Tchao, l’ami… D’ailleurs, je ne sais même pas si j’étais ton ami…
Un compagnon de route, de galère, de maladie, j’étais ton médecin mais c’était plus que ça pour moi. Je l’ai compris quand j’ai eu du mal à rentrer dans ta chambre, cela devenait difficile de supporter ton corps qui souffrait.
Mais je veux me souvenir de ce que tu m’as appris, que la maladie ne gagne pas tant qu’on se bat et qu’on diffuse le combat auprès des autres.
On peut être malade et prendre soin des autres par procuration ou les protéger, c’est cà aussi le militantisme, il me semble…
Quand tu es décédé, je me suis retrouvé avec ce foutu certificat de décès : mise en bière immédiate ! Instantanément, ça m’a enervé, la colère est revenue. Cela fait dix ans que l’on sait que c’est une connerie et on n’arrive pas à faire plier la loi malgré tout. On pensait avoir gagné cette année, on avait convaincu la ministre et elle l’avait mis dans la loi de santé, mais voilà, contre toute attente, les députés s’y sont opposés ! Toujours pas de soins de conservation par les thanatopracteurs.
Alors j’ai coché le certificat en disant qu’il n’y avait pas de souci et que ta famille pourrait encore partager du temps avec toi.
Mais l’agent mortuaire de l’hôpital est venu me dire que je ne respectais pas la réglementation en vigueur, et que ce n’était pas ce qu’on lui avait appris. J’ai dû lui expliquer que ce texte n’avait pas été abrogé faute de courage politique mais qu’il ne reposait sur rien de scientifique. Seulement des craintes nauséabondes qui ne reconnaissaient pas l’autre, le différent, l’étranger… L’exclusion au delà de la mort…
Et puis j’ai eu gain de cause, tu as pu recevoir ces ultimes soins, car cela reste des soins et il ne doit pas y avoir d’exclusion ! Cette bataille, notre dernière bataille je te l’offre, je suis content de l’avoir menée pour toi et avec toi. Ta famille et tes amis, tout comme moi continuerons de diffuser ton engagement et de lutter contre l’obscurantisme qui revient à grand pas sous couvert de vérités scientifiques qui n’en sont pas. Merci de ce que tu m’as encore appris. Je te promets que nous gagnerons la bataille des soins funéraires et que nous ferons abroger ce texte absurde qui demande la mise en bière immédiate.
Tchao l’ami !
Pascal Mélin