Je voudrais vous rapporter une conversation entre une maman, suivie pour une hépatite C, et son fils de 6 ans, car il est des phrases pleines de tendresse qui nous éclairent sur un aspect de la prise en charge de la maladie.
Nathalie*, avant de débuter son traitement contre l’hépatite C, a pris le temps d’expliquer les choses à son fils et de lui dire qu’elle risquait de changer d’humeur durant les quelques mois à venir. Objectivement, Nathalie a bien fait car, lors d’une consultation, le père de Romain rapporte qu’à bientôt quatre mois de traitement, Nathalie est irritable, pleure pour un rien et ne supporte plus les remarques qu’on lui fait en prenant pourtant mille précautions. Elle réprimande souvent Romain en lui reprochant sa nonchalance d’enfant.
Ce dernier assiste à la consultation, mais regarde ses chaussures, probablement intimidé par l’hôpital. Je me tourne donc vers Romain et lui demande s’il y a des paroles que sa mère lui a dites et qui lui auraient fait de la peine. Sans hésitation, Romain répond par l’affirmative et poursuit alors avec cette phrase :
« Elle m’a dit dépêche toi, arrête d’avoir des étoiles plein la tête, tu rêves tout le temps. Moi je ne lui dis rien quand maman elle a des virus plein la tête, c’est un peu pareil non ? Moi je rêve aux étoiles et elle, à son virus, et c’est pour ça qu’on n’est pas comme d’habitude ! »
Jolie phrase pleine de magie, non ?
Tu as raison Romain. Le virus de l’hépatite C prend la tête, il se multiplie dans le cerveau et pendant le traitement, une fois sur trois, il engendre des dépressions et très souvent des changements d’humeur. Le malade devient quelqu’un d’autre pour lui et son entourage.
On a beaucoup parlé des effets indésirables psychogènes ces dernières années mais peut-être a-t-on tendance à les minimiser en pensant aux nouveaux traitements sans Interferon qui vont arriver d’ici un an. Pourtant, il est fondamental de suivre l’humeur des malades. En effet, prendre un traitement entraine intrinsèquement une modification du mode de vie pouvant induire un changement de l’humeur dont il est impératif de s’occuper, d’autant qu’il est susceptible d’avoir un impact sur l’entourage proche.
Et en cas d’échec du traitement, on peut même se préoccuper de savoir qui est en mesure de proposer une aide pour gérer et dépasser les répercussions morales, familiales et sociales.
Les associations, les malades et les familles volontaires qui ont vécu de telles situations ne sont-elles pas les plus à même d’accompagner de tels événements de vie ?
Merci Romain d’avoir la tête pleine d’étoiles car l’image est beaucoup plus belle que celle d’une tête pleine de virus et aussi parce qu’elle me rappelle mon fils qui aime citer Oscar Wilde en disant qu’il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles.
Romain, quand ta maman sera guérie, elle te fera certainement remarquer que tu es sans cesse dans la lune…
Pascal Mélin
*Les prénoms ont été modifiés