HÉPATITE C : À QUI LE TOUR ?

L’arrivée des nouveaux traitements permet d’envisager la guérison de tous les malades porteurs de l’hépatite C. Devant le prix et le nombre limité de prescripteurs il a été décidé de traiter 15 000 à 17 000 personnes par an. Avec encore 250 000 malades en France il faudra 16 ans pour éradiquer la maladie à condition qu’il n’y ait plus de nouvelles contaminations et que la RDR fonctionne.

Mais pour obtenir ces résultats il fallait organiser les soins. Le schéma retenu était en France 15 000 traitements par an en privilégiant les patients les plus graves avec des scores de fibrose F3 (pré-cirrhotique) ou F4 (cirrhotique) cela semble évident car se sont eux qui ont les formes les plus graves et les plus invalidantes, qui risquent de mourir rapidement, ils sont donc prioritaires.

Mais je vous propose d’oser la comparaison avec l’accès à une boucherie.

ALORS C’EST À QUI LE TOUR ? C’EST À VOUS MA P’TITE DAME ?

Traiter les patients les plus graves et les plus à risque de complication ce serait comme laisser passer devant tout le monde les personnes âgées avec l’espérance de vie la plus courte ! Pourtant, les personnes âgées ne sont pas prioritaires dans une boucherie ! J’en entends même dire « Les têtes blanches ont le temps d’attendre, moi pas, j’ai un boulot ». Tiens la comparaison est drôle si on traite les personnes ayant un travail de façon prioritaire ?

Aujourd’hui, on fait la queue à la boucherie et parfois même on prend un ticket (on sert le numéro 147 qui s’affiche en rouge clignotant au-dessus du comptoir) appliqué à l’accès aux soins des hépatites, cela voudrait dire traiter les malades en fonction de la date de leur dépistage. Choquant ? Pourtant, c’est ce que vous faites chez le boucher !

Et l’hépatite aiguë ? Aujourd’hui, son accès aux soins est prioritaire pour éviter son passage à la chronicité… Vous êtes chez le boucher dans la file d’attente et vous vous êtes garé à 50 mètres sur une place libre et là une jeune fille arrive et dit excusez-moi je peux passer devant vous car je suis garé en double file je n’ai pas trouvé de place pour me garer.

Il y a même des boucheries ou l’on a deux files, les petites et les grosses commandes (genre moins de 5 articles). Il y aurait la file des fibroses graves et à côté une autre consultation pour les fibroses minimes…

Les patients co-infectés ou addicts sont des patients qui nécessitent une préparation à leur traitement un peu comme dans une boucherie : quelqu’un devant vous qui passe une commande, ça énerve… oui, mais vous comprenez les prises en charge multidisciplinaires c’est un peu comme l’activité traiteur, on prend la commande mais ça demande du temps de préparation.

Et puis il y a eu ceux qui font la queue dehors car la boucherie est trop petite… Ce sont ceux qui ne sont pas encore dépistés, à quoi bon dépister si on ne peut accueillir tout le monde.

Mais s’il vous plait ne comparez pas les programmes d’éducation thérapeutique aux conseils et aux préparations du boucher c’est plus que ça ! Le boucher vous aide à découvrir ce que vous aimez : « Et s’il vous plaît ma p’tite dame ne me la faites pas trop cuire c’est une viande qui fond dans la bouche ». 

Mais là où on est tous d’accord c’est que lorsque vous êtes en train de vomir du sang, vous n’allez pas chez le boucher. Comprenez lorsque vous avez un cancer du foie ce n’est plus le temps du traitement du virus.

Que vous trouviez ça drôle ou triste réfléchissez un peu. Moi, mon spécialiste du foie je ne veux pas que ça soit un ancien interne ou chef de rayon des boucheries Bernard. Et j’en profite pour remercier mon boucher pour ses conseils de cuisson des magrets de canard.

Pascal Mélin

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