POUR VOUS LA GUÉRISON, CE SERAIT QUOI ?

Cette question, j’ai appris à la poser dès mes premières années d’internat : « Pour vous, guérir ce serait quoi ? »

Cette question un médecin se doit de la poser lors de la prise en charge d’un patient atteint d’une pathologie chronique et même d’une pathologie grave.

En une simple question je rentre dans l’intimité du malade, dans ses pulsions de vie, dans ses fantasmes, même si souvent il m’est totalement impossible d’exaucer les demandes du patient.

Pour l’hépatite C, la question est fondamentale, car si pour le médecin la guérison se résume à la disparition du virus sur les analyses sanguines, qu’en est-il pour le patient ?

Dans mon parcours d’étudiant, j’ai accompagné des personnes avant et après une greffe de rein. L’insuffisance rénale contrairement à celle du foie, du cœur ou des poumons n’est pas mortelle, on peut vivre en étant dialysé, mais la qualité de vie s’en trouve largement impactée. L’accès au projet de greffe rénale est donc une forme de guérison, de nouvelle vie, de résurrection.

Un jour, j’ai rencontré un jeune homme de 24 ans qui était dialysé depuis 12 ans, il allait enfin être greffé et à ma question fatidique : « Pour vous la guérison, ce serait quoi ? » il m’a répondu « Je ne sais pas, car j’ai oublié ce qu’on peut faire quand on vit normalement… ». Il avait l’air triste, abattu et sans réel projet de vie.

Quelques mois plus tard, il fut greffé et j’ai eu la chance de le revoir 3 mois après.

Il m’interpella : « Je sais ce que c’est maintenant la guérison : c’est pouvoir se balader en forêt, ressentir une envie d’uriner et pisser au pied d’un arbre. Çà c’est un vrai bonheur de la vie que j’avais oublié ! ». Cette rencontre m’a marqué à plusieurs titres.

Premièrement, parce que la maladie a parfois pris une telle place qu’on imagine même plus la guérison, elle a été complètement rayée des possibilités et du conscient.

Deuxièmement, parce que souvent c’est dans les gestes simples de la vie que se trouvent les réponses à nos grandes questions existentielles de gens en bonne santé.

Je pense que tout malade doit se demander ce qu’il fera de sa guérison et le formuler à l’équipe soignante si on ne lui demande pas.

En tout cas moi je pense toujours à cette histoire à chaque fois que je me balade en forêt.

Pascal Mélin

400 JOURS CHRONO

Toutes les cellules de notre corps se régénèrent exceptées nos cellules nerveuses.

Ceux qui ont déjà eu des aphtes savent bien qu’en quelques jours ils sont cicatrisés.

En cas de plaie notre peau met un peu moins de 2 semaines à se régénérer, si vous vous faites une fracture osseuse il faudra plusieurs mois aux os et aux cellules osseuses pour se multiplier.

Chaque cellule a une durée de vie, un globule rouge vivra en moyenne 120 jours alors qu’un globule blanc ne vit que quelques heures. En cas de chimiothérapie, les traitements attaquent les cellules cancéreuses, mais malheureusement ils peuvent aussi parfois toucher des cellules qui se régénèrent plus difficilement, ce qui peut provoquer perte de cheveux, anémie ou bien encore diarrhée par atteinte des cellules intestinales.

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Cette image est une représentation en trois dimensions et en coupe d’une structure du foie : un lobule hépatique. Les différents éléments représentés sont : les vaisseaux sanguins (en rouge), les cellules hépatiques ou hépatocytes (les sphères) et les noyaux cellulaires (en marron).

Et notre foie, ce gros organe silencieux se régénère totalement en 400 jours selon les spécialistes. Mais lorsqu’il s’agit d’un foie sain ! Alors ne dites plus « mon foie, connais pas ». Donnez-lui le temps de se régénérer ! Car on peut estimer que sur un foie malade la régénération mettra plus de temps. Alors, une bonne hygiène de vie est primordiale, l’économisation de votre foie ne doit pas s’appliquer uniquement le temps du traitement.

Notre parc de cellules hépatiques et leur capacité de régénération représentent un bien qu’il faut gérer et contrôler.

On peut demander un effort au foie à condition que cela ne soit pas tous les jours. Il nous faut développer un nouveau concept de qualité de vie qui soit hépato durable.

