OUI A UNE ÉCONOMIE DE LA SANTÉ… MAIS NON À DES ÉCONOMIES SUR LA SANTÉ

La phrase est devenue célèbre : « La santé n’a pas de prix, mais elle a un coût » !

Et l’arrivée de nouveaux traitements à 666 euros le comprimé nous oblige à nous souvenir qu’un milliard d’individus vivent avec moins d’un euro par jour. L’hépatite C, est une épidémie mondiale, mais on ne peut accepter que les traitements ne deviennent accessibles que dans les pays riches.

Mais l’arrivée de ce nouveau traitement est la fin de tractations qui ont abouti à l’obtention d’un prix. Des débats et des négociations ont eu lieu entre de hauts responsables de la santé et l’industriel pharmaceutique.

Il y a quelques mois, le rapport Dhumeaux a présenté ses recommandations en matière de prise en charge des hépatites virales. Une des conclusions était d’utiliser les nouveaux traitements uniquement pour les patients porteurs des formes les plus sévères : pré-cirrhotiques ou cirrhotiques, avant ou après une greffe. Mais nous voici maintenant devant une absurdité. Nous avons le moyen de traiter et de guérir tous les malades porteurs du virus de l’hépatite C et pas uniquement les formes les plus graves, car dans cette hypothèse la mortalité ne reculerait pas de la façon la plus spectaculaire. En effet on sait maintenant que les patients débarrassés de leur virus au stade de cirrhose ne sont pas indemnes des risques d’apparition de cancer.

Alors, il est compréhensible lors de la découverte d’un nouveau traitement permettant d’obtenir une guérison, de commencer par traiter les patients les plus graves en attendant dans un deuxième temps d’étendre les traitements à tous les malades. Mais aujourd’hui, cette stratégie n’est pas retenue. Il devient donc absurde de dire à des patients qu’on ne les traite pas, car leur maladie n’est pas assez grave. Absurde également de mettre la limite entre traitement et pas de traitement au stade 2 de la fibrose (qui va de 0 à 4). Or, tous les hépatologues le savent bien, il est facile de poser un diagnostic de fibrose de stade 0 ou 1, tout comme il est relativement facile de trouver les stades 3 ou 4, le diagnostic le plus dur à poser étant celui de fibrose égale à F2. Il est donc absurde de prendre le seuil F2 comme limite. Absurde d’attendre, alors que l’on peut guérir.

On n’imagine pas que le coût des médicaments puisse être la principale cause des conclusions proposant de ne traiter que les formes les plus sévères. Une stratégie de santé pour faire des économies de santé.

Absurde également de ne pas établir de stratégie cohérente avec un engagement formel de baisse du coût des nouveaux traitements de la part du fabriquant.

Cette politique de santé semble avoir oublié que l’hépatite C, est la première maladie chronique guérissable. La stratégie consistant à attendre que les patients s’aggravent pour les traiter, correspond à des situations telles que l’hypertension artérielle ou le diabète qui sont des maladies stabilisables mais non guérissables. Mais ce n’est pas une stratégie cohérente face à une maladie chronique guérissable et de surcroît transmissible et sans vaccin disponible.

L’arbitrage des recommandations n’aurait pas été que médical mais aurait pu être dicté par des raisons financières ?

Mais si l’on traite une hépatite C, ce n’est pas traiter uniquement un foie. Comment imaginer s’entendre dire : “ Continuez de vivre avec votre virus, nous avons les moyens de vous guérir mais vous n’êtes pas encore assez malade !” Absurde, non?

Vous souvenez vous de 2002, l’arrivée des bithérapies interféron et ribavirine ont abouti à quelques mois d’intervalles, à une conférence de consensus aux USA et en France. Aux Etats-Unis, seul des experts se réunissaient et en France des malades et les représentants des usagers participaient à la rédaction des conclusions. Les conclusions étaient significativement différentes, en France tout patient pouvait demander à être traité, il était en droit de refuser le passage, jusque-là obligatoire, par la biopsie. Toute femme en âge de procréer pouvait demander à être traitée pour éviter de contaminer son enfant lors d’une grossesse.

Alors oui nous devons reprendre le combat, parce qu’il n’est jamais facile de vivre infecté par un virus, nous ne pouvons pas nous excuser d’être malade et de ne pas avoir accès aux nouveaux traitements. Osons reprendre les conclusions de 2002 et regardons les à la lumière de nos possibilités en 2014  afin de faire évoluer les prix des médicaments et l’accès aux soins.

La devise de SOS HEPATITES en 2014 reste : “ Un traitement pour tous, une guérison pour chacun. ”

Pascal Mélin