FIGARO : LA TRIBUNE DU 15 MARS … L’APPEL DES 110

110 c’est le nombre de professeurs agrégés d’hématologie qui ont signé une tribune d’alerte ce jour dans le figaro .

Sous la dynamique des Pr Marininchi et Vernant les 110 ont dénoncé le prix croissant et de plus en plus exorbitant des innovations thérapeutiques en matière de tumeur hématologique alors que les enquêtes ont montré que le coût de la recherche et du développement est plutôt en baisse. En 15 ans le prix moyen de mise sur le marché d’un traitement est passé de 10 000 $ a plus de 120 000 $ . Au Etats Unis des malades ont déjà dû renoncer aux soins faute de pouvoir financer leur traitement et au Royaume Uni certains médicaments sont purement et simplement dé remboursés  . En France nous n’en sommes pas encore là mais notre système de santé solidaire risque d’être asphyxié rapidement.

Les prix des nouveaux traitements du cancer sont déterminés arbitrairement par les suppositions des industriels sur ce que les marchés sont capables de supporter.

On ne peut définir le prix d’un médicament sur les années de vie gagnées ou sur le coût économisé par rapport aux traitements antérieurs . Sinon quel aurait été le prix des antituberculeux au début du 20 ème siècle si on l’avait estimé sur les années de vie gagnée et les coûts des sanatoriums . Les règles du jeu permettant de fixer le prix des médicaments innovants deviennent tronquées . Les malades via la ligue contre le cancer et les hématologues via cette tribune poussent le même cri d’alarme .

De l’hématologue à l’hépatologue il n’y a qu’une lettre qui change! Mais les préoccupations sont les mêmes pour les malades ! Nous voulons garantir l’accès aux soins pour tous et ne pas valider ces stratégies mercantiles de rationnement . Les hépatologues doivent rejoindre les hématologues dans ce combat.

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Quatre propositions concrètes et piste de réflexion sont donc mises en avant:

1. définir un juste prix pour les médicaments du cancer, basé sur les sommes investies par les industriels pour la R&D du produit (en tenant compte des apports fournis par la recherche académique), auxquelles s’ajouteraient un retour sur investissement raisonnable, éventuellement défini au départ .

2. Rendre le système d’arbitrage des prix plus démocratique et transparent, en y associant de façon structurelle des représentants des patients et des professionnels .

3. Ne plus accepter les extensions de durée des brevets, la rapidité du développement des nouvelles thérapeutiques ne les justifient plus .

4. Autoriser, comme cela existe déjà pour les traitements du sida et des infections opportunistes, l’utilisation de licences obligatoires pour les pays en développement, leur permettant de produire et utiliser les génériques avant même que les brevets ne tombent dans le domaine public.

SOS Hépatites fais siennes ces propositions qui rassemblent toutes nos remarques et attentes depuis 3 ans .

Nous devons retrouver la raison ; Aujourd’hui l’industrie de l’innovation pharmaceutique génère plus de profits que l’industrie pétrolière ou celle du luxe . Parce que les soins doivent rester solidaires et parce que ce sont des valeurs fondamentales de notre système de démocratie nous nous devons d’inventer de nouvelles règles .

 

Pascal Mélin

http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/03/14/24739-lurgence-maitriser-prix-nouveaux-medicaments-contre-cancer

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : HÉPATITE C – DE L’INJUSTE PRIX À L’EXCLUSION DES SOINS

Communiqué de presse

28 juillet 2014

HÉPATITE C – DE L’INJUSTE PRIX À L’EXCLUSION DES SOINS

 

L’arrivée de nouveaux antiviraux, comme le sofosbuvir (spécialité Sovaldi), fonde pour la première fois l’espoir de traiter bien plus efficacement les personnes atteintes par le virus de l’hépatite C. L’histoire récente de la lutte contre les hépatites C risque cependant de conduire à une exclusion des soins de personnes qui nécessitent un traitement. Cette exclusion concerne désormais également les pays riches en miroir de l’histoire des personnes infectées par le VIH dans les pays en développement. Comme si nous avions oublié que la santé publique est un bien public mondial inaliénable dont dépend notre existence. Comme si nous avions oublié que la France a signé la déclaration de Rio de Janeiro en 2011 pour lutter contre les inégalités sociales de santé. Aux Etats-Unis, l’Etat de l’Oregon vient d’annoncer qu’il ne pourra traiter tous les patients qui le nécessitent du fait du coût des traitements qui grève son budget. Ce prix annoncé par le laboratoire Gilead autour de 50 000 à 99 000 euros, pour 3 mois de traitement, pourrait diminuer de 50% suivant les négociations en cours en France. Ce prix négocié serait jugé satisfaisant par certains à « seulement » la moitié du prix annoncé par le laboratoire, dans le cadre d’accords confidentiels entre la France et les entreprises pharmaceutiques.

