14 Novembre 2015 J1…
San Francisco est une ville extraordinaire.
La «VILLE» de toutes les différences et de toutes les tolérances.
Tournée vers l’Asie, à l’Ouest des Etats-Unis, elle a été complètement détruite par le célèbre tremblement de terre de 1906, mais a été totalement reconstruite grâce à l’obstination de ses survivants.
Alors si vous êtes sorciers ou superstitieux, ouvrir l’AASLD 2015 un vendredi 13 à San-Francisco est un signe fort.
En se rendant au congrès, on croise les trois singes mascottes de la WHA (World Hepatitis Alliance). Mascottes qui symbolisent l’absence de prise de conscience de la lutte contre les hépatites virales à l’échelon mondial : on ne les voit pas, on ne les entend pas et on n’en dit rien ! Pied de nez de bonne augure pour un congrès où l’on doit faire strictement le contraire, concernant les maladies du foie.
La première journée est traditionnellement consacrée au «post graduate» que l’on peut traduire par formation continue. Lors de cette journée, les scientifiques interviennent pour faire le point sur les connaissances en 2015, puis dès le lendemain c’est le congrès à part entière, la foire aux expériences, aux débats contradictoires, aux idées nouvelles, parfois hurluberlues.
Mais c’est souvent dans la diversité que se cache la vérité. Cette année le post graduate était centré sur l’hypertension portale, complication habituelle de la cirrhose.
Depuis 20 ans, on contrôle mieux les infections virales B et C, qui ont englouti pas mal d’argent, d’énergie, d’hommes et de salive, mais le docteur Abraldes rapporte que dans le même temps, la recherche sur l’hypertension portale n’a pas suscité autant d’engouement.
Certes, on dépiste mieux l’hypertension portale aujourd’hui grâce aux progrès de la gastroscopie et on utilise les béta-bloquants qui ont une réelle efficacité.
Une douzaine d’études ont montré le rôle délétère de l’oxyde nitrique (NO) et la place que pourrait prendre des inhibiteurs de la NO synthétase. Il suffirait de faire baisser de 20% les résistances à l’écoulement sanguin intra-hépatique pour modifier l’hypertension portale.
D’autres cibles sont également à l’étude comme les récepteurs béta-endothéline des cellules endothéliales ou la sécrétion d’endothéline 1 (ET-1).
D’autre part, le Pr Pietro Invernizzi constatait que le traitement de la cirrhose biliaire primitive (CBP) n’avait pas connu beaucoup de progrès depuis la découverte de l’efficacité de l’acide Ursodesoxycholique (AUDC) en 1987.
Le médecin rappelait que les connaissances étaient encore insuffisantes et que 30 à 40 % des patients avaient une réponse incomplète à l’ AUDC. Pour ces patients, plusieurs combinaisons thérapeutiques ont été essayées avec des corticoïdes, de l’azathioprine, du mycophènolate mais sans succès. Sur des modèles animaux, on a testé des cytokines, l’interleukine 12, la chimiokine CXCL10 et des anticorps dirigés contre la molécule CD20 (antigène de différentiation des lymphocytes B humains) sans grand succès non plus.
Une dizaine d’autres agents sont actuellement testés.
Mais même si on est à la recherche de nouvelles drogues dans la CBP et l’hypertension portale, le traitement des hémorragies par rupture des varices œsophagiennes reste une préoccupation quotidienne.
Alors que le débat entre la sclérothérapie et la ligature dans la prise en charge des varices œsophagiennes est définitivement tranché en faveur de la ligature, on reparle de sclérothérapie par injection de colle biologique comme traitement des varices de l’estomac.
Il reste pourtant choquant de voir des milliers de médecins qui réfléchissent aux techniques de limitation des hémorragies digestives à San-Francisco alors que le sang d’innocents a coulé à Paris.
Pascal Mélin