SOS Hépatites Fédération groupe des associations ayant pour but la prévention, l’information, la solidarité et la défense de toutes les personnes concernées par les hépatites virales, les maladies du foie, quels que soient les virus et les modes de contamination, ainsi que la promotion de la recherche.
Son président, Pascal Mélin, et sa vice-présidente, Michelle Sizorn, ont accepté de partager leur expertise sur les traitements de l’hépatite C avec les lecteurs de la revue Hémophilie et maladie de Willebrand. Qu’ils en soient remerciés !
Les hémophiles ont été précurseurs de la démocratie sanitaire
Beaucoup pensent que l’on doit le principe de la démocratie sanitaire aux malades du VIH. Faux, c’est aux hémophiles qu’on le doit ! Bientôt un siècle que les malades des troubles de la coagulation se sont regroupés pour faire face à une maladie peu fréquente, sans traitement. Ils ont stimulé la recherche, dénoncé les carences sanitaires, organisé la scolarisation des enfants. Avec la découverte des facteurs anti-hémophiliques, ils se sont organisés contre la pénurie, allant jusqu’à embaucher des médecins. Ils ont exigé la responsabilisation des malades, à qui on se devait de confier le traitement préventif. Puis ce fut la bataille des traitements prophylactiques pour lutter contre l’exclusion.
À l’apparition du VIH, il semblait que seuls les « 4 H » étaient concernés : Haïtiens, héroïnomanes, homosexuels et hémophiles. Les hémophiles ont payés un lourd tribut au sida mais ils ont inventé la démocratie sanitaire et on oublie trop souvent leur implication dans la lutte contre les hépatites virales. Ainsi M. Slavin, hémophile, accepta de vendre son sang au Pr Blumberg (découvreur du VHB), ce qui permit la compréhension de l’infection et la recherche vaccinale…
Un temps ignorées, les hépatites connaissent aujourd’hui des progrès considérables
Mais, après l’affaire du sang contaminé par le VIH, les hépatites ont été ignorées, et ce d’autant que, dans les années 2000, l’évaluation de la maladie reposait sur la biopsie du foie et que le traitement interféron était injectable. Depuis, le fibrotest et le fibroscan ont permis de faire un bilan de l’atteinte des hémophiles. On constatait la progression de la fibrose… il manquait un traitement non injectable.
Depuis 2 ans, les progrès ont été considérables avec la 2ème génération de molécules antivirales à action directe (AAD). La première molécule, le sofosbuvir/Sovaldi®, a d’abord été testée avec interféron/ribavirine puis avec des combinaisons d’AAD (sans interféron). Les combinaisons Sovaldi®/Daklinza® ou Sovaldi®/Olysio® ont guéri plus de 90 % des « hépatants » avec des traitements oraux, mieux supportés, passant de 48 à 24 et même 12 semaines de traitement. En rajoutant la ribavirine aux AAD, les taux de réussite s’améliorent et un traitement de 3 mois avec était aussi efficace que 6 mois sans (et bien moins coûteux !). De quoi réjouir les malades et SOS Hépatites, qui avait milité pour l’accès à ces AAD en autorisation temporaire d’utilisation, et affiché son slogan « Un traitement pour tous, une guérison pour chacun ».
Mais, face au coût de cette révolution thérapeutique, la réjouissance ne dure pas
La réjouissance fut de courte durée, et l’annonce du prix du Sovaldi® un véritable électrochoc : 5 fois plus cher que le traitement standard interféron/ribavirine. Une révolution du traitement, donc, mais son coût exorbitant en a limité la prescription, un rationnement étatique a été mis en place et seules les pharmacies hospitalières délivrent ces traitements. Les associations se sont mobilisées à nouveau pour réclamer un « juste prix », différentes auditions ont été menées, les députés nous ont entendus mais la fixation du prix d’un médicament passe par le comité économique des produits de santé (CESP) et les associations n’y sont pas représentées.
L’accès aux AAD, en 2014, fut donc réservé aux malades graves : les cirrhotiques et les malades en pré-ou post-greffe. Les taux de guérison sont aussi supérieurs à 90 % chez les co-infectés VIH/VHC. Cette population bénéficie, actuellement, d’un accès au traitement quel que soit le niveau de fibrose – mais attention aux interactions médicamenteuses. En 2015, les laboratoires jouent la carte du combo (2 ou 3 molécules dans un cachet) pour limiter les prises. Notez que Grazoprévir/Elbasvir a été testé chez les hémophiles.
