Cette information intéressera peut-être peu de monde mais pour l’éducation thérapeutique elle pose question.
En effet, Yann était suivi conjointement pour une maladie VIH & une dépendance à l’alcool. Nous avions mis en place toutes les stratégies possibles : sevrage hospitalier, postcure et séance de psychothérapie individuelle. Et afin d’éviter toutes complications infectieuses, ce sont les infirmières libérales qui passaient le voir chaque jour pour lui faire prendre sa trithérapie. Malgré cela, à chaque fois qu’il venait à la consultation, on butait sur des problèmes d’hygiène, d’alimentation, de lieu de vie.
La course folle de la médecine à la rentabilité risque bien de laisser nombre d’entre nous dans le fossé comme ce qui est arrivé à Yann. Et pourtant, je voudrais lui rendre hommage à travers une consultation mémorable. Un jour où je ne savais pas comment l’aborder, je lui proposais dans le cadre des consultations thérapeutiques de venir s’asseoir à ma place derrière le bureau et de jouer le rôle du médecin. Je lui proposais alors de prendre sa place et de me mettre en situation de malade. Voilà à peu près les échanges que nous avons pu avoir :
– Bonjour, Monsieur Le Malade, quoi de neuf depuis la dernière fois ? Un pharmacien m’a appelé pour me dire que vous n’étiez pas allé chercher votre traitement.
– Ah ! Oui, je n’y suis pas allé parce qu’il me restait du traitement du mois dernier.
– S’il vous restait du traitement du mois dernier, c’est que vous ne l’avez pas pris correctement !
– Je sais pas, les infirmières passent mais des fois je ne suis pas là et elles déposent les médicaments à ma mère.
– Votre bilan est catastrophique, au rythme où ça va, vous allez faire rapidement des complications.
– J’en ai déjà fait des complications. Moi je n’ai pas envie de grand’ chose, je sais que je bois trop et que je fasse tout ce que vous me disiez.
– Mais vous vous rendez compte des sommes dépensées pour vous maintenir en bonne santé !
– Bah ! Non et de toutes façon à quoi ça sert ?
– Votre maladie, votre sida, on peut la stabiliser mais on peut rien faire sans vous. Il faut que vous preniez votre traitement !
– Oui, mais c’est difficile.
– Alors comment on peut vous aider ?…
Tout était dit, je découvrais que ce patient éthylique chronique que le médecin avait catégorisé comme débile léger était capable, en fait de prendre une posture de soignant et de se laisser aller. Ces quelques minutes de jeu de rôle m’avaient appris énormément sur sa vision du corps, sur sa vision de l’aide soignant.
Je tentais par la suite avec l’équipe d’éducation de voir Yann dans de meilleures conditions pour l’accompagner au mieux. Mais pourtant, cela restait très difficile. Je n’oublierai jamais cette consultation miroir.
Un grand merci à toi Yann, je me permettrai dans le futur, de réaliser à nouveau cette expérience, de demander au malade de jouer le rôle du médecin et prendre la sienne.
Pascal Mélin
beau message et j’aurai une petite pensée pour Yann même si je ne le connaissais pas.
Bisous belges, l’ami.
Je suis infirmière en posture alcoologie , je sais combien l acceptation du soin est compliqué pour là personne en souffrance. Je suis épatée de lire votre authenticité avec le malade. Et pourtant bien des patients me l ont rapporté.Merci pour vos récits