TU PEUX LE FAIRE ISMAËL

Ismaël est un toxicomane suivi depuis plus de douze ans dans un centre d’addictologie. Depuis plusieurs années, les professionnels de santé savent qu’Ismaël est porteur d’une hépatite C mais seules quelques personnes semblent s’en inquiéter. La plupart tente de le « suivre » mais sans jamais le rattraper.

Son parcours a le chaos d’un usager de drogues passant de la prison à des larcins divers, jouant au chat et à la souris ou essayant peut être tout simplement de jouer à la vie. Il ne « deale »  pas, il dépanne. Il ne se cache pas, il se fait discret. Il ne rechute pas il craque juste un peu. Quand on le prend en flagrant délit de « mensonge »  il sourit et rétorque qu’il a compris qu’on obtient plus souvent ce que l’on veut en mentant plutôt qu’en disant la vérité et que c’est pour nous épargner sa vérité qu’il la modifie.

De faux pas en glissades, l’ensemble de l’équipe est restée disponible, l’accueillant encore et encore en tentant de bâtir de nouveaux projets avec lui.

Et puis un jour Ismaël accepte de faire le bilan de cette maladie du foie qui lui semble si étrangère. En prononçant le mot de cirrhose j’ai alors provoqué un « je ne bois pas je suis musulman, ce n’est pas possible », réponse habituelle et conforme aux représentations individuelles et collectives traduisant que seul l’alcool peut être à l’origine de cette maladie. Il a donc fallu réexpliquer les liens entre cirrhose du foie et hépatite C et, pour la première fois, ce mot d’hépatite a semblé prendre sens et résonner en lui. Puis Ismaël est retourné en prison où il a été  mis en isolement … à cause de ton hépatite C. Les représentations peuvent avoir la vie dure, y compris chez les professionnels de santé !

À sa sortie nous avons repris le relais de son traitement de substitution et Ismaël a alors demandé si nous pouvions tenter de le guérir de cette hépatite. La majeure partie de l’équipe y était opposée compte-tenu de son parcours de vie plutôt chaotique mais deux d’entre-nous étaient prêts à saisir cette « opportunité de soin » puisqu’elle résultait de sa demande.

Le traitement a duré une année, avec des hauts et des bas faits de périodes de reprise de produits interprétées par Ismaël comme étant liées aux effets secondaires du traitement. Mais tous se sont accrochés, le patient comme l’équipe soignante, et 6 mois plus tard le virus était indétectable. Une sacrée revanche après toutes ces années de galère ! À l’annonce de sa guérison, Ismaël nous a confié n’avoir fait que deux choses de bien dans sa vie : guérir de son hépatite et… sa fille. Fort de cette réussite, nous l’avons incité à entreprendre des démarches auprès de l’AFPA (Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes) et de reprendre contact avec cette petite fille qu’il n’avait pas vu depuis 6 ans, en insistant sur le fait que finalement tout ceci n’était pas vraiment plus difficile à faire que de guérir de l’hépatite C !

Ismaël a relevé ces nouveaux défis. À ce jour, il ne prend plus de produit, tente de rattraper avec sa fille tout le temps égaré et va de formations en stages, même s’il n’a pas pour autant trouvé un emploi. En attendant, il semble avoir réussi là où tout le monde le pensait perdu.

Pourquoi avoir raconté cette histoire ?

Tout simplement pour insister sur le fait que nous n’avons pas à prédire des combats de l’autre. Du reste, nous pouvons nous demander quel est l’impact de nos prédictions sur les projets, ou tranches de vie des personnes que nous rencontrons, d’autant qu’au fil du temps, la maladie peut prendre sens et devenir une chance pour changer sa vie. Nous ne pouvons donc qu’accompagner, sans céder au découragement, que l’on soit soignant ou encore responsable associatif.

Cet accompagnement démontre qu’il faut réapprendre ou apprendre à prendre soin de soi pour pouvoir accéder aux soins.

Merci Ismaël. Toi aussi tu as plaqué l’hépatite C.

Pascal Mélin

LES PREMIERS MESSAGES DE NOTRE ENQUÊTES IFOP

main-maintenant

Qui mieux que l’IFOP (l’Institut Français d’Opinion Public) pouvait interroger les français pour évaluer leur niveau de connaissances concernant l’hépatite C ?

