Je ne pourrai pas être avec vous car je suis resté bloqué à Madagascar faute d’avion pour être à PARIS. Mais je dois avouer que l’exercice de style qui consiste à écrire un texte d’introduction n’est pas inintéressant.
L’année qui s’annonce devrait pour moi avoir le thème suivant : « un dépistage pour tous et une prise en soin pour chacun … »
Les progrès thérapeutiques doivent être partagés par tous mais la vaccination également. Il est urgent de mettre la lutte contre les hépatites virales en cohérence entre les pays pauvres et les pays riches et non en co-errance. Nous savons où nous voulons aller mais pas à n’importe quel prix ni n’importe comment. Des nouveaux enjeux se profilent, traitements sans interféron, traitements avec moins d’effets secondaires, traitements plus courts ; mais serons- nous tous égaux dans l’accès aux soins ? Deux malades sur trois porteurs d’hépatites B sont en Asie ou en Afrique. Que leurs proposons-nous ? L’épidémie est sur le point d’être mise sous contrôle dans les pays riches mais que ferons-nous pour les pays en voie de développement ? Ne nous trompons pas, ne vous trompez pas ! Vous avez et nous avons un rôle à jouer dans ce débat sanitaire et démocratique. Les malades doivent continuer à jouer ce rôle de guideur sanitaire. Personnellement, je rêve du jour où après le directeur, le poste de numéro 2 dans tout hôpital pourrait être un malade ou un représentant des usagers. A travers le CISS et le travail qui y est fournis, nous avons la preuve que des malades sont prêts à relever le défi mais les directeurs de structures sanitaires , d’hôpitaux ou bien les médecins sont-ils prêts à risquer de tels moyens et une telle contradiction, à moins qu’ il ne s’agisse d’une contre-addiction ?
Mais revenons sur les avancées de 2013. Nous pourrons commencer par citer l’index européen des prises en charge et de prévention des hépatites virales en Europe. Même si la France à la première place, il lui reste encore à progresser par rapport à d’autres pays dans l’accès aux soins et à la prévention en prison, quid des salles de consommation à moindre risque, quid des traitements pour les patients addict, quid des vaccinations ? Nous pensions que toutes ces questions auraient pu être discutées mais voilà le plan hépatites ne sera pas reconduit. Les actions sont-elles toutes menées à termes ? Surement pas ! Où sont les financements sur le terrain ? Pourquoi les dispositifs hépatologiques ne se sont jamais sentis aussi fragiles ?
Ne nous demandez pas de choisir entre le plan VIH et le plan addiction pour rattacher les hépatites et les maladies du foie à quelque chose, ce choix est impossible. Ce choix sera politique mais il ne sera pas le notre. Les hépatites méritent un nouveau plan à elles seules. A l’heure où la France est citée en exemple sur l’existence d’un plan hépatite qui serait nécessaire dans beaucoup de pays européens, que faisons-nous pour renforcer notre place de leader ?
Et bien oui, nous en France, on supprime une équipe qui gagne ! Oserait-on supprimer le plan cancer, le plan Alzheimer, le plan VIH ou bien encore celui contre l’obésité ? Et pourtant le lien est fort entre l’obésité et les maladies du foie comme il l’est avec les produits toxiques, l’endocrinologie, la pharmacologie, l’addictologie et les maladies infectieuses, l’éducation thérapeutique. Le foie et toutes ces pathologies connexes pourraient faire passer l’hépatologie d’une science contemplative, il y a 50 ans à devenir la clef de voûte des différentes pathologies et donc une hépatologie active et pourquoi pas activiste. Notre lot de consolation ne sera pas le rapport d’experts sur les hépatites virales. Pour nous, il fallait une nouvelle conférence de consensus, un rapport d’expert et le tout sous couvert d’un nouveau plan hépatite. Toute partie de ce dispositif développée seule ne pourrait qu’être insuffisante. Bien sûr, nous nous sommes impliqués dans ce rapport d’experts pour porter la parole des usagers. Mais quelle vie, quelle visibilité et quelle légitimité allons-nous donner à ce rapport ? Ce n’est qu’un outil pour l’instant.
L’arrivée de nouvelles classes thérapeutiques doit être diffusée le plus largement possible et nous continuerons de demander pour les malades les plus graves un accès compassionnel et faciliter l’accès et le développement des ATU sans accepter sa remise en cause politique qui ne pourrait être que préjudiciable à notre système sanitaire.
Même si nous avons l’arsenal thérapeutique pour contrôler les infections virales chroniques, l’épidémie de cancer du foie ne cessera d’augmenter d’ici 2020. Comment pouvons-nous préparer et accompagner cette épidémie ? En faisant la promotion du suivi des cirrhoses ; l’éducation thérapeutique y a probablement une place. Quant à la greffe, le nombre de greffons et de donneurs n’est pas suffisant et il nous faut donc développer des alternatives comme l’accès à la greffe intrafamiliale qui pose encore beaucoup de problèmes éthiques et d’organisation.
