HÉPATITE B, IL FAUT PENSER À L’IMPENSABLE…

Pour bien connaitre une épidémie il faut bien connaitre le virus, ses modes de transmission et surtout les pratiques du pays dans lequel vous voulez étudier l’épidémie.

C’est ce que m’a rappelé une patiente porteuse d’une hépatite B chronique que je revoyais en consultation cette semaine, pour son suivi. Elle est originaire d’Afrique centrale et se fait suivre depuis plusieurs années, sa contamination est probablement materno-fœtale, bien qu’on ne puisse l’affirmer. Je lui réexplique les modes de transmission et l’intérêt de vacciner son entourage puis je lui rappelle les modes de contamination.

Et là elle me reprend : « Docteur, quand j’étais dans mon pays je travaillais à la sécurité sociale et on a été vacciné contre l’hépatite B, mais moi, ça a dû avoir l’effet inverse et ça m’a transmis l’hépatite B ».

Je lui réponds que non, le vaccin ne peut pas donner l’hépatite B et que vu son inefficacité elle devait être déjà contaminée à l’époque. Je lui rappelle que mon hypothèse était qu’elle avait probablement été contaminé par sa mère à sa naissance.

Elle reprend : « Oui, mais moi ce n’est pas ça, j’ai beaucoup réfléchi ce n’est pas ma mère qui a pu me contaminer. Cependant, je pense que cela pourrait être dû à une coutume. Dans mon pays, il ne faut pas avoir les gencives roses alors dès qu’on devient une femme, l’ancienne du village prend une spatule et aligne les jeunes filles pour leur glisser de la cendre entre la dent et la gencive. La spatule est unique et se transmet d’ancêtre à ancêtre mais sans désinfection régulière et je pense que c’est comme ça que je me suis contaminée ».

Effectivement, cette pratique est potentiellement contaminante si l’une des jeunes filles est porteuse d’hépatite B et contagieuse. Et il est toujours très difficile d’admettre avoir une mère qui vous a contaminé.

À la fin de cette consultation, la patiente et moi, nous nous étions appris beaucoup de choses mutuellement.

Pascal Mélin

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