TU M’AS FAIT RIRE FABRICE…

Pardonne-moi mais je voudrais partager nos éclats de rire avec nos lecteurs Hépatants.

Nous avions fait connaissance il y a quelques années. Tu t’étais égaré dans des paradis artificiels et te protégeais dans un monde d’alcool. Bien évidemment, cela ne faisait pas bon ménage avec l’hépatite C que tu avais ramenée de ces paradis. Grâce aux traitements de substitution et à la buprénorphine nous avions réussi ensemble à stabiliser ta pathologie addictive, pour toi comme pour ta compagne. Tous les deux vous aviez même accepté de témoigner devant une caméra. Quel courage !

Puis la question s’était posée de savoir qui de vous deux commencerait le premier son traitement contre l’hépatite C mais la gravité de ta cirrhose allait te laisser l’honneur de cette découverte. Le traitement fut dur, effrayant pour ta compagne et malheureusement la rechute arriva dès l’arrêt de ce traitement. Il en a fallu des arguments pour convaincre ta femme de se lancer dans l’aventure d’une nouvelle thérapie ! Pourtant, elle en est sortie gagnante et guérie. Pendant ce temps ta maladie s’aggravait avec plusieurs décompensations de cirrhose et apparition d’ascite. Ensemble nous avions évoqué la possibilité d’accéder à une greffe du foie et tu avais donc pris rendez-vous auprès d’une équipe parisienne même si l’affaire ne semblait pas gagnée au vu de ton parcours. Aussi m’étais-je permis de te donner quelques conseils en te demandant de « te faire beau » et « d’assurer » à cette consultation tout en restant honnête. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je recevais le courrier qui relatait cette consultation : « Cher ami, je te confirme au vu du dossier de ton patient qu’il y a bien là une indication de transplantation hépatique. Toutefois il faudrait retenter auparavant une nouvelle séquence antivirale si cela est possible. Je suis malgré tout inquiet car ton patient a refusé de se laisser examiner. Je reste à ta disposition et te remercie par avance de me tenir au courant… »

Lors de la consultation suivante je te montrais le courrier et t’interpelais sur ce qui c’était passé et la raison pour laquelle tu avais refusé de te laisser examiner. Tu fis alors la réponse suivante: « Effectivement, il ne m’a pas examiné mais c’est de ta faute… Tu m’avais dit de me faire beau pour la consultation et quand je suis arrivé on m’a demandé de me déshabiller et là j’ai refusé catégoriquement car j’étais habillé en cow-boy avec mon chapeau, ma veste à franges, mon jean moulant et mes santiags. Avec l’ambulancier nous étions partis à 4h du matin ; alors à midi si j’avais enlevé mes santiags, mes jambes auraient gonflées et je n’aurais jamais pu les remettre ! C’est la raison pour laquelle je lui ai dit non ! En revanche, il ne m’a pas demandé pourquoi… »

Nous étions alors partis tous les deux dans un fou-rire qui avait fini par inquiéter la secrétaire qui était venue aux nouvelles devant une telle tranche de rigolade.

Tranquillement nous avons repris une nouvelle combinaison thérapeutique que nous avons optimisée car tu savais où tu allais. De plus, ta femme ayant suivi un traitement auparavant te comprenait mieux et était beaucoup plus présente. Et puis le miracle s’était produit : la guérison était là, permettant ainsi à ton foie de se stabiliser et à nous, les médecins, d’abandonner le projet de greffe.

La vie a alors repris le dessus, nous avons pu arrêter le traitement de substitution et tu n’as jamais repris de produit. Avec un comportement stabilisé tu as retrouvé progressivement ta place de père et ta passion, la moto. Tu avais même validé ta formation de moniteur moto école. BRAVO Fabrice !

Mais ta passion dévorante t’a dévorée … au cours d’un été un accident de moto qui t’a emporté bien loin de nous tous.

« Quel gâchis après tout ce qu’il avait fait… », se sont exclamés certains soignants du service. Moi j’ai pensé : « Quels pied de nez et en même temps magnifique gratification à la médecine a-t-il fait ! ».

En effet, n’est ce pas le véritable enjeu de l’éducation thérapeutique que de permettre à un usager de vivre avec sa maladie puis d’en guérir afin d’avoir le droit de mourir non malade voire de sa passion ?

Même si ta mort nous a surpris et laissés dans le chagrin, même si on aurait bien aimé te voir encore dans ton habit de cow-boy avec ton chapeau, ta veste à franges, ton jean moulant et tes santiags, quelle leçon tu nous as donnée !

Merci Fabrice de m’avoir offert ce mémorable fou-rire à ton retour de Paris.

J’aimerais te dire que tu n’es jamais très loin car avec toi j’ai appris.

Pascal Mélin

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