C’est quoi être malade ? Est-on obligé d’être triste ou perdu ? Est-il possible d’être heureux avec une maladie ?
Très souvent, je me pose ces questions et la plupart du temps, je suis tenté de dire oui et puis non…
Finalement, je me retiens de répondre par l’affirmative à cette question par peur de choquer mon voisin ou d’affoler mon entourage.
Parfois il m’arrive de dire haut et fort que l’on peut transformer sa vie, « retourner la crêpe » comme disait un mec qui possédait l’art de modeler les faits les plus terribles ou absurdes en des choses acceptables, vivables et parfois même drôles !
Sa préoccupation était de toujours opposer un événement positif et gai quand un autre, triste ou dévastateur se présentait et je ne vous étonnerai donc guère si je vous dis qu’un de ses films préférés était Docteur Patch réalisé par Tom Shadyac, avec Robin William dans le rôle du médecin.
En France, il en existe quelques spécimens de Patch mais en général on ne les prend pas au sérieux, on les prendrait même pour des fous…
Pourtant dans les services de pédiatrie, on fait intervenir des clowns, toutes les semaines. Riez les enfants, c’est vous qui avez raison, d’autant qu’on vous en donne le droit ! Parce que quand on arrive à l’âge adulte, on ne rit plus dans les hôpitaux… le personnel se fait même rudement remonter les bretelles quand des éclats de rire sortent de la tisanerie pour se répandre dans le couloir. Il est même arrivé que l’on remette en cause les décorations de Noël dans certains services au motif qu’une fête comme celle-ci à l’hôpital c’est triste ! Ben voyons… même si c’est un peu vrai ce n’est pas une raison pour la rendre encore plus triste ! Et dans le même registre, on plonge un mourant dans l’obscurité alors qu’il aimerait probablement profiter de la lumière jusqu’au bout de sa vie…
Tout ceci ne résout pas mon questionnement de départ : est-il possible d’être heureux quand on a un problème de santé et pourquoi se sent-on obligé d’être triste même si l’on a envie de ne pas l’être ?
Quelqu’un peut-il répondre à cette question ici maintenant tout de suite ou plus tard ?
Probablement que tout faire pour rester dans la vraie vie, si on la considère comme étant de continuer de travailler, de plaisanter, de voyager, de sortir, de rire, de câliner, d’aimer plus que tout, ou d’être parfois triste comme tout un chacun, nécessite d’être inventif, créatif et « d’oser », alors que tout le monde, famille et soignants, insistent pour vous mettre sous cloche.
Oser les challenges et les défis, oser continuer d’avancer coûte que coûte, oser terminer ce que l’on a entrepris, oser aimer encore et toujours sans se poser la question de savoir si l’on en a le droit, oser avancer sans se retourner… même si l’on sait que l’on est en sursis, parce que finalement tout le monde l’est.
Ça fait comment quand on est à deux doigts de mourir ?
Et que se dit-on quand on ne meurt pas, parce que ce jour là on a eu de la chance… C’est quoi la chance au juste ?
Finalement, je vais oser écrire qu’on peut se sentir heureux alors que le pilulier fait parti du décor de la cuisine comme la série de casserole suspendue au dessus de la cuisinière, oser écrire que l’on n’est pas obligé de s’empêcher de vivre, parce que des gens autour de nous ne sont plus là, même quand on a perdu ce que l’on avait de plus précieux près de soi et en soi.
Parce que c’est la vie et qu’on n’en a qu’une.
Parce que parfois, le seul choix qui nous reste c’est de vivre coûte que coûte pour faire un joli pied de nez à tous ceux qui voudraient nous voir triste, à tous ceux que la maladie ou le malheur effraie comme une chose contagieuse.
Et on a aussi le droit de refuser le nom de « malade » qui sonne comme une assignation identitaire, pour plutôt « faire avec », s’en dépatouiller, faire au mieux, faire des choix dans le prendre soin de soi.
Faites comme vous voulez, pensez ce que vous voulez, peut-être vais-je choquer mais… je veux vivre et je vivrai, même avec des genoux bien écorchés…