Pascal Mélin

MERCI CHLOÉ, ON TE SOUTIENT…

Ecrire un blog c’est dénoncer, révéler, partager, informer, activer les consciences mais c’est surtout toujours jeter une bouteille dans l’océan sans savoir où elle ira s’échouer, ni si le message qu’elle contient sera lu. Il n’y a qu’à Koh Lanta que l’on recueille les bouteilles à la mer et que les messages sont toujours lus…

Dans mes deux derniers blogs, tu as apporté ton témoignage Chloé. Avec tes 17 ans et ton hépatite C attrapée à la naissance, tu as lancé une pétition depuis deux mois.

Comme Jérémie, tu me confirmes que toi aussi tu as des coups de pompe et que tu as parfois du mal à suivre en cours.

Tu nous rappelles que statistiquement ce sont 300 enfants qui naissent chaque année de mères porteuses d’une hépatite C qui contaminent leur enfant.

Pourtant, ces enfants ont le plus souvent des hépatites minimes, minime ne veut pas dire sans manifestations extra-hépatiques parfois invalidantes, mais ils ne sont pas prioritaires pour accéder aux soins.

La moitié sont des filles, qui lorsqu’elles seront en âge d’avoir des enfants, seront terrorisées à l’idée de contaminer elles aussi leur bébé…

300 nouveaux enfants chaque année qui se sentiront rejetés, pestiférés, que l’école considèrera peut-être même comme des handicapés.

Nous vous devons la guérison, c’est ce que tu nous rappelles !

Une guérison pour tous, un traitement pour chacun et une protection universelle !

Nous avons les moyens aujourd’hui de vous sortir de cette maladie alors en tant que Président de SOS hépatites Fédération, je fais mien ton combat et j’invite tous les hépatants à en faire autant et à signer ta pétition. Merci Chloé pour ton engagement parce qu’avec l’efficacité des nouveaux traitements, plus aucun enfant ne devrait grandir en France avec une hépatite C.

Pascal Mélin

JÉRÉMIE…

Nos histoires passées doivent éclairer notre futur… Je voudrais vous raconter l’histoire de Jérémie que j’ai rencontré et soigné il y a quelques années.

Jérémy a 15 ans, il est depuis 2 ans en famille d’accueil, sa propre famille est en proie à d’importantes difficultés. Jérémy est porteur d’une hépatite C suite à une transfusion réalisée quelques semaines après sa naissance lors d’une chirurgie cardiaque.

Le seul traitement disponible à cette époque est une association d’interféron et de ribavirine mais on ne traite pas les enfants, car l’interféron ralentit la croissance osseuse et les effets secondaires peuvent être catastrophiques.

Les examens sont formels, Jérémie est à un stade cirrhotique. La question de mettre en route un traitement ne se pose plus surtout que le jeune homme mesure 1,75m, on peut donc estimer qu’il a presque fini sa croissance.

Mais par contre Jérémie a déjà redoublé une classe et il est en échec scolaire.

Lorsqu’on sait que l’interféron peut donner des dépressions une fois sur trois mais aussi des troubles du sommeil et de la concentration, on est en droit de se demander s’il faut traiter Jérémie pendant une longue année et risquer de lui faire perdre encore un an de scolarisation ? En janvier de l’année scolaire, on se décide pourtant à mettre en route le traitement.

Contre toute attente, Jérémie supporte plutôt bien son traitement et ses résultats scolaires ne se dégradent pas. À Noël suivant, le traitement est terminé et quelques mois plus tard on lui annonce que son hépatite C guérie.

Les mois passent et l’état de santé psychique et physique de notre adolescent s’améliorent, ses résultats scolaires aussi, et même de façon spectaculaires.

L’explication ? C’est Jérémie qui nous mettra sur la voie… en déclarant lors d’une consultation de suivi : « Je ne m’en rendais pas compte mais avant j’étais toujours fatigué, maintenant j’ai toujours la patate et je supporte mieux la durée des cours ! »

Incontestablement la qualité de vie de Jérémie s’était nettement améliorée mais est-il possible que ses mauvais résultats scolaires soient à mettre sur le compte de manifestations extrahépatiques ?

Historiquement, on ne traitait qu’exceptionnellement les enfants, mais l’arrivée de nouveaux traitements moins lourds devrait peut-être nous amener à réfléchir à des critères autres que les scores de fibrose hépatique.