Du fait des coûts des AAD – de 42 000 € à 65 000 € – la prescription en est limitée aux « services experts » et à quelques hôpitaux, d’où un « embouteillage » pour accéder aux spécialistes. SOS Hépatites a réalisé deux testings sur les délais d’attente : comptez 4 à 6 mois !
L’État a subordonné la prescription à l’avis d’une réunion de concertation pluridisciplinaire qui décide si le patient est éligible au traitement, le principal critère retenu étant le stade de fibrose (un nouveau stade est apparu cette année, le F2+, ce qui concrètement veut dire que nos spécialistes commencent à traiter les fibroses moyennes). Une personne F0/F1 mais souffrant de maladies extra-hépatiques pourra bénéficier d’un traitement.
Les hémophiles pourraient être une population test pour l’éradication du virus
Hormis leur coût exorbitant, ces traitements sont un vrai progrès : efficacité pouvant atteindre 100 %, traitement oral, durée de 12 à 24 semaines et effets indésirables moindres.
Les hémophiles sont bien suivis et ils connaissent leur statut vis-à-vis de l’hépatite C. La communauté hémophile pourrait être une population test dans l’accès au traitement, un « espace d’expérimentation ». Objectif : l’éradication du virus en moins d’un an au sein d’une communauté. Un abord des soins par stratégie de population plutôt que par fibrose peut se défendre – la preuve, il a été dit que les co-infectés VIH/VHC devaient être traités quel que soit leur score de fibrose.
Les hémophiles nous ont appris la démocratie sanitaire et la solidarité, nous devons aujourd’hui revendiquer la guérison et nous l’approprier, nous pouvons guérir d’une maladie chronique ! Demain d’autres suivront et à l’aube des thérapies géniques, la guérison de l’hémophilie n’est plus un rêve.
Nous sommes guéris de l’hépatite C mais pour autant la régression de la fibrose n’est pas acquise : continuez à faire une échographie et un bilan sanguin tous les 6 mois.
Pascal Mélin, Président de SOS Hépatites Fédération
Michelle Sizorn, Vice-Présidente de SOS Hépatites Fédération
* L’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) peut être accordée pour l’utilisation exceptionnelle de spécialités pharmaceutiques ne bénéficiant pas d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) et ne faisant pas l’objet d’un essai clinique. Elle concerne en général un médicament pour lequel une demande d’AMM a été déposée.
Article paru dans la Revue AFH n°210 : http://www.slideshare.net/soshepatites/revue-afh-n-210
Merci pour ce point, car il est vrai que nous sommes nombreux à être perdus.
Dans mon cas, le professeur qui me suivait depuis des années à côté de Pessac m’a proposé plusieurs années de suite un traitement, mais comme celui-ci était trop lourd, je le repoussais d’une année sur l’autre.
L’an passé, enfin prête, je suis allée le revoir mais il était parti à la retraite et sa remplaçante m’a indiquée que les traitements n’étaient plus dispensés qu’aux malades à des stades avancés. Moi et ma famille, nous étions extrêmement déçus. Quand vais-je enfin pouvoir être soignée ?
Avoir une hépatite C, c’est avoir une épée de Damoclès en permanence au dessus de la tête. C’est devoir faire attention à un tas de petits gestes supposés être banals (faire extrêmement attention quand on se coupe, séparer sa brosse à dent de celle des autres, se sentir « sale, contaminée et contaminante » quand on a ses règles, etc..) mais aussi devoir adopter un comportement asociale : ne pas boire d’alcool quand on est entre amis et/ou collègues (dur quand on habite dans une région viticole et quand la tradition de l’apéro est tres forte dans son milieu professionnel ! On passe parfois pour d’anciens alcooliques alors que c’est totalement faux « Allez, quoi, un petit verre de vin, ça ne te fera pas de mal » « Non, non, je suis désolée, vraiment pas !! »). Et puis, il y a tous ces autres petits trucs à côté, la fatigue chronique, les crampes, etc …
Je suis en rage qu’on m’interdise de me soigner, tout ça parce qu’un labo à décidé de s’enrichir sur le dos des malades au lieu de répondre à ses valeurs : soigner les autres. J’ai hâte d’enfin pouvoir me débarrasser de ce boulet que je traine depuis tant d’année, et de pouvoir me remettre à vivre.