Pourtant, ce prix aura toujours un retentissement conséquent sur notre système de santé. Pourtant, l’utilisation par les laboratoires privés des résultats de la recherche publique est passée sous silence. Pourtant, les procédures de fixation des prix du Comité économique des produits de santé (CEPS) ne sont pas transparentes et ne font pas intervenir les représentants des personnes malades et de la société civile. De même, la Commission de la transparence de la Haute autorité de santé (HAS), chargée d’évaluer le service rendu des médicaments, ne compte pas d’usager du système de santé. Certains, comme le président du CEPS, remettent d’ailleurs en cause l’intérêt de la participation des malades aux instances d’évaluation des médicaments et de fixation des prix, arguant de l’existence de groupes de pression, de conflits d’intérêts, et de la confidentialité à conserver dans les débats. C’est oublier un peu vite que les experts déjà membres de ces instances rencontrent les mêmes difficultés. De plus, la loi de santé publique, dite de démocratie sanitaire, du 4 mars 2002 recommande la participation des usagers dans les différentes instances qui traitent des questions de santé. Cependant, pour la première fois le CEPS a auditionné une délégation associative face à la problématique soulevée par le prix du sofosbuvir. C’est dans ce contexte que le premier rapport d’experts interdisciplinaires, sur la Prise en charge des personnes infectées par le virus de l’hépatite B ou de l’hépatite C en France, publié en mai 2014, fournit des recommandations précises sur les indications médicales de traitement. La HAS a limité en juin dernier ces recommandations, après les avoir pourtant acceptées dans un premier temps.

Malheureusement, l’écart entre les récentes recommandations thérapeutiques du rapport d’experts et celles du collège de la HAS ouvre une brèche en faveur des refus de soin. Or les refus de soins entraînent un retard de recours aux soins, voire un renoncement aux soins, dramatiques en termes de santé publique et individuelle. Seuls les malades prioritaires seraient traités, au stade avancé de fibrose voire de cirrhose, et ceux n’ayant pas répondu aux traitements antérieurs. Les autres personnes devraient attendre que l’état de leur foie se dégrade alors même que le traitement disponible peut stopper cette évolution. Les opportunités de traitement des personnes détenues seraient battues en brèche, parfois au prétexte d’un risque de re-contamination sans aucune preuve scientifique.

Les refus de soins font partie des obstacles à l’accès aux droits et aux soins des personnes infectées par le VHC, cumulant souvent les facteurs de vulnérabilité (personnes en situations de précarité, usagers de drogues, migrants, personnes incarcérées). Dans son dernier rapport, le défenseur des droits s’alarmait que « les situations de refus de soins persistent à un niveau élevé ». Les justifications invoquées par certains professionnels de santé sont les contraintes administratives ou économiques mais aussi, de façon inquiétante, la condition sociale de la personne et les stéréotypes et préjugés qui s’y rattachent. Dès lors comment ne pas s’inquiéter aussi que le prix des thérapeutiques puisse être invoqué pour refuser des soins à des populations vivant en situation de précarité, plus marginalisées, plus éloignées du soin, et créer ainsi un dangereux précédent en ne basant pas la délivrance de médicaments vitaux sur les besoins en santé des personnes mais sur des critères non médicaux : mode de vie, situation administrative ou socio-économiques.

Nous, associations de malades ou de représentants des usagers, de solidarité, soignants, refusons toute stratégie de rationnement qui remettrait en cause le principe même d’accès fondamental à la santé. Nous exigeons la garantie d’un accès équitable à tous aux nouvelles molécules sur la base des recommandations telles que définies collégialement dans le rapport d’experts sur les infections par le VHB ou le VHC. Nous considérons que l’intérêt de santé publique et les menaces pesant sur notre système de santé appellent légitimement à soumettre le sovaldi au régime de la licence d’office. Ce mécanisme permet aux autorités publiques d’autoriser l’exploitation du brevet par un tiers à un moindre coût. Cette situation impose plus de transparence en matière de fixation de prix des médicaments et démontre l’urgence de repenser l’accès aux nouveaux traitements et les soins au-delà des hépatites.

Michel Bonjour, président de SOS Hépatites
Bruno Spire, président de l’association AIDES
Dr Thierry Brigaud, président de l’association Médecins du Monde
Estelle d’Halluin, vice-présidente du Comité pour la santé des exilés (Comede)
Marianne l’Hénaff, association Arcat, collectif Traitements et recherche thérapeutique TRT-5, Collectif Hépatites virales
Yann Mazens, coordinateur du collectif Traitements et recherche thérapeutique TRT-5