SUIS-JE PROPRIÉTAIRE DE MON VIRUS ?

La question peut sembler surprenante et saugrenue, pourtant je l’ai entendue à l’occasion d’une de mes consultations.
La loi française qui tente de protéger les patients, stipule qu’en cas d’analyse génétique le médecin a l’obligation d’informer loyalement les malades et de leur faire signer une autorisation avant toute analyse d’une partie de leur patrimoine génétique. C’est donc ce qui doit être réalisé à l’occasion d’un génotypage de l’IL 28B et ce que j’explique à un patient venu en consultation.
Jusque là, tout va bien, tout le monde suit… rien d’anormal.
Quelques tubes de sang plus loin cependant, nous passons au génotypage du virus, et ce même patient me fait alors remarquer qu’il n’a pas signé d’autorisation écrite ! Souhaitant avoir réponse à tout, ce qui est normal puisque le docteur… c’est moi,  je réponds que « le virus ce n’est pas lui ! ».
Ce jour là c’est pourtant bien le patient qui aura le dernier mot à travers une réponse sans appel : «  Si ce virus est dans mon corps, c’est que j’en suis propriétaire et qu’il fait partie de moi. En conséquence, vous devriez me demander l’autorisation… »
Suis-je propriétaire de mon virus ? Pas facile à dire puisqu’il ne fait pas partie du patrimoine génétique d’une personne.
Toutefois lorsqu’on est infecté par le virus de l’hépatite B le chromosome de ce dernier s’intègre dans les chromosomes des cellules hépatiques ce qui pourrait laisser à penser qu’on en devient propriétaire par fusion/acquisition…
La chose n’est pas simple et en tous les cas pas si anodine que cela puisque tout un flot de questionnements débarquent dans ma tête : « Si mon virus est moi, cela signifie-t-il que je me soigne contre moi-même ? »… « Et si je me soigne contre moi-même, vais-je perdre mon identité ?… « Serais-je alors plus virus ou plus homme ?»
Vous suivez toujours ? Oui ? Alors poursuivons…
 « Si je considère que je fabrique chaque jour plus de particules virales que de cellules dans mon organisme, qui est alors de trop dans l’histoire ? Moi-même ou mon virus ? »
« En fonction de la réponse à cette question, le traitement m’amputerait-il d’une partie de moi ? »
« Mais alors que d’auto agressivité ! »
Euh… je ne suis plus vraiment certain que vous suiviez encore car cela devient vertigineux et puisfinalement je n’ai plus très envie d’avoir réponse à tout !
« Suis-je propriétaire de mon virus ? »
Je vous laisse répondre à cette interrogation à moins qu’on ne finisse par trouver un notaire et un psychiatre désireux de résoudre ensemble la question du titre de propriété du virus…

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