Cette histoire s’est déroulée il y a de nombreuses années, on venait alors de valider l’intérêt de la ribavirine en association avec l’interféron dans la lutte contre l’hépatite C. À cette époque devant l’amélioration des résultats, comme aujourd’hui, nous cherchions à recontacter tous les patients avec des hépatites C sévères en échec d’un traitement avec de l’interféron simple.
Celle que je surnommais, avec beaucoup de tendresse, « la fatma du désert », se représentait donc pour évaluer sa propre situation puisqu’elle était en échec de son traitement par interféron et porteuse d’une cirrhose liée à un virus de génotype 1.
L’infirmière d’éducation thérapeutique lui expliquait les nouveaux effets secondaires attendus de la ribavirine et l’importance d’une double contraception avant l’instauration du traitement. Il est à noter au passage qu’à cette époque il était difficile de proposer une contraception systématique à une femme qui n’avait plus d’utérus et qui de plus, avait été contaminée par transfusion lors du geste chirurgical gynécologique.
Le traitement interféron ribavirine avait débuté mais la fatma du désert présentait un état dépressif et nous informait de son souhait de se convertir de l’islam au christianisme.
Nous étions à trois mois de traitement et le virus était enfin indétectable témoignant de l’efficacité du traitement. La patiente était alors rassurée et nous expliquait vouloir arrêter son traitement et se rendre en pèlerinage à Lourdes. Dans le cadre des programmes d’éducation thérapeutique nous avons alors tenté de lui expliquer l’importance de poursuivre son traitement pendant 1 an, faute de quoi on risquait de voir réapparaitre son virus. Mais rien n’y faisait et elle maintenait son désir de pèlerinage. Nous l’avons donc perdu de vue pendant plus de six mois mais à son retour, elle se représenta à la consultation en nous expliquant qu’elle n’avait que 14 semaines de traitement (à peine plus de 3 mois) mais qu’elle était sûre que le virus avait disparu. Je l’écoutais alors avec toujours autant de tendresse en lui expliquant que nous allions refaire les bilans sanguins pour voir ou nous en étions.
La semaine suivante j’étais médusé la PCR était négative, le virus était indétectable ! Je lui annonçais alors la bonne nouvelle en lui rappelant l’importance du suivi régulier de la cirrhose qui maintenant pouvait être qualifiée de froide.
Mais à travers la cité elle a alors crié sa joie en expliquant à qui voulait l’entendre que sa guérison n’était pas le fait ni de l’interféron ni de la ribavirine, mais de la volonté divine et de sa conversion…
Décidément Dieu est hépatant quand il est répondeur.
Pascal Mélin