Grâce aux soutiens financiers de ses partenaires, SOS hépatites a pu commander cette enquête nationale et bâtir un questionnaire adapté. L’IFOP s’est chargé de définir un échantillon de plus de 1000 personnes représentatif de la population générale française. Il faut noter que les enquêtes précédentes avaient été réalisées à partir de banques de données sanitaires (assurés sociaux, personnes habitant dans un lieu particulier etc.). Pour la première fois une enquête a été réalisée sur une population répartie sur l’hexagone et représentative des variations socioprofessionnelles et culturelles.

L’enquête, menée en mars 2013, a montré des résultats préoccupants, justifiant plus que jamais le SOS que nous représentons.

Le premier chiffre inquiétant est qu’au moment de l’enquête et après que les facteurs de contamination de l’hépatite C aient été rappelés, 33% des personnes interrogées, soit 1 français sur 3, reconnaissait avoir eu par le passé un comportement à risque de l’avoir contaminé. Mais chose encore plus surprenante, 59% des personnes interrogées déclaraient ne jamais avoir fait de test de dépistage. Ce résultat démontre bien tout le travail d’information à réaliser encore pour que toutes les personnes ayant eu un comportement à risque, soient en capacité de l’identifier pour avoir recours ensuite au dépistage. Car pour guérir un jour il faut avoir connaissance de sa maladie.

Dans la suite de cette enquête on découvre que 73% des personnes interrogées connaissent bien l’existence des traitements de l’hépatite C mais répondent que 66% d’entre eux l’on ne peut pas en guérir et que les traitements doivent être pris à vie pour 70% ! Les représentations liées à la maladie sont donc très loin de ce que la médecine permet désormais, puisqu’aujourd’hui, presque 70% des malades voient leur virus disparaitre avec un traitement d’un an maximum et ce, grâce aux nouvelles combinaisons thérapeutiques.

C’est pour lutter contre ces représentations erronées que SOS hépatites se lance, pour une durée de plusieurs mois, dans une campagne dont le slogan est : «  C maintenant, plaquez l’Hépatite C » !

Pascal Mélin

POUR SOS HÉPATITES, LE MOIS DE MARS VA ÊTRE UN MOIS QUI BOUGE !

Du 21 au 24 mars se sont tenues les journées francophones d’hépato-gastroentérologie et d’oncologie digestive (JFHOD). Des représentants de SOS étaient présents sur le site de cet événement pour porter la parole des patients et représenter les usagers du système de santé. Mais nous reviendrons sur les temps forts de ce congrès prochainement.
Le 26 mars est la journée nationale du dépistage du cancer colorectal, deuxième cancer en France qui, s’il est dépisté à temps, guérit 9 fois sur 10.
Cela fera probablement moins de bruit, mais avec ses partenaires, SOS hépatites s’apprête à lancer une grande campagne d’information et de communication qui, espérons-le, fera le buzz. Alors restez vigilent, suivez-nous et vous serrez les premiers à découvrir notre nouveau slogan et nos nouvelles actions.
Pour lancer cette campagne, SOS hépatites s’est associée à l’institut de sondage ifop afin de réaliser une enquête sur plus de 1000 personnes représentatives de la population générale. Cette enquête sera rendue publique dans les jours à venir. Vous en serrez les premiers informés et découvrirez à cette occasion des scoops et des surprises.
Cette campagne a pour objectif de modifier les connaissances du grand public et de favoriser le dépistage ainsi que l’accès aux soins. Et… cerise sur le gâteau, le printemps voit également l’ouverture de notre nouveau site internet conçu pour mieux répondre aux attentes de chacun.