Aujourd’hui, Jérémie est un jeune adulte qui après un apprentissage sans problème travaille chez un artisan et… il devrait être papa dans quelques mois !

Pascal Mélin

GOOD MORNING VIETNAM !!!!!!

L’hépatite C ne fait pas de bruit, l’armée non plus…

Mais commençons par nous intéresser aux USA avant de regarder la situation en France. Dans tous les congrès d’hépatologie, les médecins américains appellent cette catégorie de malades les « vétérans », pourquoi ? Parce que les vétérans du Viêtnam sont particulièrement touchés par l’hépatite C, plus que le reste de la population. En effet, le système de santé américain est tel que les anciens combattants sont spécifiquement pris en charge, ce qui permet des études précises sur un grand nombre de patients.

Dans ces années de la guerre du Viêtnam, plusieurs facteurs de transmission se sont ajoutés :

Le premier est l’avènement des politiques transfusionnelles, la guerre du Viêtnam est la première guerre à utiliser la transfusion de façon aussi massive pour sauver des vies. Mais dans ces années, la transfusion ne connaissait pas le VHC et il y avait donc beaucoup de transmissions transfusionnelles.

La deuxième cause est l’usage de drogues par voie intraveineuse. La guerre est, bien sûr, un facteur de stress qui génère des addictions. L’utilisation d’héroïne par voie injectable a donc été un autre vecteur de propagation de l’hépatite C (les seringues n’avaient bien sûr pas d’accès autorisé). Et pour ceux qui ne s’étaient pas contaminés au Viêtnam, le retour au pays et la gestion du stress post-traumatique ont été si durs que certains se sont tournés vers l’héroïne si facilement accessible à cette époque.

Mais, il y a une troisième cause de contamination chez les vétérans dont on parle moins : celle liée aux pratiques médicales.

L’hépatite C, étant inconnue à l’époque, certaines pratiques médicales étaient probablement contaminantes. C’est le cas des vaccinations collectives : les soldats, les uns derrière les autres, vaccinés à la chaîne ne permettant pas l’utilisation de matériel à usage unique. C’est ce que vient nous rappeler une pétition qui circule cette semaine…
Mais il en est de même en France et nous avions déjà dénoncé cela il y a maintenant deux ans. Je m’étais rendu compte que plusieurs patients de plus de 70 ans étaient porteurs de cirrhose virale C sans facteur de contamination retrouvé.

En poussant plus loin la réflexion, je découvrais alors qu’ils avaient tous participé à la guerre d’Algérie dans les années 60. Pourquoi ? Ici encore, le voile pudique des transmissions nosocomiales pointe son nez. On retrouve là aussi des vaccinations de masse et à la chaîne avec du matériel qui n’était pas à usage unique. Un ancien infirmier responsable de l’accueil des nouveaux contingents me l’a confirmé. Mais alors, serait-ce l’armée qui devrait être tenue responsable de ces contaminations et en assurer les conséquences ? La Sécurité Sociale et la solidarité collective couvrent bien sûr les prises en charge des soins, mais la question aurait mérité d’être posée au grand jour…

Pour signer la pétition : https://www.change.org/p/veterans-administration-v-a-veteran-contracted-hepatitis-c-from-air-jet-injectors-in-basic-training-you-can-help?recruiter=65044334&utm_source=share_petition&utm_medium=copylink

POUR UNE SOLIDARITÉ COMMUNAUTAIRE NÉCESSAIRE…

Nos revendications à SOS Hépatites viennent des témoignages que nous recevons. Voici le dernier que nous avons reçu et en préalable à mon blog du jour…

