L’allaitement maternel des bébés est un sujet vieux comme le monde, mais avant de nous intéresser au problème de la transmission des hépatites virales, il faut revoir les données générales sur l’allaitement qui viennent d’être rappelées dans une étude publiée il y a quelque temps par le Lancet.
Dans les pays pauvres, l’allaitement maternel est souvent la seule possibilité de nourrir son bébé, mais dans les pays en voie de développement, les fabricants de lait artificiel font du lobbying pour plutôt favoriser cette alternative.
Aujourd’hui, les laits artificiels permettent de garantir les conditions nutritionnelles. Mais on oublie que le lait maternel contient des anticorps de type A qui sont protecteurs pour les enfants.
Ainsi, on peut avancer qu’un allaitement maternel correct permettrait de sauver 800 000 nourrissons par an. On pourrait ainsi réduire de 50 % les épisodes de gastro-entérite et de 30 % des infections pulmonaires des enfants de moins de 5 ans.
En France, ce sont deux femmes sur trois qui allaitent, mais elles ne seraient plus que 5 % à 1 an (contre 0,5 % en Grande-Bretagne, 23 % en Espagne et Allemagne, 27 % aux USA, 34 % en Finlande et 60 % au Japon).
Une idée fausse est de croire que l’allaitement maternel n’a d’intérêt que dans les pays pauvres, dans les pays riches, il semble bien qu’il participe au maintien de la santé du bébé à condition d’être réalisé suffisamment longtemps. La France a donc un taux d’allaitement à la naissance tout à fait correct, mais insuffisant dans le temps selon les recommandations de l’OMS.
Intéressons-nous maintenant au lien entre hépatites virales et allaitement.
Pour le VHC, il a longtemps été dit que l’allaitement était contre-indiqué. C’est faux ! Il doit être encouragé, on imaginait que les risques de crevasses des seins et de saignement pouvaient être un facteur de contamination, il n’en est rien, toutes les études l’ont confirmé.
La question pour le VHC ne se pose plus : AUCUN problème.
Pour le VHB, le sujet est plus compliqué, car en effet, le lait contient du virus de l’hépatite B et l’allaitement est donc une source de transmission. Mais soyons pragmatiques, quand une femme est porteuse de l’hépatite B la contamination se fait au moment de l’accouchement essentiellement beaucoup plus que pendant l’allaitement.
On peut donc considérer deux cas de figure :
- Dans un pays pauvre, les femmes sont rarement testées et ne se savent pas porteuses et quand bien même, il vaut mieux allaiter que de reconstituer du lait artificiel avec de l’eau qui n’est pas toujours propre à la consommation pour les bébés.
- Dans les pays riches (comme en France), les femmes sont testées contre le VHB pendant leur grossesse, et si elles sont porteuses, le bébé bénéficie d’une séro-vaccination à la naissance, ce qui le protège instantanément.
Il n’y a donc plus de contre-indication à l’allaitement maternel !
Élargissons le débat.
Connaissez-vous les lactariums ? Quand une femme a trop de lait, on lui propose d’en donner pour d’autres (sur la base de l’anonymat, comme pour le sang). On lui remet de quoi tirer son lait de façon stérile, elle réalise des sérologies VIH et VHB, et on lui demande de prélever son lait dans des poches qu’elle mettra au congélateur avant qu’une personne habilitée du lactarium vienne les ramasser environ tous les 15 jours. Ce lait sera utilisé sur prescription d’un pédiatre pour les prématurés (quand la maman n’a pas de montée de lait ou pour les femmes contre indiquées à l’allaitement). En France, on manque cruellement de donneuses !
L’hépatite B et C ne sont définitivement pas des contre-indications à l’allaitement.
Pascal Mélin