C’est le jugement que le tribunal de Colmar a rendu il y a quelques mois et qui malheureusement n’a pas été repris par les médias. Rappelons les faits : il y a des vaccins qui ne sont que recommandés alors que d’autres sont obligatoires et légaux. Un couple d’alsacien correctement informé et jouissant de ses droits parentaux s’est opposé à la vaccination obligatoire de ses enfants expliquant au juge qu’il estimait cette procédure dangereuse. En le condamnant le juge à rappeler que nul ne peut se soustraire à la loi, donc à cette obligation de vaccination. Ces parents sont des gens ordinaires qui n’appartiennent à aucune secte au mouvement idéaliste. Cette information est importante car les groupes anti-vaccination ont historiquement été des groupuscules religieux. Pourtant, plusieurs enquêtes ont montrées que les français se méfient de plus en plus des vaccins. On estime même que cette méfiance a été multipliée par 4 dans les dix dernières années.
C’est sur cette constation que le Pr Gerald Bronner, professeur de sociologie à la faculté Paris-Diderot a souhaité réfléchir. C’est dans un très bon article de la revue POUR LA SCIENCE numéro 447 de janvier 2015 qu’il nous propose sa réflexion.
Deux points sont particulièrement intéressants à reprendre :
Le premier est notre incapacité à évaluer les risques faibles. En effet, les équipes qui se sont intéressées aux courses de chevaux ont remarqué que si habituellement les parieurs évaluent correctement leur chance de gagner, cette estimation est toujours fausse aux deux extrémités, en cas de faible ou de très forte probabilité. Cette étude a été confirmée dans les années 1970 où l’on a pu évaluer que les faibles probabilités sont surévaluées de 10 à 15 fois ! Les vaccins sont les médicaments qui ont sauvés le plus de vie au titre de la collectivité mais les risques exceptionnels sont forcément surestimés et ce d’autant qu’ils sont surmédiatisés.
Le second regard critique est l’analyse de la volonté ou la comparaison et le ressenti cognitif entre action et inaction. Prenons un exemple à la roulette vous pouvez parier sur noir ou rouge. Vous pariez 100 euros sur rouge et c’est noir qui sort vous avez perdu 100 euros. Par contre, si vous aviez parié d’abord sur noir avant de parier finalement sur rouge vous auriez également perdu 100 euros. Pourtant dans la deuxième situation vous aurez plus de regrets, pourquoi ? Dans le premier cas vous ne regrettez que votre inaction alors que dans le deuxième vous regrettez l’action, ce qui est toujours plus difficile en science du comportement. Le Pr Bronner conclut : « Cette dissymétrie du jugement est un trait psychologique très rependu. D’une façon générale, nous ne voulons pas nous rendre coupable d’une action dont les conséquences seraient moralement condamnable, et nous sommes moins regardants lorsque ces conséquences découlent d’une inaction ». Il serait alors plus facile de ne pas faire que de faire.
Cette réflexion permet de comprendre la phrase des parents condamnés : « Nous ne voulons pas jouer à la roulette russe avec la santé de nos enfants ». Des raisonnements de ce type, de plus en plus fréquents, plaident pour que toutes les vaccinations soient rendues obligatoires et légales car laisser un vaccin recommandé expose à l’hésitation et re à des inactions et donc des non protections.
Alors de grâce messieurs les politiques vous non plus ne soyez pas dans l’inaction en recommandant les vaccins, légalisez les tous en les rendant obligatoires sous conditions éclairées.
Pour Noël, je vous propose, hépatants et autres, d’offrir une vaccination contre l’hépatite B : profitez des repas de famille pour convaincre une personne de se faire dépister et vacciner.
Merci d’avance et joyeuses fêtes.
Pascal Mélin