POUR UNE SOLIDARITÉ COMMUNAUTAIRE NÉCESSAIRE…

Nos revendications à SOS Hépatites viennent des témoignages que nous recevons. Voici le dernier que nous avons reçu et en préalable à mon blog du jour…

On n’est pas sérieux quand on a 17 ans.
Juste pour vous raconter une histoire vraie, mon histoire, celle de mes potes.
Une bande de copains dans les années 80, une petite ville de province, on sort ensemble dans les bals de village ou les boites de nuit comme on disait à l’époque, à s’éclater sur Deep Purple, Status Quo et Téléphone, on se retrouve tous les week-ends sans exception.
Y’avait Alex, Domi, Pierrot, Ju, Zoune, Glop, le noyau dur et puis les électrons libres qui se greffaient à notre bande ponctuellement, Fredo, Christian, Dudu, Johnny, et quelques autres…
Beaucoup d’alcool, du rock and roll, pas mal de shit, un peu d’héro et de coke…
Et puis, petit à petit, on se sépare, chacun trace sa route, certains vont faire des études, d’autres reprennent la boite de Papa, d’autres bossent à droite à gauche, et on ne s’est jamais dit : rendez-vous dans 10 ans comme dans la chanson.
Les années passent, chacun a fait sa vie, mariés ou pas, enfants ou pas, divorcés ou pas, banalités classiques de Français moyens intégrés plus ou moins bien dans la société mais on a tous gardé de la famille dans la région, se croisant vite fait de temps à autre.
Donc aujourd’hui la petite bande de fêtards à atteint l’âge canonique de 50 ans, et en rencontrant par hasard Zoune (la sœur de Glop), j’apprends que Glop est en train de mourir d’un cancer du foie qui a gagné tout le reste de l’organisme malgré une ablation partielle de la partie où se logeait la tumeur.
Et en creusant un peu, Glop avait une hépatite C : découverte il y a pas mal de temps, traitée avec ifn+riba, échec et aucun suivi depuis…
Du coup, je lui dis que moi aussi j’avais une hépatite C, que j’ai fait pas mal de ttt et que ce sont les nouvelles molécules qui ont fini par éliminer le virus mais que je conserve une belle fibrose en guise de cicatrice.
Et elle m’avoue qu’elle aussi a eu une hep C, guérie il y a longtemps avec le ttt traditionnel, inf+riba aussi, géno 3, ça marchait pas mal avec celui là.
My god !! on s’est tous plombés mutuellement ? Il faut dire qu’en province, aller acheter une « shooteuse » à la pharmaco du village n’était pas facile, le pharmacien n ‘était pas très ouvert, du coup la seringue servait à tout le monde, vaguement désinfectée à l’alcool quand on en avait, sinon c’était au Jack Daniels…
Et les autres je lui demande ?
Domi n’a jamais voulu consulter, aujourd’hui il y est allé (sans doute en voyant Glop aussi mal), il a aussi une hep C, guérie très vite avec les AAD, mais au stade de cirrhose.
Alex aussi, guéri il y a longtemps avec le traditionnel traitement, mais plus aucun suivi.
Pierrot, alcoolique et sans doute aussi hépatant, vu qu’il s’est shooté plus que tout le monde réuni, mains gonflées, pas la grande forme il semblerait…
Dudu, hépatite auto-immune, pas de nouvelles, on sait pas trop.
Et les autres, on ne sait pas, mais il serait étonnant qu’ils ne soient pas aussi contaminés… suivis c’est une autre histoire !
Des histoires comme celle-ci, il doit y en avoir des dizaines je pense…
Que faut-il en penser ? Inciter le premier qui découvre son statut à prévenir les autres ?
Pas évident de faire irruption dans la vie de ses copains de jeunesse, d’autant qu’ils ont sans doute dissimulés des trucs à leur entourage actuel…
Le médecin traitant devrait être plus incisif peut être ? Insistant du moins.
Glop a un fils de 13 ans, Cézanne, qui vient de perdre sa mère en novembre d’un cancer du sein particulièrement agressif, dans quelques semaines Cézanne sera totalement orphelin.
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans…

POUR UNE SOLIDARITE COMMUNAUTAIRE NECESSAIRE…

Hépatite C : aujourd’hui, avec des traitements courts, bien supportés et très efficaces on peut guérir 95% des patients traités. Et demain, nous auront des traitements standards efficaces sur tous les types de virus.

Alors, le temps est venu de se tourner davantage vers le dépistage pour trouver les personnes qui s’ignorent contaminées et les amener vers les soins. Les efforts financiers doivent se faire sur le dépistage, le développement de technique innovante comme les TROD (test rapide d’orientation diagnostique) et bien sûr la communication.

Avec 0,5% de la population souffrant de l’hépatite C en France, en dépistant de façon non ciblée, il faut faire 200 dépistages pour trouver 1 patient porteur chronique de l’hépatite C.

Chez les usagers de drogues, les contaminations sont souvent multiples. Souvent par pudeur l’entretien avec le médecin ne va guère plus loin que le mode de contamination et l’année approximative…

Aujourd’hui, pouvoir dépister tout le monde ne sera possible qu’en valorisant une nécessaire solidarité communautaire.

En effet, il faut oser se souvenir de ses comportements à risques pour retrouver les personnes avec qui il y a eu échange de matériel. C’est à dire valoriser et encourager un dépistage a haute sensibilité.

Prendre en charge un ex usager de drogues et remonter le temps pour retrouver les partenaires de toxicomanie c’est pouvoir aller au devant de personnes qui sont à haut risque d’être porteur d’une hépatite C. Ainsi prendre le temps de se souvenir de 4 à 5 compagnons d’infortune ou de visite au tarif de groupe des paradis artificiels, c’est assurément trouver 5 personnes contaminées. C’est faire aussi bien que 1000 tests de dépistages à l’aveugle.

Mais plonger dans ce passé n’est pas simple, les gens ont déménagé, se sont mariés, on découvrira même que certains sont décédés.

Mais lutter contre cette épidémie c’est aussi promouvoir une nécessaire solidarité communautaire .

Pascal Mélin