L’arrêté du 10 juin nous l’attendions depuis le 25 mai. Ne cachons pas notre joie, l’accès universel au traitement pour tous les malades porteurs d’hépatite C est en route. Pourtant, souvenez-vous, il s’agit d’une pièce en deux actes. L’accès dès aujourd’hui à tous les patients porteurs d’hépatite C de stade F2/F3/F4 mais aussi à bon nombre de populations particulières qui sont à risque de transmission de la maladie. Pour les autres, il faudra attendre l’automne prochain le deuxième arrêté pour que l’accès soit vraiment universel. Tout cela appelle des commentaires.
Le premier point porte sur la question du prix. Nous sommes des gens responsables, et même si on a retenu des revendications de SOS hépatites « un traitement pour tous une guérison pour chacun », cette demande d’universalité a toujours été reliée à la baisse et à la renégociation du prix. Sur ce point nous voudrions de la transparence.
Le deuxième point porte sur une population qui est particulière car de plus en plus on l’oublie. Ce sont les malades contaminés par transfusion ou par utilisation de produits sanguins. Infectés dans leur chair depuis plus de 25 ans, ce n’est pas qu’un traitement qu’ils attendent, c’est aussi une réparation. La simplification des traitements chimiques ne doit pas occulter la complexité de la guérison psychologique ou sociale.
Le troisième point est une question : mais qui ne va-t-on pas traiter tout de suite ? Les patients avec un score F0 ou F1 vous aller me dire ? Oui, mais ils peuvent le plus souvent rentrer dans une catégorie autre qui leur permet l’accès aux soins. Mais alors qui va encore attendre jusqu’à l’automne ? Le deuxième arrêté ne sera-t-il là que pour annoncer une super-universalité ? Mais cette discrimination positive me fait grincer des dents. Il faut traiter les malades en tenant compte de la double problématique du traitement actuel : les malades ayant un risque de dissémination de la maladie et ceux ayant un risque d’évoluer très rapidement. D’un point de vue épidémique cela se comprend pour limiter la diffusion de la maladie. Pourtant ce choix amène à écrire des recommandations qui font frémir : concernant « les usagers de drogues avec échanges de matériel », ce choix revient à dire que l’acquisition de pratiques sécuritaires que nous diffusons via les programmes de RDR deviendrait un frein à l’accès au soin !
On s’entendrait alors dire dans les consultations des CSAPA face à un toxicomane porteur d’hépatite C : « Votre hépatite C n’est pas suffisamment grave pour être traitée maintenant, sauf si vous me dites que vous échangez du matériel, ce que nous avons appris ensemble à ne plus faire depuis 2 ans… ». Le traitement universel le plus rapidement possible c’est quand même mieux que la gymnastique pour faire rentrer les malades désireux de se soigner dans une case traitement.
Enfin, il y a les anxieux qui pensent que les consultations vont être embouteillées mais moi je fais confiance aux malades et aux médecins ainsi qu’à toutes les infirmières et secrétaires pour adapter les filières de soins pour permettre le soin de tous.
Si on est capable de faire entrer 80 000 personnes dans un stade en 3 heures avec une double fouille, on doit pouvoir traiter 200 000 malades infectés par l’hépatite C en 3 ans ! Possible non ?
Pascal Mélin