Samedi 10 janvier 2015, la semaine n’en finit pas. Pour aller travailler, je traîne des pieds comme d’autres traînent du crayon. Quoi dire, quoi faire, chaque patient de la consultation d’addictologie me parle de Charlie. Il n’y a pas de religion : malades alcooliques, chrétiens, toxicomanes, musulmans, fumeurs et juifs – tous en parlent ! Même les athées et l’éducateur du centre. Un usager en grande précarité me demande pourquoi j’ai un ruban noir sur ma chemise ? Je lui explique le plus simplement du monde que c’est ma façon à moi de revendiquer mon soutien à Charlie. Il me demande où l’on peut en acheter ? Je lui explique que nous les avons confectionnés avec du ruban et des petites épingles à nourrice avec les infirmières de la consultation avant la minute de silence faite à l’hôpital. Il quitte la consultation pour se rendre dans une mercerie pas très loin du centre. À son retour, il est fier d’arborer un ruban noir et se met à en faire d’autres et à les distribuer. Je lui demande alors ce que ça signifie pour lui ? Il me répond alors : « Moi je suis d’accord avec personne, je suis toxico donc je ne suis pas un bon musulman mais j’essaye de pratiquer. Charlie Hebdo a peut-être exagéré mais on ne devait pas les tuer pour ça. Moi je veux mettre le ruban car j’ai la chance d’être toxicomane en France et d’avoir mon traitement de méthadone. C’est un peu ça que ça veut dire non ? » Je le regardais avec le sourire en lui disant oui : « Bien sûr tu as tout compris. »
Le soir pour me changer les idées je décidais d’aller au cinéma, mais pour voir quoi ? Le film : « LES HERITIERS ».
Dès les premières images, je me retrouvais dans la violence de la réalité. Une jeune bachelière voilée revient dans son lycée retirer son diplôme du baccalauréat et refuse de se dévoiler en expliquant qu’elle est maintenant adulte et libre. Le décor est planté. Puis, on apprend que le film est écrit à partir d’une histoire vraie. Dans la banlieue de Paris, le lycée Léon Blum accueille des lycéens d’origines multiples et de confessions différentes. Apparait alors une prof d’histoire géo qui tente de leur apprendre l’histoire et la citoyenneté avec beaucoup de difficulté car c’est la pire classe du lycée. Puis elle propose aux élèves de participer au concours national sur la résistance et la déportation. Les élèves acceptent progressivement et apprennent à travailler ensemble en découvrant l’horreur de la guerre. Ils vont alors découvrir des valeurs de tolérance, de vivre ensemble et vont finir par gagner ce concours national.
Ce film m’a rappelé que pour bon nombre d’enfants, l’école républicaine est une chance à condition de rencontrer des enseignants non démissionnaires.
Oui, je crois à l’intégration par l’école, oui je crois au vivre ensemble, oui il faut avoir envie de rencontrer la différence et l’étranger pour progresser et évoluer.
Aller voir ce film, pour regarder le moment présent différemment.
Pascal Mélin
Vu le film, et beaucou aimé aussi…
Il a été tourné dans la ville ou j’habitais. Ca me parle, clairement.
La force de l’école est d’ingérer des exceptions… Des adultes, des profs « ingérables », pour gérer des missions compliquées.
Bravo à ceux qui en font leur vie et qui tiennent la route.
Je partage ton éloge.
Bises,
MBC
Je suis désolée, ça me démange : « Allez voir ce film ».
Terminaison en « ez » car t’écris à l’impératif présent, non à l’infinitif.