LAISSEZ-MOI VOUS PRÉSENTER MADAME PIC-PIC

Dans cette campagne de dépistage et de vaccination hépatite B au collège 67 hectares de la capitale Antananarivo sur l’île de Madagascar, il était fondamental d’être écouté et cru par les élèves. Dans cette ancienne colonie française, le français est une langue encore largement parlée et je n’étais donc pas inquiet de la transmission de notre message. Dans l’équipe, il y avait 12 militants d’Amsolid-nord, chargés de réaliser les TRODs et les vaccinations puis moi-même, comme médecin membre à la fois de SOS Hépatites et d’Amsolid.
Après réflexion en équipe, il semblait que j’étais le plus apte à rencontrer par classe tous les élèves garçons et filles pour réaliser en 35 minutes une formation-information, ainsi qu’un quizz de 7 questions sur leurs représentations de l’hépatite B.

J’évoquais ensuite avec eux l’épidémie d’hépatite B grâce à un diaporama spécialement conçu pour l’occasion, avec pour finir, une présentation des TRODs et de la vaccination à laquelle les filles qui avaient donné une autorisation parentale, étaient invitées.

Nous avions voulu que tous les postes et tous les espaces de rencontre entre les enfants et les acteurs de la mission soient assurés par un binôme franco-malgache. Pour ma part, je devais faire mon intervention auprès des élèves avec Monique, formidable militante et présidente d’Amsolid sud. Nous avions rapidement convenu que je faisais mon intervention en français (que tous les élèves comprennent) et qu’ensuite Monique reprenait en malgache. Je compris alors rapidement que notre binôme était une vraie valeur ajoutée et Monique un vrai clown qui savait traduire mes propos en parler vrai avec les enfants qui éclataient toujours de rire en l’écoutant.

C’est ainsi qu’elle expliquait qu’il y avait un premier petit PIC pour récupérer trois gouttes de sang et savoir si le corps hébergeait le virus de l’hépatite B. Puis, il fallait ensuite vacciner ce qu’elle mimait par pic-pic-pic. Trois piqures pour une protection à vie. Les enfants éclataient de rire devant ce clown sanitaire qu’ils nommaient madame pic-pic. Ils repartaient heureux et fiers d’exhiber le stylo que nous leur avions donné pour remplir le quizz.
Au delà de cette satisfaction immédiate, les chiffres parlaient d’eux mêmes. 381 filles avaient fournis l’autorisation parentale soit 61%. Mais sur les 243 qui avaient refusé, après quelques diapositives d’explications et une traduction accessible, 77 changèrent d’avis (31,3%) elles furent alors accueillies trodées et vaccinées.

La magie de notre action était probablement là ? En quelques jours, les enfants avaient entendu, compris le message et ils l’avaient ramené chez eux, expliquant à leurs parents l’importance de la vaccination. Un tiers des familles qui avaient refusé initialement changèrent d’avis. MERCI LES ENFANTS ! Je sais aujourd’hui que notre message est vivant et que les enfants le transmettront.
Au final, ce sont 458 élèves qui ont été vaccinés soit 73,4 % qui ont compris le risque de l’hépatite B et ont accepté de se protéger. Merci à vous les enfants de porter notre message de prévention et d’information et merci à vous madame pic-pic d’avoir permis cette réussite.

La phrase de Nietzsche s’éclairait alors pour moi: « Il faut (encore) porter du chaos en soi pour accoucher d’une étoile qui danse »

Pascal Mélin

DSCOURS D’OUVERTURE DU 16EME FORUM NATIONAL DE SOS HEPATITES

Je ne pourrai pas être avec vous car je suis resté bloqué à Madagascar faute d’avion pour être à PARIS. Mais je dois avouer que l’exercice de style qui consiste à écrire un texte d’introduction n’est pas inintéressant.

