L’arrivée de migrants de l’Afrique sub-saharienne nous amène à découvrir de nombreux patients porteurs d’hépatite B chronique. Pour cela, il faut prescrire des bilans complémentaires et voici ce qui m’est arrivé encore aujourd’hui.
Grâce à un interprète, je tente d’expliquer à un jeune migrant ce qu’est l’hépatite B, comment elle peut évoluer et comment elle se transmet, je l’informe qu’on va devoir faire un bilan complémentaire, et là il me répond : « Combien vous allez me prendre de sang ? Combien ? » J’avais déjà rencontré des gens qui avaient peur des aiguilles, des gens qui me reprochaient le nombre de tubes mais après le prélèvement – jamais avant ! -, j’essayais alors de me justifier : « On vous prendra le nombre de tubes de sang nécessaires à la compréhension de votre état de santé. Il suffira de 10 à 15 tubes. »
Et la réponse fuse : « Je veux bien, mais pas plus de huit. »
Comment peut-on négocier les tubes d’un bilan ? Cela fait déjà plusieurs fois que des patients d’origine sub-saharienne ont de tels comportements aux moments des bilans. Cela est très intrigant ! C’est un interprète qui m’a mis sur une piste pour comprendre : « Vous savez docteur, ne le prenez pas mal, c’est normal chez nous ! Face à un ennemi, il ne faut pas le tuer, pour lui être supérieur nous devons l’épargner, mais l’affaiblir et lui faire perdre du sang en le blessant ! »
Donc faire un bilan et prélever du sang est une forme de domination qu’il est culturellement difficile d’accepter.
Pour apprendre à soigner les hépatites B des migrants, nous allons devoir comprendre mieux leur culture, leur rapport aux soins, à la santé et au sang.
Car de notre compréhension viendra leur intégration.
Pascal Mélin