La pardonnance est un concept judéo-chrétien : pardonnez nos offenses, etc.
Pourtant, ces dernières années c’est l’épidémie de VIH qui lui a donné une signification différente. Car il ne suffit pas qu’un médecin prescrive un traitement à un malade pour que ce dernier le prenne complètement et correctement.
Pour toute maladie chronique : diabète, hypertension, polyarthrite, SIDA et hépatites virales chroniques, il est difficile d’obtenir plus de 80% de prise correcte.
Depuis les années SIDA on a beaucoup travaillé sur la compliance, l’observance et des consultations spécifiques ou d’éducation thérapeutique ont été développées dans ce sens.
Le traitement des hépatites virales n’échappe pas à ce constat. C’est ce qu’a montré le professeur Philippe Sogni concernant les traitements de l’hépatite B chronique qui ne seraient pris scrupuleusement selon la prescription médicale à peine plus de deux fois sur trois.
La même constatation avait était faite il y a longtemps par le professeur Mac Hutchinson concernant l’hépatite C, qui à l’époque de l’interféron et de ribavirine avait formulé son célèbre 80% x 3.
Pour obtenir toutes ces chances de guérison un malade devait prendre au moins 80% de la dose d’interféron, 80% de la dose de ribavirine et ce pendant au moins 80% du temps théorique.
Cet objectif était très souvent difficile à atteindre à cause des problèmes de tolérance.
En 2016, où en sommes-nous ? Qu’avons-nous mis en place pour améliorer la prise des traitements de l’hépatite B ? Avons-nous développé des programmes d’éducation thérapeutique spécifiques à l’hépatite B ? Pour l’hépatite C, les nouveaux traitements antiviraux d’action directe sont certes mieux tolérés mais leur prise est-elle mieux respectée ?
C’est là qu’intervient la notion de pardonnance.
Il s’agit d’une notion qui évoque l’impact du mauvais usage du médicament, oubli de prise, réduction ou augmentation du temps entre deux prises, rapport avec la prise d’aliments, interaction avec d’autres molécules.
On dira d’un médicament qu’il est à haute pardonnance si un oubli de prise a peu d’incidence sur l’efficacité du traitement. Par contre, on parlera d’un médicament à faible pardonnance s’il doit être pris par exemple à heures très régulières, à distance des repas, avec un apport en graisse suffisant, sans jus de pamplemousse ou sans association avec certains autres traitements sous peine de voir diminuer son efficacité ou de voir apparaitre des résistances, donc c’est une notion réellement importante.
Il n’existe pas d’index de pardonnance chiffré et attribué pour chaque médicament, qui pourrait alors se vulgariser et qui permettrait aux médecins d’en tenir compte en cas de prescription. Pourquoi ? Probablement parce que ce concept de pardonnance vient des sciences molles et n’est pas une donnée scientifique clairement établie.
Mais que pouvons-nous faire pour améliorer la situation ? Il nous faut travailler aux deux extrêmes : lors de la conception d’un médicament et lors de sa prise…
Lors de la mise au point d’un traitement une molécule lentement éliminée et qui peut supporter un retard de 12 heures est intéressante mais elle a des risques de toxicité par accumulation. Il est parfois plus simple d’avoir une injection sous cutanée par semaine réalisée par une infirmière plutôt que de prendre soi-même un comprimé chaque jour à heure fixe.
Lors de la prise du traitement, un diagnostic éducatif du patient doit être réalisé et l’observance doit être évaluée avec des propositions d’action en cas de mésusage. Le patient a bien sur sa part de responsabilité et d’action. Il est donc difficile d’imaginer la création d’un index de pardonnance sur des critères scientifiques rigoureux.
Mais on pourrait imaginer un index lié à la fois à la molécule et à l’observance émanant d’une consultation d’éducation thérapeutique avec bien sûr des axes d’amélioration possible. Cet index reste à créer.
La dernière étape nécessiterait de voir figurer ces index dans toutes les consignes pharmacologiques (notices de médicaments) pour les traitements des maladies chroniques mais aussi dans les études scientifiques.
Les populations de patients sont décrites par leur sexe, leur âge, leur poids, leur critères socio-économiques ou bien encore des critères ethniques, pourquoi pas y voir figurer l’index d’observance ?
Travailler sur la pardonnance c’est prendre conscience de la vraie vie et en tenir compte dans la mise en place d’un traitement et donc dans le développement des consultations d’éducation thérapeutique.
Nous souhaitons mettre en avant cette notion car c’est une des façons de faire entendre la voix des malades.
Encore une revendication dont nous allons nous saisir.
Pascal Melin