L’année qui s’annonce devrait pour moi avoir le thème suivant : « un dépistage pour tous et une prise en soin pour chacun … »

Les progrès thérapeutiques doivent être partagés par tous mais la vaccination également. Il est urgent de mettre la lutte contre les hépatites virales en cohérence entre les pays pauvres et les pays riches et non en co-errance. Nous savons où nous voulons aller mais pas à n’importe quel prix ni n’importe comment. Des nouveaux enjeux se profilent, traitements sans interféron, traitements avec moins d’effets secondaires, traitements plus courts ; mais serons- nous tous égaux dans l’accès aux soins ? Deux malades sur trois porteurs d’hépatites B sont en Asie ou en Afrique. Que leurs proposons-nous ? L’épidémie est sur le point d’être mise sous contrôle dans les pays riches mais que ferons-nous pour les pays en voie de développement ? Ne nous trompons pas, ne vous trompez pas ! Vous avez et nous avons un rôle à jouer dans ce débat sanitaire et démocratique. Les malades doivent continuer à jouer ce rôle de guideur sanitaire. Personnellement, je rêve du jour où après le directeur, le poste de numéro 2 dans tout hôpital pourrait être un malade ou un représentant des usagers. A travers le CISS et le travail qui y est fournis, nous avons la preuve que des malades sont prêts à relever le défi mais les directeurs de structures sanitaires , d’hôpitaux ou bien les médecins sont-ils prêts à risquer de tels moyens et une telle contradiction, à moins qu’ il ne s’agisse d’une contre-addiction ?
Mais revenons sur les avancées de 2013. Nous pourrons commencer par citer l’index européen des prises en charge et de prévention des hépatites virales en Europe. Même si la France à la première place, il lui reste encore à progresser par rapport à d’autres pays dans l’accès aux soins et à la prévention en prison, quid des salles de consommation à moindre risque, quid des traitements pour les patients addict, quid des vaccinations ? Nous pensions que toutes ces questions auraient pu être discutées mais voilà le plan hépatites ne sera pas reconduit. Les actions sont-elles toutes menées à termes ? Surement pas ! Où sont les financements sur le terrain ? Pourquoi les dispositifs hépatologiques ne se sont jamais sentis aussi fragiles ?

Ne nous demandez pas de choisir entre le plan VIH et le plan addiction pour rattacher les hépatites et les maladies du foie à quelque chose, ce choix est impossible. Ce choix sera politique mais il ne sera pas le notre. Les hépatites méritent un nouveau plan à elles seules. A l’heure où la France est citée en exemple sur l’existence d’un plan hépatite qui serait nécessaire dans beaucoup de pays européens, que faisons-nous pour renforcer notre place de leader ?

Et bien oui, nous en France, on supprime une équipe qui gagne ! Oserait-on supprimer le plan cancer, le plan Alzheimer, le plan VIH ou bien encore celui contre l’obésité ? Et pourtant le lien est fort entre l’obésité et les maladies du foie comme il l’est avec les produits toxiques, l’endocrinologie, la pharmacologie, l’addictologie et les maladies infectieuses, l’éducation thérapeutique. Le foie et toutes ces pathologies connexes pourraient faire passer l’hépatologie d’une science contemplative, il y a 50 ans à devenir la clef de voûte des différentes pathologies et donc une hépatologie active et pourquoi pas activiste. Notre lot de consolation ne sera pas le rapport d’experts sur les hépatites virales. Pour nous, il fallait une nouvelle conférence de consensus, un rapport d’expert et le tout sous couvert d’un nouveau plan hépatite. Toute partie de ce dispositif développée seule ne pourrait qu’être insuffisante. Bien sûr, nous nous sommes impliqués dans ce rapport d’experts pour porter la parole des usagers. Mais quelle vie, quelle visibilité et quelle légitimité allons-nous donner à ce rapport ? Ce n’est qu’un outil pour l’instant.

L’arrivée de nouvelles classes thérapeutiques doit être diffusée le plus largement possible et nous continuerons de demander pour les malades les plus graves un accès compassionnel et faciliter l’accès et le développement des ATU sans accepter sa remise en cause politique qui ne pourrait être que préjudiciable à notre système sanitaire.

Même si nous avons l’arsenal thérapeutique pour contrôler les infections virales chroniques, l’épidémie de cancer du foie ne cessera d’augmenter d’ici 2020. Comment pouvons-nous préparer et accompagner cette épidémie ? En faisant la promotion du suivi des cirrhoses ; l’éducation thérapeutique y a probablement une place. Quant à la greffe, le nombre de greffons et de donneurs n’est pas suffisant et il nous faut donc développer des alternatives comme l’accès à la greffe intrafamiliale qui pose encore beaucoup de problèmes éthiques et d’organisation.

