L’HÉPATITE DU BRAS GAUCHE…

À six mois de la fin de son traitement, un patient vient me consulter et réaliser le contrôle de sa virémie qui, en cas de négativité, signerait sa guérison.
Je viens de finir mon entretien d’évaluation médicale et cette personne prend place sur le fauteuil pour que l’infirmière réalise le prélèvement sanguin dans une veine qu’elle choisit ce jour là… sur le bras gauche. C’est alors que le patient s’agite et demande avec insistance à ce que le bilan soit fait dans le bras droit. L’infirmière s’exécute mais, curieux de sa réaction, je lui demande pourquoi il ne souhaite pas être prélevé sur l’autre bras.

Conscient du caractère atypique de sa réponse et de l’étonnement qu’elle va provoquer, ce patient se lance alors dans une explication, un peut honteux tout de même.

« Docteur, je sais bien que c’est absurde mais comprenez moi, lorsque l’on m’a dépisté, c’est dans le bras gauche qu’a été fait le prélèvement ; quand on m’a fait le test de confirmation c’était encore dans le bras gauche tout comme à l’occasion du dernier bilan avant la mise en route du traitement. Par contre le premier bilan réalisé après un mois de traitement a été fait dans le bras droit et là pour la première fois, le test était négatif comme tous les tests réalisés depuis. Alors vous comprenez bien que le bilan d’aujourd’hui est tellement important pour moi que j’en deviendrais superstitieux et que je préfère que l’on recherche le virus dans une veine du bras droit ! »

Le prélèvement a été fait selon ses désirs et le patient n’a donc pas été surpris d’apprendre que la virémie était toujours négative. J’ai malgré tout proposé qu’une ultime vérification soit réalisée en prélevant du sang dans son bras gauche pour lui prouver qu’il était bien guéri. Son anxiété semblait à son paroxysme mais il accepta, et nous avons pu lui confirmer sa guérison.

Le patient s’excusa de cette superstition qui n’était pas coutumière chez lui. Nous en avons plaisanté et même ri quand j’ai dit qu’il s’agissait probablement d’un nouvel effet secondaire jusque là inconnu et qu’il fallait très rapidement ouvrir un dossier de pharmacovigilance…

On oublie trop souvent qu’il existe tout un monde entre les soignants et les patients : celui des représentations. À chacun les siennes ; celles des soignants ont été façonnées par des années d’études et d’exercice professionnelle et sont forcément différentes de celles des patients.

À cela viennent s’ajouter des croyances nourries de peurs parfois infondées mais qui perdurent et s’accrochent en chacun de nous. On ose rarement les verbaliser tant on en a honte. Ce serait pourtant le meilleur moyen de leur tordre le cou une bonne fois pour toutes, tout en réduisant le fossé d’incompréhension qui subsiste parfois encore entre professionnels de santé et patients.

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