HÉPATITE B ET CANCER

Le virus de l’hépatite B est connu pour provoquer des cancers du foie, mais on oublie trop souvent que ce virus ne fait pas bon ménage avec n’importe quel autre cancer.
Il y aurait dans le monde au moins 350 millions de porteurs chroniques de l’hépatite B dont 250 000 en France.
En cas de découverte de cancer, les patients doivent le plus souvent être hospitalisés, se faire opérer ou encore avoir des soins par chimiothérapie. Deux problèmes peuvent alors survenir.
Premièrement, le virus de l’hépatite B risque de générer de nouvelles contaminations puisqu’il possède un fort pouvoir de transmission. C’est la raison pour laquelle tous les professionnels de santé devraient être vaccinés et se protéger.
Deuxièmement, il faut comprendre qu’en cas d’infection chronique par le virus de l’hépatite B, il existe un équilibre entre la multiplication du virus et nos propres défenses immunitaires puisque chaque jour nous détruisons des millions de virus.
En cas de cancer, certaines chimiothérapies amènent une baisse des défenses immunitaires et laissent donc le champ libre au virus qui peut alors endommager gravement le foie et « réveiller » une hépatite B jusqu’alors endormie.
Ces réactivations sont parfois dramatiques et peuvent être fatales au patient qui lutte contre son cancer. Cela est spécifique à l’hépatite B et ne s’observe pas pour le virus de l’hépatite C. Voilà  encore une bonne raison d’être vacciné contre l’hépatite B.
Mais allons plus loin encore. Les sociétés savantes en hépatologie préconisent dans les pays développés que toute personne connue pour être porteuse du virus de l’hépatite B soit mise sous traitement oral (analogue contre le VHB) durant le temps de la chimiothérapie et ce particulièrement si cette dernière est agressive et risque de faire chuter les défenses immunitaires du patient.
Ces recommandations bien que pertinentes ne doivent pas nous faire oublier, qu’en France seul un malade sur deux a été dépisté !
Alors ne faudrait-il pas conseiller fortement la réalisation du dépistage de bon nombre de patients atteints de cancer avant leur accès à la chimiothérapie, pour éviter toute complication ?
Voilà encore une action à venir pour tous les membres actifs de SOS Hépatites.

LES ANTPROTÉASES DANS LA VRAI VIE…

Le télaprévir et le bocéprévir sont des antiprotéases de première génération disponibles dans la lutte contre l’hépatite C de génotype 1 depuis bientôt  deux ans.
Lors de la mise au point d’un nouveau médicament, la molécule candidate à la reconnaissance suprême de « médicament » subit des batteries de tests d’efficacité et de tolérance qui amène à rejeter plus de 90% des molécules étudiées.
Ainsi, bon nombre de nouvelles substances qui s’avéraient prometteuses n’ont pas passé pas les fourches caudines des autorisations et des tests et ont donc été oubliées.
Mais intéressons nous à une étape ultime du développement, à savoir la pharmacodynamie et la pharmacologie qui consistent à étudier comment un futur médicament est diffusé dans l’organisme puis métabolisé et éliminé.
On en tire alors les doses optimales à prendre et le rythme des prises.
Ainsi nos deux nouvelles antiprotéases ont vu leur développement préconisé sur la base de trois prises par jour non pas matin, midi et soir, comme à l’habitude, mais le plus près possible d’une prise toutes les 8 heures. Et ceci formait les conditions de mise sur le marché et de prise en charge de la sécurité sociale. Mais depuis le lancement de ces deux molécules et malgré tous les efforts fournis par les patients, ces derniers ont fini par exprimer aux équipes d’éducation thérapeutique que cette prise toutes les 8 heures restait difficile et problématique surtout lorsqu’elle devait être liée à un repas ou à une collation plus ou moins riche en graisses.
D’autres études sont maintenant en cours et semblent montrer que les traitements répartis en deux prises espacées de 12 heures ne sont pas moins efficaces. On avait déjà connu une telle évolution avec les traitements du VIH, cette simplification semblant mieux correspondre à « la vraie vie ».
Et les progrès de la médecine n’ayant justement de sens que s’ils rencontrent cette vraie vie, nous attendons avec impatience que cette nouvelle façon « de prendre soin »  soit officiellement enregistrée et devienne référence.
Les prochain congrès devraient amener leurs lots de confirmations et de validations d’une telle orientation.

ANCIEN MALADE OU ANCIEN INTERNE DE…

Le dernier né des Pennac est arrivé en octobre dernier, se prénomme Le 6e continent et a été publié aux éditions Gallimard.