On n’est pas sérieux quand on a 17 ans.
Juste pour vous raconter une histoire vraie, mon histoire, celle de mes potes.
Une bande de copains dans les années 80, une petite ville de province, on sort ensemble dans les bals de village ou les boites de nuit comme on disait à l’époque, à s’éclater sur Deep Purple, Status Quo et Téléphone, on se retrouve tous les week-ends sans exception.
Y’avait Alex, Domi, Pierrot, Ju, Zoune, Glop, le noyau dur et puis les électrons libres qui se greffaient à notre bande ponctuellement, Fredo, Christian, Dudu, Johnny, et quelques autres…
Beaucoup d’alcool, du rock and roll, pas mal de shit, un peu d’héro et de coke…
Et puis, petit à petit, on se sépare, chacun trace sa route, certains vont faire des études, d’autres reprennent la boite de Papa, d’autres bossent à droite à gauche, et on ne s’est jamais dit : rendez-vous dans 10 ans comme dans la chanson.
Les années passent, chacun a fait sa vie, mariés ou pas, enfants ou pas, divorcés ou pas, banalités classiques de Français moyens intégrés plus ou moins bien dans la société mais on a tous gardé de la famille dans la région, se croisant vite fait de temps à autre.
Donc aujourd’hui la petite bande de fêtards à atteint l’âge canonique de 50 ans, et en rencontrant par hasard Zoune (la sœur de Glop), j’apprends que Glop est en train de mourir d’un cancer du foie qui a gagné tout le reste de l’organisme malgré une ablation partielle de la partie où se logeait la tumeur.
Et en creusant un peu, Glop avait une hépatite C : découverte il y a pas mal de temps, traitée avec ifn+riba, échec et aucun suivi depuis…
Du coup, je lui dis que moi aussi j’avais une hépatite C, que j’ai fait pas mal de ttt et que ce sont les nouvelles molécules qui ont fini par éliminer le virus mais que je conserve une belle fibrose en guise de cicatrice.
Et elle m’avoue qu’elle aussi a eu une hep C, guérie il y a longtemps avec le ttt traditionnel, inf+riba aussi, géno 3, ça marchait pas mal avec celui là.
My god !! on s’est tous plombés mutuellement ? Il faut dire qu’en province, aller acheter une « shooteuse » à la pharmaco du village n’était pas facile, le pharmacien n ‘était pas très ouvert, du coup la seringue servait à tout le monde, vaguement désinfectée à l’alcool quand on en avait, sinon c’était au Jack Daniels…
Et les autres je lui demande ?
Domi n’a jamais voulu consulter, aujourd’hui il y est allé (sans doute en voyant Glop aussi mal), il a aussi une hep C, guérie très vite avec les AAD, mais au stade de cirrhose.
Alex aussi, guéri il y a longtemps avec le traditionnel traitement, mais plus aucun suivi.
Pierrot, alcoolique et sans doute aussi hépatant, vu qu’il s’est shooté plus que tout le monde réuni, mains gonflées, pas la grande forme il semblerait…
Dudu, hépatite auto-immune, pas de nouvelles, on sait pas trop.
Et les autres, on ne sait pas, mais il serait étonnant qu’ils ne soient pas aussi contaminés… suivis c’est une autre histoire !
Des histoires comme celle-ci, il doit y en avoir des dizaines je pense…
Que faut-il en penser ? Inciter le premier qui découvre son statut à prévenir les autres ?
Pas évident de faire irruption dans la vie de ses copains de jeunesse, d’autant qu’ils ont sans doute dissimulés des trucs à leur entourage actuel…
Le médecin traitant devrait être plus incisif peut être ? Insistant du moins.
Glop a un fils de 13 ans, Cézanne, qui vient de perdre sa mère en novembre d’un cancer du sein particulièrement agressif, dans quelques semaines Cézanne sera totalement orphelin.
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans…

POUR UNE SOLIDARITE COMMUNAUTAIRE NECESSAIRE…

Hépatite C : aujourd’hui, avec des traitements courts, bien supportés et très efficaces on peut guérir 95% des patients traités. Et demain, nous auront des traitements standards efficaces sur tous les types de virus.

Alors, le temps est venu de se tourner davantage vers le dépistage pour trouver les personnes qui s’ignorent contaminées et les amener vers les soins. Les efforts financiers doivent se faire sur le dépistage, le développement de technique innovante comme les TROD (test rapide d’orientation diagnostique) et bien sûr la communication.

Avec 0,5% de la population souffrant de l’hépatite C en France, en dépistant de façon non ciblée, il faut faire 200 dépistages pour trouver 1 patient porteur chronique de l’hépatite C.

Chez les usagers de drogues, les contaminations sont souvent multiples. Souvent par pudeur l’entretien avec le médecin ne va guère plus loin que le mode de contamination et l’année approximative…

Aujourd’hui, pouvoir dépister tout le monde ne sera possible qu’en valorisant une nécessaire solidarité communautaire.

En effet, il faut oser se souvenir de ses comportements à risques pour retrouver les personnes avec qui il y a eu échange de matériel. C’est à dire valoriser et encourager un dépistage a haute sensibilité.

