Le prix Nobel de médecine est habituellement remis à des personnes dont les travaux ou les actions ont permis de comprendre des maladies et de sauver de nombreuses vies.
Parlons du choléra, maladie du passé ? Pas du tout ! Selon l’OMS, le choléra touche encore 4 millions de personnes chaque année et cause le décès de 100 000 d’entre eux. Il y a 3 siècles la maladie était mortelle dans 70 % des cas, actuellement elle ne l’est plus que dans 3 %.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire le vibrion cholérique (qui est l’agent causal du choléra) n’est pas un virus mais une bactérie en forme de virgule. Le choléra est originaire du delta du Gange où il sévit de façon chronique mais il a été responsable de 7 épidémies mondiales : la première en 1817 et la septième de 1961 à 1991. En 1832, la France et la ville de Paris étaient touchées pour la quatrième fois, 100 000 français en sont morts dont 20 000 parisiens parmi lesquels Champollion, Sadi Carnot, et Casimir Perrier (président du Conseil). Les gens mourraient de déshydratation massive, par diarrhée (de 10 à 20 litres de selles par jour). Pour avoir une idée de ces épidémies relisez le livre de Giono « Le hussard sur le toit ».
Avant de mourir, les malades présentaient une cyanose livide et effrayante, c’était « la peur bleue », expression que le choléra nous a laissée dans le langage courant.
L’épidémie de 1971 a été détectée sur le continent sud-américain et a évolué de façon fulgurante en s’étendant à l’Afrique où elle a infecté plus de 1 million de personnes mais on ne dénombra que 5 à 10 000 morts soit 1 % ! Ces bons résultats ne sont pas dus aux progrès thérapeutiques, encore trop difficilement accessibles ; par contre, ils peuvent être expliqués par la connaissance de la maladie…
Le choléra tue par déshydratation et diarrhées. La toxine cholérique agit en bloquant les pompes de fonctionnement de l’intestin grêle qui servent à absorber le sodium, de plus elle active la pompe CFTR qui fait secréter de l’eau et des chlorures expliquant le renforcement de la diarrhée et donc de la déshydratation. On a alors pensé que l’administration d’eau et de sel pourrait contrecarrer la maladie mais il n’en était rien ! La solution : une pompe de secours la SGLT1 qui permet la réabsorption de sodium et d’eau mais qui pour être activée nécessite d’administrer simultanément du glucose. Il suffit de compenser volume pour volume, les pertes hydriques en y ajoutant du sucre. La SRO : Solution de Réhydratation par voie Orale était née. Elle contenait glucose, chlorure de sodium, de potassium, du chlore et des bicarbonates, le résultat était spectaculaire : on survivait alors à la maladie.
Les essais furent menés avec succès au Bangladesh. Mais il faut (encore aujourd’hui) lutter contre les traditions car on croyait alors que pour faire cesser une diarrhée, il ne fallait pas boire, mais c’était juste le contraire.
Il faut donc apprendre à remplir un panier percé en attendant que le corps seul réagisse et guérisse du choléra. Mais il fallait aussi apprendre à toutes ces femmes africaines à fabriquer la SRO : « un quart de litre d’eau, une poignée de sucre et trois pincées de sel. »
Les femmes se sont organisées allant de village en village et de porte en porte pour transmettre la recette et permettre de sauver ce million de personnes. Ce n’est que secondairement que la méthode fut reconnue par l’OMS et étendue à la planète.
Ces femmes, toutes ensembles, méritent le prix Nobel de médecine pour avoir sauvé autant de vie entre 1971 et 1991 ouvrant ainsi le chemin de la reconnaissance de la place des malades et de leurs aidants pour changer les comportements face à une maladie infectieuse, bref un exemple hépatant.
Pascal Mélin
Intéressant.