Si vous croisez ce livre au détour d’une bibliothèque, je vous invite à le lire.
Il s’agit d’une pièce de théâtre qui, pour dénoncer nos dérives hygiénistes, évoque ce nouvel espace de l’océan grand comme trois fois le France où les courants concentrent tous les déchets et sacs plastiques du monde.

Le rapport avec les hépatites virales réside dans le fait que cette pièce est précédée d’une nouvelle intitulée « Ancien malade des hôpitaux de Paris », véritable conte médical, comme l’on a rarement l’occasion d’en lire. Vous vous laisserez emporter par l’histoire d’un interne en médecine qui rêve d’un avenir prometteur, tout comme son père et ses grands pères depuis des générations et qui n’a de préoccupation que celle de l’intitulé de sa prochaine carte de visite où seront mentionnés son titre de Professeur et le nom de sa spécialité.

Hélas, en poste aux urgences une nuit, sa garde va devenir un véritable cauchemar face à un malade pour le moins déroutant qui va rassembler à lui seul une multitude de symptômes atypiques se déclinant tout au long de cette fameuse nuit. Ces symptômes vont apparaitre puis disparaitre les uns après les autres, laissant chacun des collègues spécialistes appelés à la rescousse, médusés et impuissants malgré toutes leurs compétences.

Le lecteur tremble pour ce patient qui fait les frais d’une véritable déroute médicale et que l’on transporte de services en services à vive allure sur un brancard aux roues fort heureusement bien graissées… Et l’on est désolé pour cet interne en passe de perdre toutes ses illusions professionnelles, se jugeant responsable de ce pronostic vital qui s’assombrit au fil des chapitres. Mais je vous laisse découvrir la chute de cette histoire aussi surprenante que burlesque !

La lecture de cette nouvelle ne devrait en principe laisser personne indifférent, que l’on soit soignant ou bien malade et à plus forte raison si l’on a aussi expérimenté les deux situations. Ce conte pourrait du reste faire l’objet d’une table ronde au sujet des difficultés actuelles des uns et des autres…

Laisse-t-on les malades annoncer leurs origines lorsqu’ils ont un parcours chaotique et complexe ? Entend-on leur ras-le-bol liés aux galères de leurs parcours alors même que notre pays possède l’un des meilleurs systèmes de soins au monde ? Quant aux soignants, s’autorisent-ils à évoquer les difficultés à exercer dans un domaine fait de maladie et de mort ? Entend-on nos dirigeants se tracasser du nombre d’heures d’exercice par semaine des personnels paramédicaux et médicaux ?

Une nouvelle rocambolesque à lire pour sourire et pour réfléchir… tous ensemble, malades, ancien malade ou ancien interne de…

L’HÉPATITE DU BRAS GAUCHE…

À six mois de la fin de son traitement, un patient vient me consulter et réaliser le contrôle de sa virémie qui, en cas de négativité, signerait sa guérison.
Je viens de finir mon entretien d’évaluation médicale et cette personne prend place sur le fauteuil pour que l’infirmière réalise le prélèvement sanguin dans une veine qu’elle choisit ce jour là… sur le bras gauche. C’est alors que le patient s’agite et demande avec insistance à ce que le bilan soit fait dans le bras droit. L’infirmière s’exécute mais, curieux de sa réaction, je lui demande pourquoi il ne souhaite pas être prélevé sur l’autre bras.

Conscient du caractère atypique de sa réponse et de l’étonnement qu’elle va provoquer, ce patient se lance alors dans une explication, un peut honteux tout de même.

« Docteur, je sais bien que c’est absurde mais comprenez moi, lorsque l’on m’a dépisté, c’est dans le bras gauche qu’a été fait le prélèvement ; quand on m’a fait le test de confirmation c’était encore dans le bras gauche tout comme à l’occasion du dernier bilan avant la mise en route du traitement. Par contre le premier bilan réalisé après un mois de traitement a été fait dans le bras droit et là pour la première fois, le test était négatif comme tous les tests réalisés depuis. Alors vous comprenez bien que le bilan d’aujourd’hui est tellement important pour moi que j’en deviendrais superstitieux et que je préfère que l’on recherche le virus dans une veine du bras droit ! »

Le prélèvement a été fait selon ses désirs et le patient n’a donc pas été surpris d’apprendre que la virémie était toujours négative. J’ai malgré tout proposé qu’une ultime vérification soit réalisée en prélevant du sang dans son bras gauche pour lui prouver qu’il était bien guéri. Son anxiété semblait à son paroxysme mais il accepta, et nous avons pu lui confirmer sa guérison.

