Docteur, j’ai peur de guérir de mon hépatite C…
Voilà la prière pour le moins surprenante que l’infirmière d’éducation thérapeutique et moi avons entendue ce matin lors de la mise en route d’un nouveau traitement.
Patrick a 51 ans, contaminé de longue date par des produits transfusionnels puisqu’il est atteint depuis sa naissance d’une forme d’hémophilie particulière. Il a déjà été traité il y a quelques années par une association interféron ribavirine. Ce premier traitement a été particulièrement mal supporté et responsable d’une rechute et d’un effondrement psycho-social. À l’époque, le patient m’avait déclaré : « C’est drôle et je vais peut-être vous choquer, mais j’en arrive presque à être rassuré de voir revenir le virus, il y a tellement de temps que nous vivons ensemble et que nous nous supportons l’un l’autre ».
À l’époque, j’avais trouvé cette remarque choquante et l’avais mise sur le compte de la déception et de l’échec thérapeutique, le patient avait alors refusé de rencontrer la psychologue de l’équipe. Plusieurs années ce sont passées et nous avons régulièrement suivi sont hépatite C.
Le temps est passé et Patrick continuait de vivre avec son hépatite C, il venait chaque année faire ses contrôles qui confirmaient toujours son état pré-cirrhotique. Il y a quelques mois je lui ai donc parlé des nouvelles séquences thérapeutiques qui nous permettaient d’envisager un nouveau traitement et donc une guérison. Nous refaisions un nouveau bilan et ce matin nous nous retrouvions en salle d’éducation thérapeutique avec l’infirmière pour débuter ce nouveau traitement. C’est à ce moment que Patrick très tendu m’a déclaré : « Docteur j’ai peur de guérir, que serai-je demain si vous me guérissez, il y a si longtemps que je vis avec mon virus, que vais-je devenir sans lui ? Des fois j’ai la sensation que nous nous protégeons mutuellement. Et grâce à lui je suis reconnu dans mon handicap, comment sera la vie après ? »
On ne rappellera jamais assez que si les malades ont fait un travail d’acceptation pour vivre de façon chronique avec un virus, l’arrivée de nouveaux traitements fait émerger l’idée d’une guérison qui peut alors faire peur. Mais n’est-ce pas là le rôle des programmes d’éducation thérapeutique dont nous avons plus que jamais besoin ?
Pascal Mélin
Patrick a pris son traitement pendant trois mois avec succès et disparition de son virus. Bien sûr nous l’avons orienté vers le psychologue de l’équipe pour l’aider à se reconstruire dans cette guérison virologique. Les choses allaient pour le mieux et Patrick prenait doucement la mesure de sa nouvelle vie. Le cap des trois mois était passé et nous lui avions annoncé sa guérison virologique.
Malheureusement, c’est quelques temps plus tard que tout s’est effondré quand Patrick a fait une hémorragie cérébrale qui devait être gravissime en raison de ses problèmes de coagulation. Et au bout de quelques jours nous apprenions le décès de Patrick malgré tous les efforts de l’équipe de réanimation où il avait été admis.
Depuis, je me souviens souvent de la déclaration de Patrick : « Docteur, j’ai peur de guérir de mon hépatite C ». Patrick voulait- il nous dire quelque chose ? Comment ne pas faire de psychologie de bas étage ? Quel enseignement devons-nous tirer ? Comment allons-nous modifier notre façon de faire ?
La guérison doit se préparer et s’accompagner et nous ne devons pas violer le malade même pour le guérir. Patrick serait peut-être décédé de toute façon mais cette phrase raisonnera longtemps pour moi : « DOCTEUR, J’AI PEUR DE GUERIR DE MON HEPATITE C. »
Pascal Mélin
Elle raisonne aussi en moi! …
Je trouve qu’on ne fait déjà pas assez pour aider ceux qui n’acceptent pas le virus. Pas étonnant que ce genre de dérapage arrive ensuite.
docteur moi je veux gui rire de cette maladie hepatite c
.depuis 6mois d’antan le traitement j’ai peur