a sauvé. En effet, c’est lors de la surveillance biannuelle de celle-ci, en réalisant une échographie, que l’on a découvert son cancer du rein qui fut ainsi pris en charge à temps.
Michel ne se contentait pas de porter la voix des patients, il était la voix des malades, la voix des personnes vulnérables.
A travers ses engagements dans les formations des patients, des acteurs de santé et soignants universitaires, ses représentations au sein du conseil d’orientation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ; dans le comité de lutte contre les hépatites virales avec le Pr Daniel DHUMEAUX ; ou il y a encore quelques mois au sein de l’ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers), il portait la voix des malades.
Tu nous laisseras le souvenir de ton engagement total et entier lors de la réalisation des premiers états généraux de l’hépatite C, puis tu nous as aidé à réaliser la première grande enquête sur la qualité de vie des malades (menée en vie réelle), ensuite tu en as diffusé les résultats. Il y a aussi eu l’enquête sur les délais de rendez-vous avec un hépatologue et tant d’autres.
Souvenir aussi quand tu as eu l’idée de la création d’une association européenne des patients malades du foie en compagnie de nos amis belges, ELPA, l’association européenne des malades du foie, était née.
Souvenir quand tu nous aidais à faire des PowerPoint au dernier moment, ou avant internet quand tu récupérais les faxes des conclusions des échanges menés dans les congrès américains pour en faire bénéficier tous les malades en France.
Et puis il y a eu l’arrivée des nouveaux médicaments qui t’a permis enfin de guérir. Toi, l’énergie de ta guérison tu l’as réinvesti dans la lutte pour l’accès aux soins en dénonçant le prix des traitements et en entrainant de nombreuses associations dans ce projet permettant de faire baisser le prix de ses nouveaux médicaments révolutionnaires.
Tu aimais à dire : « les médecins qui me suivent ne me rattraperont pas » mais tu n’imaginais pas qu’il n’y aurait plus de médecin.
Ton dernier combat était pour dénoncer et lutter contre les déserts médicaux dont tu étais la victime comme de nombreux autres malades. Car il ne s’agit plus de parler de maltraitance mais de non-traitance médicale.
Depuis plus de 3 ans, aucun médecin n’avait accepté de s’occuper de toi et de la surveillance de ta santé.
Mais Michel, tu n’aurais pas dû mourir pour dénoncer les déserts médicaux !
Michel, tu resteras notre saltimbanque hépatant.
Nous poursuivrons tes luttes et tes combats pour diffuser les connaissances médicales en portant une égalité des soins et de leur accès pour tous, en commençant par lutter contre les déserts médicaux.
Michel BONJOUR né le 19 janvier 1947, décédé le 6 mars en 2023 en traversant un désert médical.
Pascal MÉLIN, Président de la Fédération SOS Hépatites & Maladies du foie