Pendant l’EASL 2013 Congrès européen d’hépatologie qui se tenait a Amsterdam), un nouvel appel a été lancé par plusieurs associations internationales d’usagers et des activistes dont SOS Hépatites. Il consistait à ajouter l’interféron à la liste des médicaments prioritaires établis par l’OMS. Nous avons obtenu gain de cause cet été. Cette reconnaissance est une pierre de plus pour jeter et assécher la marre d’ignorance et de silence dans laquelle sont les hépatites.

Que dire des salles de consommation à moindre risque (SCMR) qui ne doivent jamais devenir des salles de shoot ? Ce dispositif est un des outils de l’arsenal thérapeutique en addictologie et nos militants qui suivent cette action pèsent de tout leur poids pour que l’expérimentation puisse voire le jour. Les SCMR font également parti d’un dispositif hépatologique pour diffuser l’information et réduire les contaminations par des hépatites virales. En tant que malades, nous pourrions dire que le terme de SCMR pourrait signifier Sans hépatite C Mieux Ré-insérable, ce que nous savons tous. Mais pour des raisons politiques, le projet d’expérimentation prend du retard ce que nous regrettons.

Les tests rapides d‘orientation diagnostiques (TROD) sont également attendus dans la lutte contre les hépatites virales. A l’heure où l’on évoque la possibilité de faire évoluer les TRODS VIH vers un accès pour tous en autotest… Mais attention à cette démédicalisation et à ce dés- accompagnements. Souvenons-nous qu’un jour, nous les malades, avons souhaité que jamais un malade ne se retrouve seul face à l’annonce par courrier de sa séropositivité. Que faisons-nous aujourd’hui de ces autotests ? SOS Hépatites veut participer à ce débat. Il ya deux ans, à Lyon, madame la ministre de la santé était venue nous annoncer que les TRODs VHC étaient en cours d’évaluation, et qu’ils seraient à disposition en 2012. Elle nous demandait d’être patients, mais nous sommes déjà des patients laissez-nous être impatients ! Nous sommes fin 2013 et nous les attendons toujours ces tests pas si rapides mais peut être avions nous TORD (Tests Oubliés Retardant le Diagnostique). Fin 2013 nous continuons notre chemin et aujourd’hui nous ne vous demandons plus les TROD VHB ou VHC, pour nous ils sont acquis. Mais nous demandons le développement de multi tests permettant de répondre sur 2 ou trois infections en même temps (VIH/VHB/VHC) et là encore il faut entamer le débat sur la place que nous voulons leur donner. Mais où sont les politiques face aux représentants des usagers ? La santé publique dans sa partie hépatologique ne peut pas être sacrifiée sur l’autel de la crise.

L’arrivée de nouvelles molécules même si elle nous permet de toucher du doigt un plus grand nombre de guérison ne doit pas enfermer les hépatites virales dans des critères virologiques, d’âge du patient ou de degrés de fibrose.
Rappelons-nous les déterminants de santé tels que Dahlgren et Whitehead les ont présentés en 1991. Les hépatites virales doivent nécessairement décliner le mode de vie, les influences sociales, les conditions de vie et de travail et bien sûr, les conditions culturelles environnementales et socio-économiques. Nous sommes bien loin du foie mais c’est notre quotidien et accéder aux soins ou à la prévention nécessite d’avoir tout cela en conscience. Réfléchissez la vaccination à travers ce filtre et les choses s’éclaireront.

Nous avons eu gain de cause sur l’accès à la vaccination contre l’hépatite A pour tous les patients atteints d’hépatopathies. Et, cet hiver, pour la première fois, les patients en ALD pour une maladie du foie ont reçu une lettre d’invitation à la vaccination antigrippale. C’est une revendication que nous portions depuis plus de dix ans.

Si je suis encore à Madagascar c’est pour faire passer SOS HEPATITES des revendications à l’action. Dans cette région du monde plus de 10% de la population est contaminée par l’hépatite B et la vaccination est défectueuse et les transmissions mère/enfants fréquentes.Nous avons démontré que nous pouvions, en partenariat avec une association impliquée de longue date à Madagascar, comme Amsolid, réaliser des TRODs et des vaccinations pour des jeunes filles dans un collège d’un quartier défavorisé d’Antananarivo. Les fonds ont pu être trouvés, des militants formés, et une action couplée : formation /information/TROD/ vaccinations réalisée.


