TCHÉTCHÈNE DE VIE

Cet après-midi, la consultation était surprenante. Le foyer local des SDF accueille des réfugiés par dizaine et le CeGIDD y réalise des dépistages et de l’information. Bien sûr, en cas de résultats positifs, les patients sont rapidement vus en consultation.

Aujourd’hui, il y avait trois patients du foyer en consultation :

  • deux jeunes hommes étaient porteurs d’hépatite B chronique et originaires du Soudan,
  • le troisième était un homme d’une quarantaine d’années porteur d’une hépatite C et originaire de Tchétchénie.

Nous avons échangé en anglais, je lui ai donné des informations sur sa maladie puis nous avons cherché ensemble son mode de contamination. Il s’est alors déshabillé et m’a expliqué qu’en 2004, alors qu’il était soldat dans l’armée tchétchène, il avait été capturé par des ennemies russes, avant d’être torturé et laissé pour mort. Son corps parle de lui-même, on peut voir de nombreuses traces de coups de couteau sur son thorax et son abdomen, mais aussi les pieds et les mains. Il avait été sauvé in extrémiste, grâce à une transfusion et une opération.

Malheureusement, si en France, les dons de sang étaient systématiquement sécurisés contre l’hépatite C depuis dix ans, ils ne l’étaient pas en Tchétchénie en 2004. C’est ainsi qu’il avait été contaminé.
Aujourd’hui, il est sur le point d’être expulsé et reconduit à la frontière alors que le traitement est là, à portée de main. J’ai à nouveau réalisé des certificats pour demander son maintien sur le sol français et permettre son accès aux soins.

Dans le monde, le sang destiné à la transfusion n’est pas systématiquement dépisté contre l’hépatite C.

Le programme NO-HEP 2030 prévoit une sécurisation de plus de 90 % des poches de sang avant transfusion… Mais pour 2030…

Cette histoire montre bien que l’hépatite C prend un sens différent d’un endroit de la planète à l’autre.

En France, il ne suffit pas de déclarer UNIVERSEL, pour tous, l’accès aux traitements. Il faut faire en sorte qu’il le soit vraiment.

Ce patient pourra-t-il rester sur le sol français et guérir ?

À SUIVRE…

Pascal Mélin

PARCOURS DE VIE ET DE SANTÉ DES MIGRANTS : UNE ENQUȆTE DE l’ANRS

L’enquête Parcours « Parcours de vie, VIH et hépatite B chez les migrants africains en Ile-de-France » est une étude à laquelle SOS hépatites a participé. Financée par l’ANRS (France Recherche Nord&Sud Sida-HIV Hépatites), elle a débuté en 2012. Ci-dessous, vous trouverez une interview tirée du site de l’ANRS datée du 30 avril 2014.
Il s’agit de l’interview du Dr Annabel Desgrées du Loû, démographe, directrice de recherche HDR à l’IRD/CEPED, qui a présenté quelques résultats de cette étude, à l’occasion de la 7ème conférence internationale de l Alliance Francophone des Acteurs de Santé contre le VIH/Sida (AFRAVIH).

Parcours de vie et de santé des migrants: une enquête de l’ANRS
L’enquête Parcours « Parcours de vie, VIH et hépatite B chez les migrants africains en Ile-de-France » est une enquête financée par l’ANRS (France Recherche Nord&Sud Sida-HIV Hépatites) qui a débuté en 2012. Le Dr Annabel Desgrées du Loû, démographe, directrice de recherche HDR à l’IRD/CEPED est présente à l’AFRAVIH pour présenter quelques résultats. Nous lui avons posé trois questions afin de faire un point sur l’enquête après deux ans d’existence.

Quelle est l’originalité et l’objectif de cette enquête?
Annabel Desgrées du Loû : Les migrants subsahariens vivant en France sont particulièrement touchés par le VIH et l’hépatite B. Cela est dû aux situations épidémiques des pays dont ils sont originaires, mais des données virologiques ont montré pour le VIH qu’une partie des infections survient en France. L’ANRS souhaitait depuis plusieurs années impulser des recherches spécifiques sur cette population. L’étude Parcours portée par des chercheures de l’IRD, de l’INSERM et le l’INPES a pour objectifs de comprendre chez les migrants subsahariens vivant en France ce qui peut augmenter les risques d’infection par le VIH/sida et le virus de l’hépatite B, ce qui peut retarder l’arrivée dans le système de soins, et ce qui peut compliquer la vie avec l’infection.
Cette enquête est originale par sa méthode dite biographique : elle prend en compte l’ensemble du parcours de vie de la personne dans ses différentes dimensions (migratoire/sociale/professionnelle, santé…) pour analyser comment les différentes trajectoires migratoires, de santé, sociales etc.. s’articulent les autres, et comment les maladies VIH et hépatite B prennent place et modifient ces parcours de vie.

Quelques résultats sont présentés à l’AfraVIH. Pouvez-vous nous en parler?
A. Desgrées du Loû : Ce sont les tous premiers résultats de cette enquête menée en 2012 et 2013 qui sont présentés à l’AfraviH.
• Une communication traite de la précarité des migrants originaires d’Afrique Subsaharienne après l’arrivée en France. Nous observons que, quelle que soit la pathologie et le groupe d’étude, les expériences de précarité sont fréquentes chez les hommes comme chez les femmes et signent une vulnérabilité spécifique des « arrivants » qui dure plusieurs années. Nous caractérisons dans la communication cette précarité selon différents indicateurs (absence de papiers, de logement stable, de ressources), le moment où elle survient et combien de temps elle dure.
• Dans une seconde communication nous comparons entre les deux pathologies VIH et Hépatite B le niveau de secret maintenu sur l’infection. Nous observons que si le VIH est plus gardé secret que l’hépatite B, il y a une proportion non négligeable de personnes qui ont l’hépatite B qui n’en n’ont parlé à personne, surtout chez les hommes (1/4). En outre pour le VIH comme pour l’hépatite B, le secret s’inscrit dans des logiques genrées, les femmes en parlent plus que les hommes et les personnes à qui l’on se confie sont plus souvent des femmes.
Deux posters sont également présentés :
• l’un porte sur une étude qualitative sur les relations entre les soignants et les patients migrants et l’étude compare ces relations selon que les patients ont le VIH ou l’hépatite B. La prise en charge est globale dans les services hospitaliers VIH alors qu’elle est uniquement biomédicale dans les services de suivi de l’hépatite B.
• L’autre poster montre que les migrants subsahariens sont majoritairement diagnostiqués après leur arrivée en France pour le VIH comme pour l’hépatite B. Les difficultés perçues dans la vie diminuent avec le temps passé en France et de manière plus rapide dans le groupe VIH.

Quelles sont les prochaines étapes?
A. Desgrées du Loû : Notre hypothèse est que la précarité est propice aux risques sexuels, car dans les situations de précarité se mettent en place des stratégies de survie où la préservation de la santé et la protection des rapports sexuels ne sont pas prioritaires. Dans les mois à venir, une prochaine étape de l’analyse consistera à vérifier cette hypothèse en analysant le lien entre précarité et risques sexuels, ainsi que le lien entre précarité et accès au soin. Parallèlement, l’analyse du délai au diagnostic après l’arrivée en France pour ces deux pathologies est en cours
Pour en savoir plus: http://www.parcours-sante-migration.com/spip.php?page=accueil