PERSONNES SÉVÈREMENT IMMUNODÉPRIMÉES

Paris, le 13 juillet 2022
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Eric BULEUX-OSMANN, Président de Transhépate
Jan-Marc CHARREL, Président de France rein
David FIANT, Président de Vaincre la mucoviscidose
Claire MACABIAU, Présidente de France greffes cceur poumons
Pascal MELIN, Président de SOS hépatites fédération
Nathalie MESNY, Présidente de Renaloo
Gérard RAYMOND, Président de France-Assos-Santé

Mesdames les Présidentes, Messieurs les Présidents,

Suite à nos discussions, j’ai bien reçu votre courrier en date du 21 juin dernier. J’avais eu l‘occasion de vous expliquer que cette période serait complexe dans l’agenda du CCNE mais j’ai cependant eu la possibilité d’évoquer votre courrier avec la Section Technique de notre comité ainsi qu’au comité.

  1. En tant que Président du Conseil scientifique Covid-19 (le « CS »), je partage tout le constat que vous réalisez concernant la difficulté de la protection contre la covid-19 des personnes immunodéprimées. Le CS et le Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale (le« COSV ») ont tous les deux pris position à plusieurs reprises sur le sujet et en ont alerté les pouvoirs publics. Ce point sera encore présent dans le dernier avis du CS qui sera rendu fin juillet.
  2. D’un point de vue scientifique, la situation est très évolutive avec les nouveaux variants. Ainsi, ce qui était vrai en janvier ne l’est plus nécessairement en juillet avec BA5. Néanmoins, nous pouvons faire trois constats :
    • La vaccination a une efficacité plus faible chez ces patients contre les formes sévères et graves. Il peut être justifié de procéder à une 4e, voire à une 5e injection.
    • À titre préventif, Evusheld© (tixagévimab/cilgavimab) à 600 mg conserve une certaine activité même si celle-ci est plus faible sur le variant BA5. Il doit donc être utilisé largement.
    • À visée curative, Paxlovid© (PF-07321332/Ritonavir) garde toute son activité sur le variant BA5 mais pose des problèmes  d’interactions pharmacologiques. Ce traitement est, malheureusement, insuffisamment prescrit. Evusheld© 600 mg peut être utilisé à cette quantité en cas de contreindication au Paxlovid©.
  3. Votre courrier soulève deux grands questionnements d’ordre éthique, de niveaux différents :
    • Un questionnement d’ordre sociétal : comment une société peut-elle protéger les plus faibles sans les exclure ? Ceci pose le problème des mesures de précaution à poursuivre à visée de protection des plus fragiles. Très clairement, notre société a choisi la réponse « vivre avec les variants» en laissant cette population plus fragile dans un contexte difficile. Cette forme d’exclusion, peut être non voulue, est réelle et montre la fragilité de nos sociétés face aux épidémies, en France comme à l‘international. J’ai peur que ce choix soit maintenant difficile à modifier dans le contexte actuel. Il est cependant essentiel que les citoyens et les autorités prennent totalement conscience de ce choix.
    • Un questionnement sur la manière dont des recommandations nationales de bonnes pratiques validées, sur l’utilisation de traitements, ne sont pas appliquées de manière homogène sur le terrain partout en France. Ce problème n’est pas propre à la covid-19. Il repose sur la liberté de prescription, alors même qu’il existe des RCP sur ce sujet et qu’il n’y a pas de problème d’approvisionnement. Il est possible qu’une certaine méconnaissance de ces données évolutives explique en partie ce phénomène. Il est possible également que cela s’explique par la complexité de ces prescriptions, du fait des interactions pharmacologiques, alliée à la perception d’une efficacité modérée. Néanmoins, je crois percevoir que la situation a commencé à évoluer au cours des dernières semaines. À l’hôpital, les prescriptions d’Evusheld© et de Paxlovid© s’accélèrent, probablement par la sensibilisation des sociétés savantes suite à vos interventions. En outre, le circuit de dispensation du Paxlovid© a été simplifié. Le nombre de prescriptions hebdomadaires est passé de 1500 a 3800 fin juin. II se situe probablement autour de 5000 a ce jour. Ce chiffre reste insuffisant si on regarde ce qui se passe aux Etats-Unis par exemple.

Il reste cependant un point de tension que vous soulignez : le patient est très dépendant de l’équipe par laquelle il est suivi. Les actions de sensibilisation doivent donc être poursuivies auprès de l’ensemble des sociétés savantes.

Je suis très sensible à votre demande et il serait envisageable de saisir la Section Technique CCNE au mois de septembre en fonction de l’évolution du sujet. Je tenais à vous féliciter d’ores et déjà pour votre engagement et celui des structures que vous présidez en soutien de la protection des patients, enjeu majeur de la démocratie sanitaire, et je vous encourage à poursuivre ce chemin vers plus d’équité et d’humanité indispensable sur ce sujet.

Bien à vous et prenez soin de vous.

Pr Jean-François DELFRAISSY
Président du Comité consultatif national d’éthique
pour les sciences de la vie et de la santé

Copie : Alain Fischer, Président du conseil dʼorientation de la stratégie vaccinale (COSV)

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