Les médecins ne sont pas devins, c’est ce que m’a rappelé Hélène, une femme de 77 ans prise en charge quelques années auparavant.
Elle avait été envoyée par son médecin traitant pour amaigrissement et syndrome dépressif. Le bilan, réalisé rapidement, avait alors révélé non seulement une cirrhose, inconnue jusqu’alors, mais également une volumineuse tumeur du foie qui s’avérait être un cancer.
Après avoir pris connaissance du diagnostic, la patiente demandait à ce que je l’aide à dire les choses à ses enfants et petits enfants et c’est ainsi que son petit fils, en aparté, me posa la question fatidique suivante: « Pouvez-vous m’assurer que ma grand-mère, qui m’a élevé, sera encore là en juin ? Je voudrais absolument qu’elle assiste à mon mariage. » Nous étions fin novembre, il pleuvait tous les jours, le ciel était bas, la lumière nous manquait cruellement et le mois de juin me semblait très, très loin.
Alors j’ai répondu sur un ton laconique qu’au jeu des pronostics les médecins avaient souvent tort, mais que s’il souhaitait absolument que sa grand-mère soit présente à son mariage il devait l’avancer et se marier dans les trois mois à venir. Ma réponse a dû paraitre quelque peu violente mais je n’en voyais pas d’autre possible.
Le mariage eut lieu en janvier et Hélène était rayonnante et heureuse de ce qu’elle qualifiait de « blague faite à la famille ». En consultation elle amenait les photos du mariage plutôt que les images de scanner, nous les regardions ensemble et le temps passait, nous faisant mentir, ce qui ne me posait pas de problème particulier, bien au contraire !
Le mois de juin puis l’été sont arrivés, Hélène était toujours parmi nous et sa dépression semblait s’être éloignée. Les mois passant, Hélène semblait indestructible malgré son cancer du foie qui pourtant la rongeait comme le prouvait les examens radiologiques.
En septembre elle est arrivée à la consultation toute excitée à l’idée de nous annoncer qu’elle allait être arrière grand-mère et après l’avoir félicitée pour cette bonne nouvelle, qui lui était quand même étrangère, je lui demandais si elle pensait voir ce bébé. Sans la moindre hésitation elle répondait par l’affirmative et je compris alors qu’Hélène avait bien plus confiance en la vie que moi.
La naissance eut lieu en janvier de l’année suivante comme pour fêter cette première année de mariage et cette première année de survie. En juillet, à l’occasion d’une consultation, elle brandissait les photos du baptême, en insistant sur celle qui la montrait avec son arrière petit fils dans les bras.
Passé ce temps, Hélène a semblé se rendre à la maladie en expliquant avec humour qu’elle avait fait assez d’heures supplémentaires et qu’il ne fallait pas abuser. Elle s’est éteinte paisiblement accompagnée et entourée des siens.
Bien évidemment, certains chercheront à expliquer et rationaliser cette histoire par le type de la tumeur, l’âge de la patiente etc. Pour ma part, j’ai souhaité retenir qu’au jeu des pronostics les médecins n’avaient pas toujours raison et qu’il fallait aussi compter sur les ressources internes de chacune des personnes que nous suivions pour avancer et faire ensemble un pied de nez aux pronostics les plus sombres.
Pascal Mélin
« samanthey le 13/01/2013 à 20h06 Rirejaune » 1,23% de la population, c’est certes un chiffre, mais ce n’est quand même pas écrasant par rapport à la population Française. Par contre, je vous rappelerai qu’on peut être hétéro et pour le mariage, tout comme on peut être homo et contre le mariage.