Voici encore une question que nous envoyons à nos experts qui nous donnerons leurs recommandations dans quelques jours.
Que devient la question de la consommation de l’alcool au vu des nouvelles molécules si efficaces ?
L’alcool peut être analysé à titre individuel ou collectif.
À titre collectif, c’est l’analyse épidémiologique qu’il faut regarder. Toutes les études épidémiologiques l’ont montré, la prévalence de l’hépatite C est 2 à 3 fois supérieure (au minimum) mais comment expliquer ce chiffre chez les personnes en difficulté avec l’alcool ? Avant les années 2000, l’explication se trouvait dans le fait que les malades alcooliques avaient statistiquement été plus opérés et donc plus transfusés et au final plus contaminés. Depuis les années 2000-2010, on a découvert les poly-addictions et les transferts addictifs d’une substance à une autre. Ainsi lors d’un dépistage systématique dans un centre d’alcoologie, si l’on interroge les personnes découvertes porteuses du VHC on découvre que 2/3 ont eu une contamination avec une expérience ou une utilisation régulière d’une « drogue » ayant alors un comportement à risque de contamination. Une consultation d’alcoologie en 2015 ne doit pas se contenter de savoir si le patient a encore tous ces points sur son permis de conduire mais doit aussi explorer les risques de contamination virale et toutes les autres expériences addictogènes.
À l’échelon individuel, l’alcool est le principal facteur d’aggravation de la fibrose hépatique. L’association alcool-hépatite virale est une véritable liaison dangereuse qui fait d’elle une co-infection à part entière. Les malades en difficulté avec l’alcool ont donc le plus souvent des lésions plus graves et progresse plus vite vers la cirrhose. Il y a donc un enjeu de santé publique à mieux les dépister et à les traiter. On se souvient des débats enflammés de la conférence de consensus de 2002 montrant l’inefficacité de l’association interféron/ribavirine chez les gros consommateurs d’alcool, mais alors quelle était la dose acceptable zéro, vingt ou cinquante grammes ? Faillait-il chez un alcoolodépendant exiger une période d’abstinence de six mois ou traiter les deux problèmes conjointement ? Il était alors apparu raisonnable de demander une modération voir une abstinence pour accéder au traitement.
Mais qu’en est-il en 2015 avec la puissance des nouvelles molécules ?
Peut-on traiter l’hépatite C des malades sans diminution de toute consommation d’alcool ?
Va-t-on guérir des malades de leur virus en les abandonnant au bout du compte à la fibrose alcoolique pour finalement développer des cirrhoses ? NON !
Plus que jamais il faut établir une cohérence entre addiction et hépatites virales tout autant qu’entre dépistage et traitement.
Messieurs les experts quel est votre avis ?
Pascal Mélin