Prendre en charge un ex usager de drogues et remonter le temps pour retrouver les partenaires de toxicomanie c’est pouvoir aller au devant de personnes qui sont à haut risque d’être porteur d’une hépatite C. Ainsi prendre le temps de se souvenir de 4 à 5 compagnons d’infortune ou de visite au tarif de groupe des paradis artificiels, c’est assurément trouver 5 personnes contaminées. C’est faire aussi bien que 1000 tests de dépistages à l’aveugle.

Mais plonger dans ce passé n’est pas simple, les gens ont déménagé, se sont mariés, on découvrira même que certains sont décédés.

Mais lutter contre cette épidémie c’est aussi promouvoir une nécessaire solidarité communautaire .

Pascal Mélin

NASHA ET WANDA, DES PÉTITES SOEURS HÉPATANTES

Nasha et Wanda sont deux sœurs originaires de la région centrafricaine. J’ai d’abord rencontré Nasha, l’ainée.

Toutes deux, à leur arrivée en France, se sont rendues au centre de dépistage anonyme et gratuit et c’est là qu’on leur a appris qu’elles étaient porteuses du virus de l’hépatite B.

Nasha, 22 ans, fut la première à venir consulter, le bilan réalisé confirma qu’elle était bien porteuse d’une hépatite B chronique inactive.

À la question: « Mais comment l’ai-je attrapée ? » on lui expliqua les différents mode de contaminations, sexuelles bien sûr, mais aussi la transmission mère/enfant, qui était très probable puisque sa sœur aussi était infectée. Nasha, lors de la consultation m’avoua que sa jeune sœur Wanda vivait très mal sa maladie et ne voulait pas en entendre parler.

Deux mois plus tard, finalement Wanda se décida à venir. Elle réalisa son bilan qui confirma une hépatite B à la limite inférieure des recommandations de traitement, je lui proposais donc une simple surveillance avec une nouvelle évaluation dans 6 mois. C’était plutôt une bonne nouvelle mais je vis alors Wanda blêmir, ses mains tremblaient et les larmes explosaient dans ses yeux.

Elle nous expliqua alors qu’elle avait été violée par son oncle et qu’elle était persuadée que c’était lui qui l’avait contaminé. Elle n’avait jamais osé en parler, mais maintenant, elle était en France, sa mère et son oncle étaient décédés, elle voulait se débarrasser de cette trace de son passé qui la souillait.

Comprenant son désarroi, j’acceptais alors de mettre en route un traitement en demandant à la jeune fille qu’elle se fasse suivre en contrepartie par le psychologue de l’équipe à qui elle devait raconter son histoire.

Le suivi se mit en place, 2 mois après, le virus était indétectable dans son sang, je la sentis alors libérée, soulagée… Le traitement a duré plus d’un an, puis un jour elle est venue me voir à la consultation pour me dire : « On peut arrêter le traitement, je suis prête à accepter mon virus comme une partie de moi et de mon histoire quelle que soit la façon dont il est entré dans mon corps. Et puis maintenant je me sens le droit d’être une femme, d’ailleurs j’ai un copain, mais il est vacciné, ne soyez pas inquiet… »

Le traitement a été suspendu, le virus a remontré le bout de son nez dans les prises de sang mais Wanda et lui semblent s’être désormais apprivoisés. On les surveille, car avec la B on sait que la maladie peut reprendre le dessus.

Mais pour l’instant, tout se passe bien, on a compris ce qui se cachait derrière cette hépatite B et on a aidé Wanda à passer à autre chose dans sa vie…

Mais n’oublions pas que l’hépatite B et une complication possible et fréquente d’un viol et, alors que la transmission du VIH au cours d’un viol est juridiquement une circonstance aggravante, la transmission de l’hépatite B non ! Ça ne vous choque pas ? Mais c’est vrai, j’oubliais, il y a un vaccin pour la B…

Pascal Mélin

CONTAMINANT VS CONTAGIEUX, JOUONS SUR LES MAUX PAS SUR LES MOTS !

C’est peut être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup…

Ces deux adjectifs ne sont pas carrément antonymes mais ils sont trop souvent utilisés comme des synonymes.

Leur sens profond est totalement différent et en tant que malades porteurs d’une hépatite virale, nous revendiquons le fait d’être contaminant mais pas celui d’être contagieux.

