Gilles est en bithérapie interféron et ribavirine depuis plus de 10 mois. Le traitement est lourd et difficile mais il arrive à son terme dans 3 semaines.
Comme le virus n’a disparu qu’après cinq mois de traitements nous ne savons pas encore si nous nous orientons vers une guérison ou vers une rechute.
Un jour, un médecin du service des urgences m’appelle pour me prévenir que Gilles y a été admis, fatigué, dénutri et que son état nécessite une hospitalisation. Je donne mon accord pour que Gilles soit orienté dans le service où j’interviens avant de me rendre à son chevet.
Arrivé près de lui, je constate sa grande fatigue, une tension artérielle basse, qu’il ne s’alimente plus depuis quelques jours et je comprends très vite que son moral est au plus bas.
Après l’avoir examiné longuement je ne retrouve rien qui puisse expliquer son état : rien à l’examen clinique, les premiers résultats de laboratoire sont normaux et pourtant il n’est vraiment pas en forme le garçon !
Les jours suivant je retrouve Gilles prostré dans son lit, fuyant les échanges. Je renouvelle son traitement jusqu’à ce qu’une infirmière m’interpelle pour m’apprendre que Gilles, fatigué de son traitement, a en fait pris toute la dose des trois semaines restantes ! Je reste stupéfait car c’est la première fois que je suis confronté à une telle situation. Gilles épuisé par la bithérapie a voulu respecter son engagement et aller jusqu’au bout du traitement mais en choisissant de s’en débarrasser plus vite. Je comprends mieux son désarroi quand il a constaté, une fois hospitalisé, que la première prescription que j’avais mise en place était de reprendre la bithérapie !
Gilles est encore resté quelques jours en hospitalisation le temps que son organisme élimine les doses colossales prises en une seule fois. L’histoire s’est terminée sans complication, il a quitté le service et j’ai pu constater au fil des consultations, l’amélioration de son état général. Six mois plus tard les résultats des analyses sanguines montraient que « virologiquement », Gilles était guéri.
Depuis je le vois en consultation chaque année, il va bien et il se demande parfois quel a été l’impact de son geste final. Je l’ai entendu dire en souriant que c’était peut être ce geste qui l’avait guéri.
Cette histoire si elle nous fait rire tous les deux maintenant nous a fait progresser dans notre rapport médecin-malade à travers l’interprétation différente de la notion d’engagement, le respect de chacun, la volonté de communiquer efficacement ensemble…
Les livres et mes maitres ont bien tenté de m’enseigner tout cela mais ce sont les malades qui me font comprendre à quel point tout ceci est essentiel.