L’orthographe et la ponctuation de l’auteur ont été respectées
« Est-ce mon Hépatite ou est-ce dans ma Tête ? »
1992 : je souhaite donner mon sang et devant tout le public qui attend on m’annonce : on ne peut pas prendre votre sang, vous avez une hépatite. On ne vous a pas prévenue ? Ben non. Oh ce n’est pas grave, vous êtes sans doute guérie. Quelle chance !
1996 : fatigue, migraines, un RV chez un gastro-entérologue. Hépatique chronique active, génotype 1b, mais seulement A1 F1. Quelle chance !
Chance ai-je dit ?
1ère biopsie : Madame vous buvez ? vous vous droguez ? vous avez des partenaires multiples ? NON, NON, NON mais pourquoi toutes ces questions……….
Et c’est quoi cette hépatite C, et comment l’ai-je eu ?…………………….
Pas de réponses mais 24 ans après, traumatisée par le regard que l’on a porté sur moi, je ne partage toujours pas mes serviettes de toilette, je lave encore mon linge à part, je ne partage ni vaisselle ni bouteille d’eau (tant pis pour vous si vous avez soif), je me promène avec un grand sac à main contenant une annexe d’infirmerie : désinfectant, pansements…..
2003-2005 : waouh ! traitement interféron + ribavirine
Après 18 mois de traitement, une dépression suicidaire, une dénutrition et j’en passe : plus de virus ! Quelle chance !
Chance ai-je dit ?
– Est-ce que j’aurais zappé quelque chose ? je ne savais pas qu’il fallait attendre 6 mois après le traitement pour être sûr du résultat : mes « locataires » ont décidé de s’installer définitivement chez moi et sont devenus des « amis » très fidèles.
Mais mon foie est toujours bien. Quelle chance !
Chance ai-je dit ?
Plus de convivialité :
– non merci, pas de vin pour moi, l’alcool ne me supporte pas
– non merci, plus de dessert, je suis au régime
– non, non, je n’ai rien à dire, je vous écoute (si on apprenait ma maladie que se passerait-il pour mes proches, pour mon travail ? alors je ne participe plus aux discussions de peur de me trahir)
– désolée, il faut que je vous quitte. Je dois me lever tôt demain matin (en fait je m’écroule juste de fatigue et je ne supporte plus ni bruit, ni musique, ni…)
Bocéprévir, Télaprévir : une 2e chance pour vous.
Chance ai-je dit ?
– Non, merci, Docteur, je ne supporterai pas un 2e échec, je ne me suis pas encore remise du 1er. Et puis je ne me sens pas bien.
Accès à internet, adhésion à SOS Hépatites Alsace, participation au Forum de Strasbourg : Quelle chance.
OUI, là j’ai bien dit : quelle chance !
Tiens, je ne suis pas la seule malade. Et puis finalement, comparée à d’autres, je ne suis plus si malade que ça.
Et puis vient la retraite, mon engagement bénévole : quelle chance !
OUI, quelle chance : tout va bien, je vais avoir beaucoup de repos, du temps pour m’occuper de moi, des moments de partage, des projets
Très grosse fatigue qui me fait régulièrement perdre l’équilibre, tordre la cheville… ; problèmes digestifs qui nécessitent un traitement continu ; crampes abdominales, ballonnements, infection des reins, acouphènes, douleurs musculaires et articulaires, sensations bizarres dans la tête, démangeaisons à m’arracher la peau, conjonctivites à répétition à force de sécheresse des yeux, augmentation de la tension artérielle ; des jours où je pourrais soulever des montagnes et des jours où je ne supporte rien ni personne…
Finalement, peut-être suis-je tout de même vraiment malade. Quelle chance : les nouveaux traitements vont me guérir !
Quelle chance ai-je dit ?
Mais non Madame, vous avez un beau foie.
Et puis il y a la ménopause, la soixantaine, vous faites sans doute de l’apnée du sommeil…Et puis je ne connais personne de votre âge qui n’a pas mal quelque part
Mais P….. de B….. de M…….., que faut-il avoir de plus pour être reconnu malade et obtenir le « droit » de se soigner ? Alors, s’il te plaît, Docteur, donne-moi un comprimé pour guérir de mon hépatite C, pour que, au moins je sache : EST-CE MON HÉPATITE ou EST-CE DANS MA TÊTE ?
Merci à cette hépatante dont le témoignage a été publié dans les Dernières Nouvelles d’Alsace, édition de Strasbourg, N°48011, le vendredi 15 avril 2016 (http://www.dna.fr/sante/2016/04/15/marie-jeanne-retraitee-et-pas-assez-malade).
Mise à jour 2020 : “Aujourd’hui en France, toute personne atteinte de l’hépatite C a accès aux derniers traitements, qui sont courts, efficaces et bien tolérés. Parlez-en à votre médecin !”