Une maladie est contagieuse lorsqu’elle échappe au contrôle humain comme la grippe ou Ebola.

Alors qu’une maladie est contaminante lorsqu’on peut en éviter sa transmission : la personne porteuse de l’infection en question est parfaitement informée des modes de transmission et elle peut les contrôler.

Ainsi, l’hépatite C est au départ une maladie contagieuse, mais sa transmission se fait uniquement par le biais de sang infecté.

Mais si la personne est parfaitement informée des modes de transmission, elle peut prendre les protections nécessaires et ne jamais contaminer personne.

La maladie dont elle est porteuse peut alors porter le titre de contaminante mais non contagieuse.

L’hépatite B est aussi une maladie contagieuse que l’on peut requalifier en contaminante. Pourtant, l’hépatite B est transmissible par le sang mais aussi par les fluides sexuels. On a beau être très bien informé cela semble plus difficile ! Pas du tout !

Il suffit que chaque personne infectée le dise a son entourage, elle devient ainsi un ambassadeur de la vaccination.

Car une personne vaccinée est une personne protégée et ne peut donc se contaminer.

Avec ce regard sur les hépatites B et C, on comprend qu’il appartient a chaque malade de faire de sa maladie contagieuse qu’elle devienne juste une maladie contaminante, et à ce titre contrôlée et contrôlable.

C’est comme ça qu’on devient hépatant.

Pascal Mélin

LE POINT DE VUE DES ASSOCIATIONS DE PATIENTS. INTERVIEW DE PASCAL MELIN, SOS Hépatites

Avec d’autres associations, vous avez adressé en décembre une lettre ouverte à Marisol Touraine pour réclamer un plus large accès aux traitements contre le virus de l’hépatite C.

Qu’attendez-vous concrètement des pouvoirs publics ?

Nous voulons que s’engage une négociation sur le prix des traitements avec l’industrie pharmaceutique. Il faut savoir que tant qu’un médicament n’a pas d’AMM, et qu’il est sous ATU, il n’y a pas de négociation. Les prix actuels constituent, à nos yeux, une véritable perte de chance pour les malades. C’est inacceptable ! En outre, le nombre de malades sévères (F3 et F4) ayant accès au traitement est en baisse. Il est urgent de passer à l’étape suivante, une véritable stratégie à long terme de gestion de l’épidémie. D’un point de vue de santé publique, nous n’avons pas intérêt à laisser des réservoirs de virus. Un patient souffrant d’hépatite C – d’une forme sévère ou pas – est de toute façon contaminant. Nous devons donc traiter tout le monde. D’autant que les études nous montrent aujourd’hui que pour les F0 et les F1, on obtient de très bons résultats après seulement 8 semaines de traitement.

Vous réclamez aussi une révision du système des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) ? Rappelons là que les réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP) en hépatologie sont obligatoires pour l’initiation et le suivi d’un traitement de l’hépatite C par un antiviral à action directe. Composées d’au moins un hépatologue, un microbiologiste ou un interniste, un pharmacien, et un professionnel de santé en charge de l’éducation thérapeutique, elles statuent sur les demandes de traitement adressées par les médecins.

Nous devons mettre de la clarté. En effet, en France, nous avons décidé que les F2 sévères avaient droit aux antiviraux à action directe. Mais le concept de « F2 sévère » n’est pas clair d’un point de vue médical. Résultat : l’accès aux traitements n’est pas uniforme sur tout le territoire. Quant aux réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), elles ont été créées pour qu’il y ait une égalité d’accès aux traitements. Ce n’est pas du tout le cas. Nous demandons donc aussi que les RCP soient réservés aux cas les plus complexes. Par ailleurs, nous manquons de « bras » pour traiter tous les malades. Pour obtenir l’éradication, il faut former des « intérimaires » de l’hépatite C !

La France est un des pays où le taux de dépistage des hépatites B et C est le plus fort. Pourtant, vous estimez qu’il est urgent de proposer des tests rapides ?

