ANONYME

L’orthographe et la ponctuation de l’auteur ont été respectées

« Un hépatologue résistant : « j’ai menti » »
Je suis médecin, mais aujourd’hui si je choisis de rester anonyme c’est parce j’ai le sentiment d’être un résistant de l’hépatologie, un maquisard des nouveaux traitements de l’hépatite C. Mes pairs me jugeraient probablement comme un irresponsable. Pourtant il y a quelques années  nous avions  obtenu de pouvoir traiter par interféron et ribavirine tous les malades porteurs d’hépatite C, quel que soit leur score de fibrose. Aujourd’hui, les nouveaux traitements ne sont prescrits qu’à ceux ayant fait la moitié du chemin vers la cirrhose et qui sont donc F2 ! Depuis plusieurs mois, plusieurs patients se sont présentés à ma consultation après avoir entendu parler des nouveaux traitements. Malheureusement,  tous ces patients que je n’avais pas revu parfois depuis plus de 5 ans, se sont avérés porteurs d’une hépatite minime et  ne pouvaient donc pas être traités.

Au début cela me semblait normal, je ne faisais qu’appliquer les recommandations nationales. Puis progressivement, je fus envahi par le désarroi des patients à qui je refusais le soin. Cela n’avait aucun sens et bientôt je me laissais envahir par leur révolte, il fallait faire quelque chose. Et c’est un soir  que la décision c’est imposée à moi. Si pour accéder aux traitements je devais mentir sur le score de fibrose des patients alors je mentirai.

Et c’est ce que j’ai fait, j’ai menti, mais je ne regrette rien ! L’histoire de l’hépatologie me reconnaîtra comme un juste avant l’heure. Plusieurs malades ont ainsi pu être traités et se réinsérer socialement ou ne pas subir la désocialisation liée à la maladie. Je suis sûr comme moi que d’autres hépatologues ont menti,  assumant par la même leur rôle de désobéissance hépatologique.

Il n’y a pas que les virus, les médecins aussi peuvent être résistants.

Un hépatologue écœuré.


Mise à jour 2020 : “Aujourd’hui en France, toute personne atteinte de l’hépatite C a accès aux derniers traitements, qui sont courts, efficaces et bien tolérés. Parlez-en à votre médecin !”

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