L’HISTOIRE FOLLE D’UNE HÉPATITE B AIGÜE…

Cette histoire s’est passée pas plus tard que ce matin à mes consultations.

Hélène, 55 ans, employée de bureau. Il y a 10 jours elle présente un tableau grippal banal avec fièvre et courbatures, mais très vite ses yeux deviennent jaunes.

Inquiète, elle va donc voir son médecin traitant, il demande des prises de sang, celles-ci indiquent une atteinte hépatique grave, et le diagnostic d’hépatite B aigüe est posé.

C’est dans ce contexte que je fis connaissance d’Hélène, jaune de la tête au pied et des transaminases à plus de 3000. Bien sûr, on a rapidement abordé la question des modes de contagion et de l’origine de sa contamination.

Et là, Hélène me raconte que c’est le compagnon qui partageait sa vie depuis 13 ans qui l’a contaminé.

Hélène avait eu 2 enfants avec son premier mari dont elle s’était séparée et avait reconstruit sa vie avec ce nouveau compagnon qui lui aussi avait un enfant d’une première union. Compagnon que nous appellerons Max, connu de ma propre consultation depuis plusieurs années.

Max était porteur chronique d’une hépatite B inactive découverte il y a 4 ans, ne nécessitant pas de traitement, simplement une surveillance, par contre, nous lui avions alors demandé à lui et à son médecin traitant de dépister et de vacciner tout son entourage. Quelques mois plus tard, Max nous rassurait en nous expliquant que tout avait été fait.

Mais aujourd’hui, Hélène était la preuve que les vaccinations de l’entourage n’avaient pas été faites, elle ignorait même jusque-là que Max était porteur d’une hépatite B.

Ce dernier n’avais jamais osé lui avouer sa maladie de peur d’être rejeté et du coup ne lui avait pas non plus parlé de vaccination.

L’hépatite B aigüe d’Hélène va mettre son couple en difficulté car la confiance est désormais brisée. Hélène a 95% de chance de guérir spontanément, mais c’est une déception et également l’incompréhension pour elle ! Comment le dire à sa famille, à ses petits enfants, comment les protéger ?

Max avait eu peur de dire les choses et sans doute de la réaction d’Hélène. Cette histoire se termine avec une nouvelle contamination mais elle apporte surtout un éclairage de réflexion.

Premièrement : Hélène et Max n’avaient pas le même médecin traitant, puisqu’on ne parle plus de médecin de famille mais de médecin traitant ou référent.

Deuxièmement : cette histoire relance pour moi le débat sur l’obligation de notification aux partenaires déjà évoqué pour le VIH et mise en place dans certains pays, mais qu’en est-il des obligations de notification pour les personnes souffrant d’hépatites virales ?

Troisièmement : l’élargissement de la vaccination contre l’hépatite B à l’ensemble de la population et son caractère obligatoire et systématique permettrait de faire disparaitre les questions un et deux.

Le troisième point est d’ailleurs le plus important, éliminant les risques sur les relations occasionnelles, ponctuelles et imprévues.

Une hépatite B aigüe est inadmissible en 2016. Et toute hépatite B aigüe est toujours le reflet d’un échec des stratégies de dépistage et de prévention.

Pascal Mélin

ON AVAIT DIT ACCUEIL TEMPORAIRE…

Mathilde 43 ans, porteuse d’une hépatite C, élève seule ses quatre enfants, et ce n’est pas facile tous les jours.

Voici l’histoire de Mathilde : à cette époque, les seuls traitements disponibles étaient constitués d’interféron et de ribavirine, avec les nombreux et difficiles effets secondaires tristement célèbres, dont des troubles de l’humeur et des syndromes dépressifs une fois sur trois.

Mathilde était porteuse d’une hépatite C sévère pré-cirrhotique et pendant 1 an nous avions tenté de l’amener à se soigner.

Mais elle ne se sentait pas la force de s’occuper de ses enfants et de se lancer dans 48 semaines d’un traitement aussi lourd.

Après avoir rencontré l’assistante sociale de l’équipe elle a été mise en rapport avec la circonscription d’action sociale.

C’est là qu’on lui a proposé un placement temporaire de ses quatre enfants en famille d’accueil, pour lui laisser le temps de faire son traitement, mais en lui maintenant tout de même un droit de visite.

N’ayant pas de famille proche pour accueillir les enfants, Mathilde finit par accepter et débuta son traitement.

Malgré un traitement qui fut difficile, la guérison était au bout du chemin. Nous partagions sa satisfaction. Il ne lui restait plus qu’à récupérer ses enfants et à reconstruire enfin une nouvelle vie.

Oui, mais voilà, pour que la circonscription d’Action Sociale lui rende ses enfants, cette dernière devait s’assurer d’une situation bienveillante et pérenne et de l’absence de risque pour les enfants. C’est alors que travailleurs sociaux, éducateurs et psychologues se sont succédés et que leur conclusion fut celle-ci : « Les conditions ne sont pas réunis pour l’instant pour confier à nouveau les enfants à leur mère !»

Mathilde sombra alors dans une dépression construite sur sa culpabilité ce qui fit confirmer à la seconde évaluation que l’on avait bien fait de ne pas lui rendre ses enfants.

Pendant ce temps son fils ainé était devenu majeur et avait donc quitté la famille d’accueil pour se livrer à de petits larcins et se retrouver rapidement en prison. Au bout de deux ans de procédure et d’expertise Mathilde finit par récupérer ses trois enfants, mais à quel prix ! Elle était guérie certes, mais les dégâts collatéraux sur sa famille avaient laissé des traces indélébiles. L’accueil temporaire n’était pas si anodin…

Même aujourd’hui, si la guérison est davantage accessible, il faut se souvenir que l’hépatite virale ne touche pas seulement la personne qui la porte, mais c’est toute une famille qui en souffre.

Pascal Mélin