Les tests rapides à orientation diagnostique (TROD) sont autorisés pour le VIH depuis 2010. Nous aurions dû en disposer pour le VHC en mai 2015. Mais pour le moment, nous n’en sommes nulle part. Le Conseil d’Etat a annulé le 8 avril 2015 un arrêté de juin 2013 suite à un recours du Syndicat national des médecins biologistes parce que cet arrêté nécessitait l’avis d’une Commission nationale de biologie. Or, cette commission n’existait pas à l’époque… Les TROD sont un vrai outil de réduction des risques, qui démédicalise le dépistage et touche des populations précaires. Nous en avons besoin alors que plus de 74 000 personnes ignorent toujours qu’elles sont malades. Cependant, les autorités ne peuvent pas, dans le même temps, inciter au dépistage et refuser le traitement aux F0, F1, F2. C’est odieux !

Enfin, à SOS Hépatites, vous soutenez des malades au quotidien. Aujourd’hui, après la guérison, comment reprennent-ils le cours de leur vie ?

Les malades qui ont été en multi-échec se sont ancrés dans leur pathologie chronique. Ils ont enchaîné des traitements lourds pendant des années et là, du jour au lendemain, ils ont un traitement qu’ils supportent très bien et en 3 mois, ils sont guéris. Certains risquent alors de souffrir du « syndrome de Lazare». Autrement dit, ils se sont construits une image de personne malade et ne se croient pas capables de guérir.

Nous devons réaliser que nous sommes face à la 1ère maladie chronique guérissable ! Il est donc urgent que politiquement, nous réfléchissions à comment nous devons accompagner cette guérison. Car guérison virologique ne signifie pas guérison sociale. Le patient qui a dû abandonner son emploi parce qu’il était trop fatigué, que devient-il quand il est guéri ?

Il n’est plus pris en charge à 100% par la sécurité sociale, il n’a plus le statut d’adulte handicapé…

Demain, nous aurons heureusement d’autres maladies chroniques guérissables. L’hépatite C doit être un laboratoire d’idées pour ce sujet.

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VIVA ESPAÑA ! OLE !

Quand les Espagnols entrent dans l’arène pour faire la corrida, ça déménage.

On se moquait pourtant d’eux et du peu de patients porteurs d’hépatite C qui avaient accès aux nouveaux traitements fin 2014.

Lors du dernier trimestre 2014, l’arrivée des antiviraux d’action directe permettait d’initier plus de 5 000 traitements en France, dans le même temps seulement 400 étaient démarrés en Espagne.

Aujourd’hui, les Espagnols sont devant les mangeurs de grenouilles…

Le premier trimestre 2015 a vu pour la première fois le nombre de mise en route des nouveaux traitements diminuer chez nous alors qu’en Espagne plus de 4 000 traitements ont été initiés.

Et cela s’est poursuivi toute l’année, puisque selon les autorités sanitaires Espagnoles, de mars à décembre 2015, ce n’est pas moins de 27 643 traitements qui ont été prescrits !

L’épidémiologie, les soins et la couverture sociale sont pourtant comparables entre l’Espagne et la France alors que les Français se sont mis comme objectif 15 000 patients à traiter par an.

On nous a longuement expliqué que l’on ne pouvait pas traiter davantage de patients, que sinon le système sanitaire serait saturé.

On nous aurait menti ?

Notre politique sanitaire est incompréhensible : 3 pas en avant et deux en arrière ce n’est pas comme ça que l’on va avancer… C’est à se demander si le tango est vraiment une danse Espagnole…

Pascal Mélin

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : ACCÈS AUX TRAITEMENTS CONTRE L’HÉPATITE C – UNE VICTOIRE SCIENTIFIQUE, UN RECUL SOCIAL

Communiqué de presse

11 janvier 2016

 