Le patient s’excusa de cette superstition qui n’était pas coutumière chez lui. Nous en avons plaisanté et même ri quand j’ai dit qu’il s’agissait probablement d’un nouvel effet secondaire jusque là inconnu et qu’il fallait très rapidement ouvrir un dossier de pharmacovigilance…

On oublie trop souvent qu’il existe tout un monde entre les soignants et les patients : celui des représentations. À chacun les siennes ; celles des soignants ont été façonnées par des années d’études et d’exercice professionnelle et sont forcément différentes de celles des patients.

À cela viennent s’ajouter des croyances nourries de peurs parfois infondées mais qui perdurent et s’accrochent en chacun de nous. On ose rarement les verbaliser tant on en a honte. Ce serait pourtant le meilleur moyen de leur tordre le cou une bonne fois pour toutes, tout en réduisant le fossé d’incompréhension qui subsiste parfois encore entre professionnels de santé et patients.

LA FOURNÉE DE LA FEMME

Le 8 mars est une journée « hépatante » car les droits des femmes à travers le monde restent un combat pour l’égalité dans lequel SOS hépatites se reconnait toujours.

Sociologiquement il est intéressant de voir que pour le VIH des associations de femmes malades se sont constituées et ont revendiqué des prises en charges spécifiques.

Des colloques centrés sur cette prise en charge se sont même développés. Les malades atteints d’une hépatite virale ont maintenu une cohésion entre hommes et femmes mais au delà de cette union, nous sommes conscients des différences et c’est d’ailleurs ce que nous avons travaillé lors de notre dernier forum 2012 à Rennes. Nous avons réfléchi aux différences hommes femmes dans les contaminations et l’accès aux traitements. Ces différences nous aident à mieux nous retrouver pour porter une parole commune.

L’égalité dans la maladie a ses spécificités mais dans bon nombre de pays les décisions de traitement sont fonction du sexe du patient.

Pour en savoir plus sur nos travaux venez nous rendre visite sur le site de SOS hépatites en juin prochain, date à laquelle nous publierons les actes de notre forum.

LE SALON DE L’AGRICULTURE

Une évolution en sens opposé.

Le salon de l’agriculture 2013 vient de fermer ses portes ce dimanche 3 mars. Le scandale du moment concerne l’affaire de la viande de cheval vendue pour de la viande de bœuf et l’on évoque un défaut de traçabilité de la viande.

Pourtant, j’attire votre attention sur le fait qu’il n’y a qu’un pas entre tradition et traçabilité. En effet, avons-nous la traçabilité du sexe de l’animal ? Chez, les bovins comme chez la plupart des mammifères, les deux sexes sont répartis de façon équitable à la naissance. Il y a donc autant de vaches que de taureaux qui naissent chaque année, ces derniers devenant des bœufs après castration. Ainsi culturellement et par tradition nous mangeons de la viande dite « de bœuf » mais dans bon nombre de cas nous ingérons en fait de la vache ! Cela est certes moins vendeur et pourtant, la langue de bœuf qui arrive dans nos assiettes est régulièrement de la langue de vache. Pas grave me direz-vous, au moins nous mangeons de la viande ce qui n’est pas le cas partout sur la planète !

Passé cet aparté au sujet du dernier scandale ayant animé nos plateaux de télévision, certains articles lus dans la presse ou commentés à la radio au sujet de ce salon de l’agriculture m’ont interpelé et amené à faire certains parallèles avec notre système de santé.

En effet de nouveaux concepts ont vu le jour dans le monde agricole comme le Drive-fermier, le concept des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) ou encore celui des Ruches.

Tous ces concepts qui prônent une consommation locale, visent à favoriser une agriculture paysanne et biologique tout en créant du lien entre agriculteurs et consommateurs.