Pendant l’EASL 2013 Congrès européen d’hépatologie qui se tenait a Amsterdam), un nouvel appel a été lancé par plusieurs associations internationales d’usagers et des activistes dont SOS Hépatites. Il consistait à ajouter l’interféron à la liste des médicaments prioritaires établis par l’OMS. Nous avons obtenu gain de cause cet été. Cette reconnaissance est une pierre de plus pour jeter et assécher la marre d’ignorance et de silence dans laquelle sont les hépatites.
Que dire des salles de consommation à moindre risque (SCMR) qui ne doivent jamais devenir des salles de shoot ? Ce dispositif est un des outils de l’arsenal thérapeutique en addictologie et nos militants qui suivent cette action pèsent de tout leur poids pour que l’expérimentation puisse voire le jour. Les SCMR font également parti d’un dispositif hépatologique pour diffuser l’information et réduire les contaminations par des hépatites virales. En tant que malades, nous pourrions dire que le terme de SCMR pourrait signifier Sans hépatite C Mieux Ré-insérable, ce que nous savons tous. Mais pour des raisons politiques, le projet d’expérimentation prend du retard ce que nous regrettons.
Les tests rapides d‘orientation diagnostiques (TROD) sont également attendus dans la lutte contre les hépatites virales. A l’heure où l’on évoque la possibilité de faire évoluer les TRODS VIH vers un accès pour tous en autotest… Mais attention à cette démédicalisation et à ce dés- accompagnements. Souvenons-nous qu’un jour, nous les malades, avons souhaité que jamais un malade ne se retrouve seul face à l’annonce par courrier de sa séropositivité. Que faisons-nous aujourd’hui de ces autotests ? SOS Hépatites veut participer à ce débat. Il ya deux ans, à Lyon, madame la ministre de la santé était venue nous annoncer que les TRODs VHC étaient en cours d’évaluation, et qu’ils seraient à disposition en 2012. Elle nous demandait d’être patients, mais nous sommes déjà des patients laissez-nous être impatients ! Nous sommes fin 2013 et nous les attendons toujours ces tests pas si rapides mais peut être avions nous TORD (Tests Oubliés Retardant le Diagnostique). Fin 2013 nous continuons notre chemin et aujourd’hui nous ne vous demandons plus les TROD VHB ou VHC, pour nous ils sont acquis. Mais nous demandons le développement de multi tests permettant de répondre sur 2 ou trois infections en même temps (VIH/VHB/VHC) et là encore il faut entamer le débat sur la place que nous voulons leur donner. Mais où sont les politiques face aux représentants des usagers ? La santé publique dans sa partie hépatologique ne peut pas être sacrifiée sur l’autel de la crise.
L’arrivée de nouvelles molécules même si elle nous permet de toucher du doigt un plus grand nombre de guérison ne doit pas enfermer les hépatites virales dans des critères virologiques, d’âge du patient ou de degrés de fibrose.
Rappelons-nous les déterminants de santé tels que Dahlgren et Whitehead les ont présentés en 1991. Les hépatites virales doivent nécessairement décliner le mode de vie, les influences sociales, les conditions de vie et de travail et bien sûr, les conditions culturelles environnementales et socio-économiques. Nous sommes bien loin du foie mais c’est notre quotidien et accéder aux soins ou à la prévention nécessite d’avoir tout cela en conscience. Réfléchissez la vaccination à travers ce filtre et les choses s’éclaireront.
Nous avons eu gain de cause sur l’accès à la vaccination contre l’hépatite A pour tous les patients atteints d’hépatopathies. Et, cet hiver, pour la première fois, les patients en ALD pour une maladie du foie ont reçu une lettre d’invitation à la vaccination antigrippale. C’est une revendication que nous portions depuis plus de dix ans.
Si je suis encore à Madagascar c’est pour faire passer SOS HEPATITES des revendications à l’action. Dans cette région du monde plus de 10% de la population est contaminée par l’hépatite B et la vaccination est défectueuse et les transmissions mère/enfants fréquentes.Nous avons démontré que nous pouvions, en partenariat avec une association impliquée de longue date à Madagascar, comme Amsolid, réaliser des TRODs et des vaccinations pour des jeunes filles dans un collège d’un quartier défavorisé d’Antananarivo. Les fonds ont pu être trouvés, des militants formés, et une action couplée : formation /information/TROD/ vaccinations réalisée.
Retrouvez et suivez cette action sur notre site internet.
Aujourd’hui nous sommes passés des mots à l’action…
Chaque année, notre forum tente d’informer et d’alerter pour porter des revendications collectives de tous les malades mais aussi de tous les professionnels travaillant peu ou prou avec ces pathologies. C’est encore notre ambition cette année et c’est notre grand pari. Merci à tous les membres de SOS hépatites de Paris ile de France d’avoir permis que ce projet voit le jour et merci à tous les salariés de SOS Hépatites qui sont intervenus pour sa réalisation .
Bon travail, bons échanges et bons ateliers et nous n’oublions pas qu’en démocratie sanitaire « les médecins nous suivent » mais que c’est nous qui faisons la route de demain.
MERCI
Pascal Mélin
Président de sos Hépatites