ACCÈS AUX TRAITEMENTS CONTRE L’HÉPATITE C – UNE VICTOIRE SCIENTIFIQUE, UN RECUL SOCIAL

La 9ème Conférence Internationale sur les hépatites virales de Paris (Paris Hepatitis Congress – PHC) des 11 et 12 janvier permettra de faire un état des progrès thérapeutiques accomplis dans la lutte contre l’hépatite C. L’arrivée en 2014 de nouveaux traitements permettant des taux de guérison spectaculaires a constitué une véritable révolution. Cette avancée thérapeutique est actuellement limitée à une simple victoire scientifique. Les prix exorbitants exigés par les laboratoires et l’inertie des gouvernants entravent l’accès aux soins, provoquent une discrimination et une stigmatisation des malades, sapent toute stratégie cohérente de santé publique.
En 2016, 180 millions de personnes vivent avec une hépatite C. En 2016, tout décès lié à l’hépatite C est évitable. L’industrie pharmaceutique, les responsables politiques internationaux et nationaux en portent la lourde responsabilité.
En France, 300 000 personnes sont touchées par l’hépatite C. Pour la première fois, les pouvoirs publics rationnent l’accès aux soins, réservant ces traitements aux personnes à des stades avancés de la maladie, encadrant strictement les prescriptions, bafouant nos principes mêmes d’accès à la santé. Il n’existe aucune justification éthique, économique, médicale, sociale pour tenir des malades hors du soin, en attendant que leur état de santé se dégrade. Rappelons par ailleurs que ces mêmes malades sont également des contribuables qui ont financé la recherche publique, base des principaux traitements contre le virus.
Aujourd’hui, il existe des traitements permettant d’obtenir une guérison virologique rapide (8 à 12 semaines) pour les patients aux stades les moins avancés de la maladie, permettant également de faciliter la gestion de nombreuses pathologies associées. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des malades ne profite pas de ces progrès thérapeutiques majeurs. Aujourd’hui, les risques de transmission perdurent alors qu’ils pourraient être drastiquement réduits.
Une stratégie à long terme de gestion de l’épidémie reste à construire. Nous, malades, demandons à être associés aux décisions concernant les moyens à venir pour la lutte contre l’épidémie.
Cette stratégie est notamment basée sur la prise en charge par l’assurance maladie des nouveaux traitements anti-VHC pour toutes les personnes infectées par le virus et nécessitant d’être traitées, quel que soit leur stade de fibrose, en accord avec toutes les recommandations d’experts. L’ouverture de ces prescriptions s’accompagne nécessairement d’une profonde renégociation du prix de ces nouveaux médicaments.
« Il n’existe aucune victoire scientifique sans progrès social » rappelle ce jour Pascal Mélin président de SOS hépatites lors du congrès de Paris.

Contacts Presse :

Pascal Mélin, Président de SOS hépatites Fédération – 07 85 62 91 69
Frédéric Chaffraix, Vice-Président de SOS hépatites Fédération – 06 62 80 53 74
Yann Mazens, Directeur de SOS hépatites Fédération – 06 74 86 44 48

LE VACCIN CONTRE L’HÉPATITE B ENFIN DISCULPE!

Le parquet de Paris s’est finalement prononcé en faveur d’un non-lieu dans l’affaire du vaccin contre l’hépatite B.

Rappel des faits:

En 1994 une grande campagne de vaccination contre l’hépatite B est lancée mais suite à cette mise en place, plusieurs cas de sclérose en plaques sont diagnostiqués.

La chronologie avec la vaccination semblait troublante, donc ces dossiers ont été analysés et 60 plaintes déposées sur plusieurs année.

D’interminables enquêtes et contre enquêtes sont alors lancées pour étudier les rapports de cause à effets , les rapports d’experts se contredisent, et il faudra donc attendre 17 ans pour aboutir enfin à ce résultat et disculper le vaccin incriminé.

De nombreux experts ont avancé que cette maladie était mal connue et que de nombreux facteurs pouvaient être à l’origine du déclenchement de la maladie.

On a pu observer que l’incidence n’avait pas explosé, le nombre de cas n’a pas augmenté alors que 30 millions de personnes sont vaccinées aujourd’hui en France.

Les résultats des études de l’Inserm pour évaluer la sécurité des vaccins sont rassurants, font l’objet d’un consensus international et ont donc conduit les agences de santé à réhabiliter le vaccin contre l’hépatite B.

Le Parquet de Paris et l’Inserm affirment donc aujourd’hui qu’il est hors de cause.

L’association SOS Hépatites en profite pour rappeler sa position en faveur de ce vaccin et l’importance de la vaccination contre l’hépatite B.

Paradoxe franco français: Nous sommes le pays d’Europe le plus en retard pour la vaccination hépatite B et le plus en avance pour le traitement de la C.

A l’occasion de ce non lieu tant attendu nous aimerions que le ministère de la Santé Français en profite pour relancer une campagne de sensibilisation à la vaccination contre l’hépatite B mais également d’une manière plus générale en profite pour réhabiliter les vaccins recommandés par l’OMS.

Parce que ne nous faisons pas trop d’illusions, il restera une partie de la population suspicieuse concernant ce vaccin et tous les vaccins d’une manière générale.

SOS Hépatites