L’agriculture en 2013 évoluant dans une réflexion de proximité permet ainsi de diminuer les intermédiaires, de favoriser le contact direct entre agriculteurs et consommateurs et d’abaisser le coût en CO2. Il semble donc qu’elle ait entamé le chemin inverse de celui de la médecine qui, malgré tous les efforts politiques, ne cesse de voir grandir les déserts médicaux, les malades devant faire de plus en plus de kilomètres pour accéder à un médecin traitant, un spécialiste ou encore tout simplement à une pharmacie.

Et c’est également ce que nous constatons tous les jours dans la prise en charge des malades atteints d’hépatites virales qui, devant la complexité des traitements ont de moins en moins accès à des centres et des équipes proches de leur lieu d’habitation et doivent parfois faire jusqu’à plusieurs centaines de kilomètres aller-retour pour se rendre dans les centres experts. Quel est alors le coût en taxe carbone d’une guérison d’hépatite C ?

Même si l’adage populaire nous répète sans cesse que « la santé n’a pas de prix », quel en est son impact écologique ? Se poser une telle question est-il vain ou encore vide de sens ?

Si l’on considère que se nourrir bien et se maintenir en bonne santé ou encore accéder au système de santé sont le vœu de la majorité d’entre-nous, il est surprenant de constater que l’évolution de deux systèmes, l’agriculture et la santé, se fait dans des sens opposés, l’un s’orientant vers des concepts de « proxivore », l’autre vers la création de centre de soins régionalisés hyper performants qui continuent paradoxalement de défendre une médecine de proximité. Il est probablement urgent de nous questionner au sujet du système de santé que nous souhaiterions pour les années à venir. Et c’est là l’essence même du concept de démocratie sanitaire.

Pour terminer, revenons au salon de l’agriculture au cours duquel les éleveurs ont longuement échangés sur les vaccins antiviraux rendus obligatoires pour les animaux traduisant ainsi leur incompréhension à ce sujet puisque ces virus ne peuvent se transmettre à l’homme.
Pourtant, nous devons actuellement faire face à une épidémie d’hépatite E. On vient de découvrir qu’en Corse des cochons sauvages et les sangliers domestiqués seraient porteurs chroniques de ce virus et que des transmissions humaines auraient eu lieu par le biais de saucissons ingérés.

Les virus évoluent, nous le savons depuis longtemps. Faire évoluer une société consumériste reste difficile mais pas impossible au vue de cette agriculture qui se mobilise pour exister. Faire évoluer notre système de santé pour l’améliorer et le conserver est l’enjeu de ces prochaines années.

Peut-être faut-il tout simplement oser entrer dans une réelle démarche de démocratie sanitaire ?

POUR LE VIAGRA, ON VA ATTENDRE ENCORE…

Imaginez une consultation entre un médecin et un malade au cours de laquelle vous pourriez écouter le dialogue suivant :

– Le malade : Bonjour docteur, je ne pense pas être malade mais je dois vous parler de quelque chose de délicat.
– Le médecin : Allez-y, n’ayez pas peur, je suis médecin et tenu au secret médical. Je peux tout entendre.
– Le malade : C’est-à-dire que j’ai parfois des pannes au niveau sexuel et sans vous offenser j’ai lu que le viagra pourrait me guérir et donc me rassurer même si la maladie est plus dans ma tête que dans mon corps.
– Le médecin : Je vois. Effectivement, vous n’êtes pas malade et honnêtement vu les effets indésirables du viagra il vaudrait mieux attendre quelques années car nous aurons bientôt des médicaments tout aussi efficaces, voire plus performants, et donnant moins d’effets secondaires. Et puis comme vous le dites c’est surtout dans votre tête que cela se passe. Alors détendez-vous, vivez normalement et pensez à autre chose.
– Le malade : C’est vous le docteur, merci je vous fais confiance, vous m’avez rassuré.

Je suis persuadé que comme moi, vous trouvez la réponse du médecin inacceptable, ne répondant pas aux attentes du patient.