Retrouvez et suivez cette action sur notre site internet.

Aujourd’hui nous sommes passés des mots à l’action…

Chaque année, notre forum tente d’informer et d’alerter pour porter des revendications collectives de tous les malades mais aussi de tous les professionnels travaillant peu ou prou avec ces pathologies. C’est encore notre ambition cette année et c’est notre grand pari. Merci à tous les membres de SOS hépatites de Paris ile de France d’avoir permis que ce projet voit le jour et merci à tous les salariés de SOS Hépatites qui sont intervenus pour sa réalisation .

Bon travail, bons échanges et bons ateliers et nous n’oublions pas qu’en démocratie sanitaire « les médecins nous suivent » mais que c’est nous qui faisons la route de demain.

MERCI
Pascal Mélin
Président de sos Hépatites

IL FAUT TROUVER LA FÉE CLOCHETTE

La fée électricité si chère à Jules Verne est omniprésente dans notre vie quotidienne. Qui pense encore à elle dans notre quotidien lorsqu’on recharge un téléphone, un ordinateur, ou allume simplement une lumière…
Lorsque notre action à commencé, nous étions arrivés avec vidéoprojecteur, ordinateurs portables, diaporamas prévus pour les élèves et les professeurs… On nous avait attribué le coin jeune pour faire notre topo et là surprise !

Une seule et unique prise… Dans les salles de classe il n’y a souvent qu’un plafonnier et pas de quoi se brancher pour être en contact avec la fée électricité. Et bien sur nos listes d’élèves étaient accessibles sur écran !!

D’un seul coup, dans l’après midi Jules Vernes rappela sa fée, ce qui nous bloqua instantanément. Heureusement, l’assistante sociale partenaire précieuse du projet, était là ! Elle prit papier et crayon, puis demanda aux élèves de se mettre en ligne, nota les noms dans l’ordre sur une feuille et distribua à chacun un ticket avec son matricule, et son prénom afin de pouvoir se diriger vers l’atelier TROD et se faire dépister.

Ouf la solution était trouvée, le dépistage pouvait reprendre car, « dépisté il suffit qu’un S vous manque et tout est dépité… » Mais adieu mon beau diaporama, je devais convaincre les élèves avec mes mots mais je savais que ma fée clochette était là et veillait sur mon topo…

Pascal Mélin

LE TAM TAM AU SECOURS DES TRODS

Dans le cadre du projet vaccination à Madagascar, SOS hépatites avait demandé à ce que des tests rapides d’orientation diagnostique pour dépister les enfants déjà porteur de l’hépatite B soient effectués. Le but de cette action était de vacciner des enfants et de les protéger avant l’entrée en sexualité mais également d’évaluer le nombre d’enfants contaminés par une probable transmission mère –enfant. En effet les enfants chez qui l’on retrouve un portage chronique de l’hépatite B avant 14 ans sont habituellement contaminés lors de leur naissance par une transmission de la mère à l’enfant qui devient alors chronique dans plus de 90 % des cas.

Nous voulions donc dépister les enfants avant de les vacciner car dans les enquêtes épidémiologiques faites à Madagascar, on retrouvait entre 3 et 20 % des enfants contaminés par leur mère. Vacciner ne sert alors à rien et peut même induire l’idée que l’on est protégé alors qu’on est porteur et donc contagieux.

Le slogan est simple : « se dépister pour mieux se protéger »

Nous attaquions donc notre mission avec des TRODs de dépistage du portage de l’Ag Hbs. Mais très vite, nous nous retrouvions confrontés au fait que chez les enfants malgaches, le prélèvement sanguin capillaire et très difficile et ce d’autant qu’il faut récupérer 3 gouttes de sang. Mais c’était sans compter sur l’inventivité des militants.

Il suffit de demander aux enfants de chanter en frappant dans les mains puis de faire du tam-tam avec les doigts sur la table de prélèvement des TROD. Et ca marche !

Voilà une façon de réfléchir nouvelle … Applaudissez, vous allez être trodé. Tiens ! Bien venu à ce nouveau verbe TRODER. A soumettre à l’Académie Française.

Pascal Mélin