Pourtant voila ce qu’on pourrait entendre aujourd’hui dans un autre registre :

– Le malade : Bonjour docteur, je ne pense pas être malade mais je dois vous parler de quelque chose de délicat, je voudrais un deuxième avis.
– Le médecin : Allez-y, n’ayez pas peur, je suis médecin et tenu au secret médical. Je peux tout entendre.
– Le malade : C’est-à-dire que j’ai une hépatite C de génotype 1 mais avec des lésions minimes et sans vous offenser, j’ai lu que les nouvelles anti-protéases pourraient me guérir et donc me rassurer même si la maladie est plus dans ma tête que dans mon foie.
– Le médecin : Je vois mais vous n’êtes pas malade et honnêtement vu les effets indésirables des anti-protéases il vaudrait mieux attendre quelques années car nous aurons bientôt des médicaments tout aussi efficaces voire plus performants et donnant moins d’effets secondaires. Et puis comme vous le dites c’est surtout dans votre tête que ca se passe, alors détendez-vous, vivez normalement et pensez à autre chose.
– Le malade : C’est vous le docteur, merci je vous fais confiance, vous m’avez rassuré.

Que pensez-vous de cette dernière consultation ? Vous surprend-t-elle ?

C’est pourtant bien ce qui se passe en ce début d’année 2013.

En effet si pour les malades ayant une hépatite C infecté par un génotype 1, les traitements n’ont jamais été aussi efficaces, il y a pourtant de moins en moins de malades traités.

Êtes-vous vous choqué ? Si comme vous, j’admets que des malades atteints d’hépatite minime peuvent attendre de nouveaux traitements, cette attente est par contre inadmissible pour des malades pré-cirrhotiques ou cirrhotiques.

Pourtant, lors de la conférence de consensus de 2002 n’avait-il pas été convenu que tout malade devait être traité à partir du moment où cela correspondait à son choix après avoir été informé, de façon claire et loyale, au sujet de l’hépatite et de ses traitements ? Ne serait-ce pas ce que l’on appelle le consentement éclairé ?

Alors viagra et anti-protéases même combat, le changement, c’est maintenant !

MERCI À CELUI QUI M’A CONTAMINÉ

« Avant de mourir je voudrais remercier celui qui m’a contaminé ».
Quelle phrase bouleversante ai-je entendu ce jour-là. J’étais en face d’un malade porteur d’une cirrhose due à une hépatite C post-transfusionnelle responsable d’un cancer du foie inopérable et cet homme n’avait pas de colère !
Dans mes représentations, toutes les personnes contaminées par transfusion, même s’il n y avait pas eu « faute » puisque l’on ne connaissait pas le virus de l’hépatite C à cette époque, devaient être en colère.
Et là, en face de moi, se tenait un homme qui non seulement n’éprouvait pas cette colère que j’estimais légitime, mais mieux encore remerciait celui qui l’avait contaminé !
C’était incompréhensible. Je me suis assis tout près de lui et il m’a raconté que 32 ans auparavant, après avoir consommé de l’alcool et repris la route en voiture, il avait eu un violent accident n’impliquant fort heureusement que lui-même. Les pompiers avaient mis plus de deux heures à le sortir de sa voiture et pour le maintenir en vie pendant toute l’intervention de désincarcération, on l’avait transfusé avec plus de 15 poches de sang avant de le transporter moribond au bloc, et de l’opérer en urgence d’une rate rompue responsable de cette hémorragie interne massive.
« Vous comprenez docteur j’aurais du mourir il y a 32 ans… alors oui, je remercie la personne qui a donné son sang, même contaminé, car si aujourd’hui je suis en train de mourir d’un cancer du foie, je ne regrette pas ma vie. J’ai eu 3 beaux enfants, une femme que j’aime et un métier que j’ai adoré ».
Ce « merci » me laissait muet, dubitatif, m’interrogeait sur le sens de ma vie personnelle, de mon engagement professionnel et me bouleversait aussi, comme il me bouleverse encore quand je repense à cet homme pour lequel j’éprouve une certaine admiration en retour de sa leçon d’acceptation et d’humilité de vie, face à ce qu’il y a de plus injuste, telle la maladie.
Quelques semaines plus tard le patient décédait. Le mois suivant, sa femme et sa fille se présentaient à ma consultation pour obtenir un certificat signifiant que leur mari et père était probablement décédé de complications post transfusionnelles. Le droit à réparation est en effet transmissible aux ayants droit. J’ai bien essayé d’expliquer mon point de vue et tenté de les convaincre que demander réparation ne serait peut-être pas sa volonté, j’ai malgré tout écrit et signé ce certificat. En effet je n’étais pas autorisé à raconter ce que cet homme m’avait confié peu avant de décéder et nous n’avions de toute façon jamais abordé ensemble la question de l’indemnisation. Qu’aurait voulu cet homme pour sa femme et ses enfants ? Qu’aurait-il fait à ma place ? Et pour finir, comment m’opposer à ce qui est de toute façon un droit pour la loi française ?
Cette histoire m’a laissé un goût amer car j’ai conservé malgré tout le sentiment d’avoir trahi et bafoué la mémoire de cet homme qui n’avait aucune rancœur d’avoir été contaminé. Mais pour autant, comment juger cette famille et par là même, toutes les autres qui souffrent  probablement à leur manière de la maladie de leur proche et le plus souvent en silence ?
On devrait toujours s’intéresser de près aux familles de ceux que nous prenons en charge et aborder la question de « l’après » avec les patients. Ces temps d’échanges et de paroles manquent souvent à la prise en charge des personnes et contribueraient sans doute à ce que les soignants n’aient pas à jouer au funambule entre éthique, droits des patients et des familles et leur conscience.
Si vous êtes atteints d’une maladie chronique, osez vous exprimer sur ces sujets lorsqu’ils vous tiennent à cœur parce qu’ils vous appartiennent pleinement et exigez que vos décisions soient retranscrites dans le dossier médical à chaque fois que vous le jugerez utile.

INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES

Le boceprévir et le télaprévir rentrent désormais dans l’histoire de l’hépatologie en tant qu’anti-protéases de première génération.
Néanmoins, ces deux nouvelles molécules auront « marqué » l’accès aux soins eu égard au fait que ces traitements n’ont pas amené une foule de malades dans les consultations spécialisées !
Pourquoi la ruée vers ces anti-protéases n’a-t-elle pas eu lieu ?
Les causes sont probablement multiples mais la peur de la gestion des interactions médicamenteuses a sûrement une grande part de responsabilités dans ce résultat.
Ces deux nouvelles anti-protéases ont en effet une tolérance particulière et cette combinaison thérapeutique à trois molécules (interféron, ribavirine et une anti-protéase), bien que plus efficace pour les patients infectés par un virus de génotype 1, n’en n’est pas moins très difficile à tolérer.
Si l’on s’intéresse aux nombreuses interactions liées à l’association de ces trois molécules, on y retrouve pêle-mêle une baisse d’efficacité des œstroprogestatifs mais aussi des interactions avec les traitements de substitution aux opiacés, les antiépileptiques, les traitements hypocholestérolémiants, certains antidépresseurs, certains antituberculeux, les traitements de la maladie VIH-SIDA.
Actuellement il faut parfois 6 mois de préparation pour modifier les autres traitements d’un patient, avant d’envisager la mise en route de la séquence thérapeutique contre l’hépatite C.
Et ce temps de préparation reste fondamental pour pouvoir envisager un traitement le plus sécurisé possible.
Pour nous aider dans cette recherche, l’université de Liverpool a mis en place un site internet www.hep-druginteractions.org en direction des professionnels de santé.
Mais au fait… à qui revient cette préparation de mise en compatibilité avec les autres thérapeutiques ? À l’hépatologue ? Au médecin traitant ? À l’addictologue ? À l’infirmière ou encore, pourquoi pas, au patient lui-même ?
En effet ne pourrions-nous pas envisager d’impliquer le patient dans ce travail de mise en « compatibilité » de ses traitements ? Ne serait-ce ce pas une façon de responsabiliser les personnes qui le souhaitent tout en aidant à la prise en charge hépatologique ?
En tout cas voici une piste de travail en réseau qui loin de décourager l’accès aux traitements de l’hépatite C devrait au contraire aider à mieux travailler ensemble, malades et professionnels de santé.